Comment le nouveau Code civil redéfinit la théorie de l’imprévision?

Que se passe-t-il lorsque des évènements imprévus bouleversent intégralement l’équilibre d’un contrat ? Le cas échéant, pouvez-vous solliciter la modification du contrat ?

De longue date, il a été enseigné, dans les facultés de droit, que la théorie de l’imprévision n’était pas accueillie en droit belge, contrairement au droit anglo-saxon.

Selon cette théorie, « une convention pourrait, nonobstant le principe de la convention-loi, être soit résiliée, soit modifiée dans ses termes, lorsque des circonstances, inexistantes au moment de la conclusion du contrat, viennent par la suite, au cours de l’exécution du contrat, en bouleverser l’économie et provoquer un déséquilibre entre les prestations réciproques des parties, rendant l’exécution de la convention par l’une des parties, non point impossible, mais exceptionnellement lourde, au-delà de tous les aléas que les cocontractants avaient normalement envisagés, et ceci en dehors de toute faute dans le chef des parties ou de l’une d’elles »)[1].

Seul primait le principe de convention-loi : « le contrat valablement formé tient lieu de loi à ceux qui l’ont fait ».[2]

La Cour de cassation avait timidement ouvert une brèche à plusieurs reprises, sans consacrer formellement l’application de la théorie de l’imprévision.[3]

Afin de tempérer la rigueur sévère du principe de convention-loi, la jurisprudence usait de considérations liées à l’équité, la bonne foi et l’abus de droit afin de forcer la révision du contrat.

A l’occasion de la réforme du Code civil et de l’introduction du Livre 5 relatif aux obligations, le législateur a fait le choix de consacrer la théorie de l’imprévision.

Désormais, l’article 5.74 du Code civil permet au débiteur d’une obligation de demander la renégociation du contrat ou d’y mettre fin lorsque les conditions suivantes sont réunies :

« 1° un changement de circonstances rend excessivement onéreuse l'exécution du contrat de sorte qu'on ne puisse raisonnablement l’exiger ;

2° ce changement était imprévisible lors de la conclusion du contrat ;

3° ce changement n'est pas imputable, au sens de l'article 5.225, au débiteur ;

le débiteur n'a pas assumé ce risque ; et

la loi ou le contrat n'exclut pas cette possibilité. »[4]


Relevons d’emblée, à la lecture des deuxièmes et cinquièmes conditions, que le débiteur négligent ne pourra se prévaloir de la théorie de l’imprévision. En effet, si le changement de circonstances était prévisible ou si le contrat exclut toute adaptation, le débiteur sera privé du bénéfice de la possibilité de renégocier le contrat.

Cela étant, si les conditions sont réunies, le débiteur peut solliciter :

  • la renégociation du contrat auprès du créancier (préalable obligatoire avant d’introduire une demande en justice);
  • à défaut, si les négociations prennent trop de temps ou si le créancier refuse, l’intervention du juge en vue d’adapter le contrat ou d’y mettre un terme.

L’action éventuellement introduite se fera « comme en référé »[5], ce qui assure au débiteur une issue rapide du litige.

Cette situation vous semble familière ? Vous vous sentez bloqué dans une situation contractuelle délicate ?

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Me David Blondeel & Me Valentino Pollutri

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[1] P. VAN OMMESLAGHE, Les obligations, t.II, Bruxelles, Bruylant, 2013, p.812, n°530.

[2] Art. 5.69 Code civil.

[3] Cass., 19 juin 2009, Arr. Cass., 2009, p. 1736 ; Cass., 14 octobre 2010, Pas., 2010, p. 2043 ; Cass., 12 avril 2013, Pas., 2013, p. 864.

[4] Art. 5.74 du Code civil.

[5] F. George, P. Colson, A. Cataldo &B. Fosséprez, « Chapitre 1 - L’inexécution non imputable au débiteur » in Manuel de droit des obligations, 1e éd., Bruxelles, Larcier-Intersentia, 2024, p. 635​

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