Contrats de distribution : lequel choisir ?

La notion de distribution commerciale recouvre l’ensemble des opérations qui contribuent à la commercialisation de produits/services auprès des distributeurs et des utilisateurs/consommateurs finales. Sont plus spécifiquement visés les contrats d’« intermédiation commerciale », qui permettent de « faire le lien » entre producteur/fabricant et utilisateur.

Les contrats de distribution – qui font partie des contrats dits « relationnels » – sont variés et il est judicieux d’en analyser quelques-uns : courtage, commission, agence, concession de vente et francise[1].

1. – En droit de l’entreprise, le courtier est un intermédiaire indépendant qui se charge, à titre professionnel, de mettre en relation des personnes afin de leur permettre de conclure une opération juridique à laquelle il demeure étranger. En d’autres termes, il offre, de manière permanente et à titre professionnel & onéreux, un service d’entremise pour faciliter la conclusion d’opérations économiques. De nombreux secteurs sont concernés : matrimonial, assurances & réassurances, transport, crédit, voyage, immobilier…

Ce contrat ne fait l’objet d’aucune réglementation propre ; il s’agit d’une forme particulière du contrat de louage d’ouvrage et c’est donc le régime juridique applicable à cette qualification qui s’impose (art. 1787 à 1799 du Code civil). De nombreuses activités de courtage sont en outre soumises à des conditions légales d’accès/exercice de la profession, avec pour objectif de protéger le consommateur.

2. – Dans le cadre du contrat de commission, le commissionnaire s’engage, moyennant rémunération, à accomplir, en son nom propre mais pour le compte du commettant, des opérations juridiques intéressant la circulation des biens :contrat de change, contrat de commissionnaire-expéditeur, contrat de commissionnaire de transport, « dépôt-vente » de marchandises…. Dans ses relations avec les tiers, le commissionnaire ne dévoile que l’existence de son mandat et non l’identité du commettant.

Économiquement, le recours à un commissionnaire s’explique par la considération que ce dernier est une personne connaissant bien le marché et y jouissant d’une certaine notoriété/crédibilité. Son intervention « en nom propre » assure ainsi le crédit de son commettant, dont la divulgation de l’identité n’est plus essentielle. Sur le plan juridique, deux conséquences résultent d’une telle situation : si le commissionnaire agit en son nom propre, il sera personnellement responsable de l’exécution des contrats conclus pour le compte de son mandant (livraison, garde et conservation des marchandises) ; le fait que les tiers aient connaissance de l’existence d’un mandat dans le chef du commissionnaire les empêche de faire état d’une simulation.

3. – Le contrat d’agence commerciale est celui qui, parmi les contrats de distribution, jouit du régime juridique ad hoc le plus complet (articles 1.11, 1° et X.1 à X.26 du Code de droit économique – Codeco).

L’article I.11, 1°, du chapitre 8 du titre 2 du Codeco le définit comme celui « par lequel l’une des parties, l’agent commercial, est chargée de façon permanente, et moyennant rémunération, par l’autre partie, le commettant, sans être soumis[e] à l’autorité de ce dernier, de la négociation et éventuellement de la conclusion d’affaires au nom et pour compte du commettant ». L’article X.1 du Codeco ajoute que le titre ne s’applique pas si l’activité identifiée « n’est pas exercée de manière régulière ».

L’agent est un intermédiaire agissant au nom et pour compte d’autrui. Il est avant tout un négociateur et ce n’est que par exception qu’il sera, le cas échéant, également mandataire au sens juridique. Le fait qu’il agisse au nom et pour compte du commettant a, notamment, pour conséquence qu’il supporte un risque économique inférieur à celui assumé par le commissionnaire ou le concessionnaire de vente.

Puisque l’agent exécute sa mission en toute indépendance, « sans être soumis à l’autorité » du commettant, il est réputé ne pas être lié au commettant par un contrat de travail au sens de la loi du 3 juillet 1978 (lien de subordination entre le travailleur et son employeur) ; il se distingue donc du représentant de commerce[2].

Que l’agent soit chargé de façon permanente/constante & régulière/périodique d’une mission exclut du bénéfice du régime légal les courtiers, dont les activités sont occasionnelles et fortuites. Vu la nature du contrat de courtage, l’intermédiaire travaille avec plusieurs commettants de façon occasionnelle, collaborant à la réalisation d’opérations ponctuelles, alors que l’agent entretient des liens permanents avec un ou plusieurs commettant(s). Dans la pratique, ceci se traduit par le fait que, contrairement à l’agent, le courtier ne fera pas partie du réseau organisé par le commettant.

Nous exposerons, dans un prochain article, les obligations des parties au contrat d’agence, notamment dans le cadre de son exécution (paiement des commissions, clause de ducroire, clause de non-concurrence…) et au moment de sa fin (indemnité compensatoire de préavis, indemnité d(‘éviction…).

4. – Le contrat de concession de vente n’est que partiellement réglementé par le Codeco : seule est prise en considération la protection du concessionnaire lors de la résiliation unilatérale du contrat à durée indéterminée ». L’article I.11, 3°, du Codeco définit la « concession de vente » comme « toute convention en vertu de laquelle un concédant réserve, à un ou plusieurs concessionnaires, le droit de vendre, en leur propre nom et pour leur propre compte, des produits qu’il fabrique ou distribue ».

Quels sont les éléments caractéristiques de ce contrat ? Le concessionnaire est un indépendant agissant en son nom et pour son compte. Ce premier élément distingue, en particulier, le contrat de concession de vente du contrat d’agence commerciale. Le concessionnaire assume donc tout ou partie des risques liés à la distribution des marchandises ; il sera acheteur/propriétaire des marchandises ultérieurement (re)vendues à la clientèle finale. En outre, un droit « spécial » doit avoir été « réservé » au concessionnaire, qui bénéficie d’une situation privilégiée dans la commercialisation des produits fabriqués ou distribués par le concédant dont il a intégré le réseau. Enfin, la concession requiert une relation stable, structurée et organisée dans l’intérêt des deux parties.

Aux termes de l’article X.35 du Codeco, sont soumises au titre 3 du livre X, « nonobstant toute clause

contraire » : les concessions de vente exclusive ; les concessions de vente en vertu desquelles le concessionnaire vend, sur le territoire concédé, la quasi-totalité des produits faisant l’objet de la convention ; les concessions de vente dans lesquelles le concédant impose au concessionnaire des obligations importantes – liées à la concession d’une manière stricte et particulière – dont la charge est telle que le concessionnaire subirait un grave préjudice en cas de résiliation de la concession.

Nous reviendrons dans un prochain article sur les modes de dissolution du contrat de concession de vente conclu pour une durée indéterminée.

5. – Le contrat de franchise s’appuie sur une formule de commercialisation à succès, qui est réitérée à grande échelle, à travers un réseau de franchisés indépendants. L’article 1er du Code de déontologie européen de la franchise la définit comme un « système de commercialisation (…) basé sur une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, dans lesquelles le franchiseur accorde à ses franchisés le droit et impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept du franchiseur. Le droit ainsi concédé autorise et oblige le franchisé, en échange d’une contribution financière directe ou indirecte, à utiliser l’enseigne/la marque de produits/services, le savoir-faire, les méthodes commerciales et techniques, les procédures et autres droits de propriété intellectuelle, soutenu par l’apport continu d’assistance commerciale/ technique, dans le cadre et pour la durée d’un contrat de franchise écrit, conclu entre les parties à cet effet ».

Dans sa forme générique, cette formule de collaboration et d’intégration comprend trois éléments indissociables, que nous examinerons dans une prochaine publication : la transmission d’un « savoir-faire » – à savoir une expertise substantielle, spécifique, transmissible et secrète – mis au point et développé par le franchiseur (avec assistance technique); la présence de signes de ralliement et de maintien de la clientèle (marque, enseigne, nom, logo, slogan, décoration, assortiment, etc.) ; une gamme de produits, de services ou de technologies.

A cet égard, on distingue trois types de franchises :

  • la franchise « de distribution », qui porte sur des produits que le franchiseur distribue à travers un réseau de magasins tenus par les franchisés, peut prendre deux formes selon que :
  • le franchiseur fabrique lui-même des produits et les fait ensuite distribuer par des tiers dans le cadre d’un contrat de licence (ex. : Upignac, Galler, Godiva, The Body Shop & Yves Rocher) (franchise « de production ») ;
    • le franchiseur, qui n’est pas le fabricant des produits, met à disposition des franchisés une centrale d’achat auprès de laquelle ils doivent s’approvisionner pour distribuer les produits sous la marque du franchiseur (ex. : groupe Delhaize) ou – telle une centrale de référencement – il met à disposition des listes de fournisseurs agréés ;
  • la franchise « de services » consiste, pour un franchiseur, à proposer à la clientèle des services prestés selon des méthodes et savoir-faire qu’il détermine, outre, le cas échéant, la fourniture accessoire de produits (ex. : Quick, McDonald, & Pizza Hut ; Avis & Hertz ; Midas & Auto5) ; Hilton, Novotel, Ibis & Kyriad) ; Mister Minit ; Dessange & Saint Algue ; etc.) ;
  • dans le cadre d’une franchise « industrielle », le franchisé fabrique et commercialise, sous la marque du franchiseur, avec son assistance technique et selon ses normes & instructions, les produits qu’il a créés (ex . : Coca-Cola, Yoplait, Délifrance).

Le contrat de franchise de distribution est :

  • synallagmatique : d’une part, le franchiseur s’engage à fournir au franchisé des produits, à lui transmettre un savoir-faire et à l’assister dans l’exécution du contrat (avec utilisation des marques, nom commercial ou enseigne) ; d’autre part, le franchisé s’engage à s’approvisionner en produits exclusivement auprès du franchiseur, à vendre ceux-ci dans le respect de règles d’exploitation et à verser une contrepartie financière;
  • à titre onéreux : soit le franchisé verse un « droit d’entrée » dans le réseau (« indemnité d’affiliation ») et paye ensuite une redevance périodique (proportionnelle au chiffre d’affaires); soit la rétribution du franchiseur est intégrée dans le prix de vente qu’il applique au franchisé, le loyer, le coût des formations suivies par le franchisé et son personnel….

La franchise n’est pas réglementée en tant que telle en droit belge. Cependant, comme évoqué, les dispositions du Codeco relatives à l’obligation précontractuelle d’information dans le cadre de la conclusion d’accords de partenariat commercial lui sont applicables.

La doctrine majoritaire et la jurisprudence sont favorables à ce que le franchisé bénéficie du régime protecteur du contrat de concession de vente (titre 3 du livre X du Codeco), pour autant que les circonstances de l’espèce permettent de rencontrer les conditions relatives à son champ d’application.

En définitive, il convient d’appliquer le droit commun des obligations conventionnelles aux aspects du contrat qui ne sont pas régis par les parties ou, le cas échéant, par le titre 3 du Codeco. Y prenant appui, la jurisprudence et la doctrine ont d’ailleurs érigé un régime prétorien adapté à la spécificité de la franchise (e. a. exécution de bonne foi et loyauté contractuelle).

Vous aurez compris que le recours à un avocat expérimenté s’avère le plus souvent utile, voire indispensable, pour choisir la formule de contrat adaptée à votre situation économique et rédiger les clauses contractuelles, en tenant compte des dispositions légales impératives et supplétives.

Me David Blondeel & Me Yves De Cordt


[1]Certains de ses contrats sont soumis aux articles X.26 à X.34 du Codeco relatifs à l’information précontractuelle dans le cadre d’accords de partenariat commercial, qui seront analysés dans un prochain article (voy. également l’article I.11, 2°).

[2]Au-delà de la différence de statut social, le lien de subordination a des conséquences quant à la responsabilité pour autrui. En effet, l’employeur est un « commettant » au sens de l’art. 1384, al. 3 Code civil, alors que le commettant ne l’est pas.

Mots clés

Articles recommandés

L’autisme du ministre des Finances face à l’entrepreneuriat est désolant

Connaissez-vous la valeur de vos clients?

Liberté accrue pour les activités ambulantes et foraines : moins de tracas administratifs en vue !