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Trump et le nouvel ordre mondial: comment les règles du jeu monétaire sont réinventées?

Nous commettons une immense erreur de jugement en observant la stratégie commerciale de Trump, dont tous savent qu’elle est suicidaire, à commencer pour les États-Unis, dans un scénario digne de la Grande Dépression des années 30.

Mais il faut évidemment voir les choses à l’envers et se demander ce que veut Trump. Il exige essentiellement trois choses : réindustrialiser les États-Unis en attirant des entreprises étrangères, affaiblir le dollar pour stimuler les exportations américaines et, surtout, trouver des créanciers complaisants pour sa dette publique, dont le financement devra être imposé au reste du monde à un taux d’intérêt très faible.

Le chaos tarifaire de début avril est donc la première étape d’un gigantesque plan visant à réaligner les parités monétaires. En voici les phases, sachant que Donald Trump souhaite réindustrialiser les États-Unis et maintenir le dollar américain comme monnaie de réserve mondiale.


Trois zones de dépendance

La première étape est de déployer un chaos tarifaire pour créer un levier de négociation, sachant que les États-Unis ont défini trois zones en fonction de leur degré de dépendance:

  • les vassaux (Royaume-Uni, et probablement Mexique et Canada),
  • les pays neutres (l’Union européenne),
  • et les pays ennemis, comme la Chine.

Les droits de douane annoncés respectent cette gradation.


Tarifs modulés et pression géostratégique

La seconde étape est de moduler ces droits de douane selon l’ouverture des pays aux exportations américaines, en matière militaire, par exemple. Il est évident, dans ce cadre, que le réarmement de l’Europe sera américain et que la balance des paiements entre les États-Unis et l’Europe influencera la prédisposition américaine à rester associée à l’OTAN.

Donald Trump ne veut pas limiter les importations américaines, il veut augmenter les exportations américaines. Comment faire ? Imposer des droits de douane prohibitifs, puis négocier.

Négocier quoi ? Négocier que des partenaires européens donnent une préférence aux produits américains plutôt qu’asiatiques, que des entreprises s’installent aux États-Unis et, surtout, que les institutions financières étrangères, y compris les banques centrales, souscrivent à des obligations publiques américaines à très long terme.

Et Trump mettra la Federal Reserve sous le contrôle de la Maison-Blanche avec un immense réalignement monétaire, sur lequel j’ai écrit tant de notes depuis des mois. Incidemment, si les pays concernés se montrent complaisants, ils pourront bénéficier du soutien militaire associé à l’OTAN.


Vers les Accords de Mar-a-Lago

Enfin, il s’agira de mettre en œuvre une dépréciation du dollar (qui se substituera peut-être aux barrières tarifaires, ou plutôt qui sera négociée avec la menace des barrières tarifaires), sous l’appellation des Accords de Mar-a-Lago, qui rivaliseront avec les accords de Bretton Woods de 1944 ou de Plaza de 1985.

L’accord de Mar-a-Lago ressemblera au système de Bretton Woods imaginé en 1944 (les devises furent liées entre elles par des parités fixes au travers d’une définition par rapport à l’or), mais sans le lien avec l’or.

Les pays vassaux et peut-être neutres arrimeront leurs devises au dollar et, en retour, ils auront accès au marché américain, ainsi qu’à des avantages en matière de sécurité et d’accès au dollar.

Il faut rappeler à cet égard que, chaque jour, les États-Unis échangent (les financiers appellent cela des swaps) des dizaines de trillions de dollars avec les autres banques centrales pour assurer la liquidité monétaire mondiale. Sans l’accès à ces swaps, le système bancaire d’un pays peut s’effondrer instantanément.

Il est évident que ces parités conduiront à une très forte dépréciation du dollar.


Europe : entre deux feux

Il n’y aura aucune échappatoire à ce plan qui, bien sûr, fera rugir les États-Unis. L’Europe, à nouveau, sera battue.

  • Si elle accepte ces parités, son potentiel d’exportation sera entamé au prix d’une récession.
  • Si elle ne les accepte pas, des barrières douanières seront augmentées au prix… d’une récession.

Et cela va évidemment marcher. Cela a toujours marché. Les États-Unis sont la première puissance économique et le dollar reste la devise de réserve du monde. C’est un peu simpliste, mais assez limpide.

Le reste n’est qu’émotions et postures politico-médiatiques.

Et l’Europe ? Elle est coincée entre les droits de douane américains et les importations chinoises. On l’a donc aisément compris : derrière ce réalignement monétaire, c’est la survie de l’euro qui est en jeu.

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