Comment changer notre regard sur le chômage de longue durée?

Peut-on à la fois être chômeur de longue durée et avoir, par exemple, travaillé 45 jours récemment ? La réponse est oui.

Cela peut paraître paradoxal à première vue mais ne l'est pas pour la raison suivante : il faut avoir travaillé 3 mois de suite sans allocations de chômage pour que le compteur du chômage soit remis à zéro. Tant que cette condition n'est pas réunie, le chômeur peut effectuer un ou plusieurs allers-retours entre l'emploi et le chômage. On peut penser qu'il s'agit souvent de jobs en intérim.

Dans un contexte politique où ils sont bien présents dans les débats et propositions, cette note détaille la situation des chômeurs de longue durée par rapport à l'emploi.


Les chiffres du chômage de longue durée (CLD)

Rappelons d'abord que le nombre de chômeurs de longue durée considérés ici est est en baisse tendancielle depuis janvier 2015 : de plus ou moins 183.000 à environ 116.000 en avril 2024 au niveau national. On notera que cette baisse est particulièrement marquée en Flandre : -46% sur la période considérée, moins à Bruxelles (-23%, soit la moitié moins) et en Wallonie, -37%. Au final, la part de la Flandre dans le total national des chômeurs de longue durée diminue, celle de Bruxelles augmente et celle de la Wallonie est revenue, en avril 2024, plus ou moins à son niveau de 2015, soit 45%.

  • Principal constat : 36,8% des chômeurs de longue durée – soit au total 42.000 personnes – ont travaillé au moins une fois depuis que la barre des 2 ans de chômage a été franchie. Ce pourcentage est, globalement, un peu plus élevé en Wallonie (39,0%) qu'en Flandre (36,2%) et à Bruxelles (33,6%).
  • Autre constat : le pourcentage de chômeurs de longue durée ayant travaillé au moins une fois augmente significativement avec la durée du chômage.

Au total, il y a 72.000 CLD qui n'ont pas travaillé depuis que la barre des 2 ans de chômage a été franchie. 43,4% d'entre eux sont en Wallonie, soit 31.000 CLD. Un peu plus de la moitié du nombre total de CLD qui n'ont pas travaillé sont au chômage depuis 5 ans ou plus.


Que tirer de ces observations ?​

D'abord et avant tout que ces observations cassent l'image de chômeurs qui seraient tous des "profiteurs". En outre, ils seraient peut-être plus nombreux à travailler si les allers-retours chômage-emploi, en particulier pour les jobs de (très) courte durée, étaient moins lourds en démarches administratives et présentaient moins de risques en matière de revenus. Dans le débat sur les pièges à l'emploi cette dimension est trop souvent ignorée.

L'existence des 42.000 CLD ayant travaillé constitue à la fois un signal positif et une source d'interrogation : comment se fait-il que ces parcours ne débouchent pas plus et plus rapidement sur une insertion durable sur le marché du travail ?

Ceci devrait amener à s'interroger sur l'espoir que certains mettent dans les travaux d'intérêt général. Peut-on vraiment penser que, par exemple, « passer du temps avec des personnes âgées en maison de repos » débouchera, avec le temps, plus facilement et plus rapidement sur une insertion durable que des "vrais" jobs de courte durée successifs ?

On doit, avant d'aller plus loin dans la mise en oeuvre de la volonté du gouvernement wallon, mieux connaître les profils et les parcours des chômeurs de longue durée.

Les trois vraies questions?

D'une manière générale, trois questions méta restent posées :

  1. Quelles que soient les formes d'activation choisies, a-t-on les ressources humaines et financières à la hauteur des ambitions affichées ? Par exemple, accompagner des personnes effectuant des travaux d'intérêt général nécessite des moyens importants et de trouver des lieux accueillants et bienveillants alors que les équipes dans divers lieux potentiels se déclarent déjà débordées.
  2. Comment garantir que ces formes d'activation, en particulier pour la garantie emploi, ne phagocytent pas des emplois existants, surtout dans un contexte de difficultés budgétaires des pouvoirs publics locaux et de nombreuses activités non-marchandes ?
  3. Si des moyens sont dégagés pour diverses activations, ne ferait-on pas mieux de les proposer, du moins en partie, à d'autres demandeurs d'emploi, par exemple à des jeunes sans revenus ou à des chômeurs plus récents ?


Plus dans la note ci-dessous.

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