Découvrez le dernier rapport (6e) du GIEC, ses principaux enseignements et la réaction de la Ministre du Climat, de l’Environnement, du Développement durable et du Green Deal ...

Le 3e volume du 6e rapport du GIEC, "Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change", consacré à l’atténuation du changement climatique, a été publié le 4 avril 2022, à la suite de l’adoption de son résumé à l’attention des décideurs, lors de la 56e session plénière du GIEC.

C’est établi: nous pouvons réduire de moitié les émissions d’ici à 2030, mais il faut agir aujourd’hui.


Principaux liens (en anglais seulement)

Ce 3e et dernier volume vient compléter les volumes 1 (éléments scientifiques) et 2 (impacts, adaptation et vulnérabilité) du 6e rapport d’évaluation. L’ensemble fera l’objet d’un rapport de synthèse, dont la publication est prévue en octobre 2022.

Ce nouveau rapport, basé sur les données scientifiques les plus récentes, fournit un état des lieux actualisé sur les tendances des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, les progrès dans la réduction de ces émissions, les transformations requises pour limiter le réchauffement climatique, les liens avec les autres politiques et les moyens à disposition pour renforcer les mesures de réponse.

Au cours de ce cycle, le Groupe d’experts a établi à ce jour trois rapports spéciaux et un rapport méthodologique sur les inventaires nationaux de gaz à effet de serre. Il travaille actuellement au sixièm.

À sa quarante-troisième session, en avril 2016, le GIEC est convenu que le rapport de synthèse afférent au sixième Rapport d’évaluation serait achevé en 2022, à temps pour le premier bilan mondial prévu au titre de la CCNUCC. Il s’agira pour les pays d’évaluer les progrès accomplis en vue de réaliser leur objectif qui est de contenir le réchauffement mondial bien en deçà de 2 °C, tout en poursuivant l’action menée pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C. Les contributions des trois groupes de travail seront prêtes en 2021.

Conclusions et principaux enseignements

Selon ce nouveau rapport, il ne fait aucun doute qu’une action drastique, immédiate et mondiale est requise pour éviter de dépasser la limite de réchauffement de 1,5 (avec 50 % de chances) ou 2 °C (avec 66 % de chances), à laquelle fait référence l’Accord de Paris.

À politique inchangée, le monde se dirige vers un réchauffement compris entre 2,2 et 3,5 °C (valeur médiane : 3,2 °C) à l’horizon 2100, qui aurait de très lourdes conséquences pour le développement futur de nos sociétés.

Il subsiste une possibilité d’agir qui permettrait de s’engager sur une trajectoire de développement compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris : elle implique que l’ensemble des pays révisent à la hausse les ambitions climatiques qu’ils ont annoncées lors de la COP26 à Glasgow, en novembre 2021, et engagent résolument des politiques de transition dans tous les secteurs clés de l’économie.

> Tendances récentes des émissions

  • Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont continué d’augmenter au cours de la dernière décennie (2010-2019), mais à un taux d’augmentation moyen inférieur à celui observé au cours de la décennie précédente.
  • Les émissions de GES ont augmenté dans les principaux secteurs au niveau mondial depuis 2010. Les réductions d’émissions associées à l’amélioration technologique se sont avérées insuffisantes pour compenser l’augmentation des émissions associée à la croissance des taux d’activité dans les différents secteurs (industrie, production énergétique, transport, agriculture, bâtiments).
  • Les contributions des différentes régions du monde aux émissions globales continuent de présenter de fortes disparités, reflétant en partie des différences en matière de niveau de développement, bien que des différences importantes soient également observées entre régions présentant des niveaux de revenus comparables. Les 10 % de ménages dont les émissions par habitant sont les plus élevées contribuent de manière disproportionnée (34-45 %) aux émissions mondiales de GES des ménages.
  • Le coût de nombreuses technologies "bas carbone" n’a cessé de décroître depuis 2010. Des politiques ciblées ont permis ces baisses de coût et ont aidé à une large diffusion de ces technologies.
  • La numérisation peut contribuer à réduire les émissions, mais peut aussi avoir des effets néfastes, en l’absence d’un contrôle approprié.
  • Les émissions mondiales de GES en 2030 qui résulteraient de la mise en œuvre des engagements annoncés avant la COP26 ("contributions déterminées au niveau national") rendraient le dépassement du seuil de réchauffement de 1,5 °C probable au cours du 21e siècle (NB : les politiques en place en 2020 mènent à des émissions plus élevées qu’annoncées dans ces engagements) ; dans ces conditions, limiter le réchauffement à moins de 2 °C demanderait ensuite une accélération rapide des efforts de réduction après 2030.

> Transformations requises pour limiter le réchauffement

  • Selon les modèles, les émissions doivent décliner avant 2025 afin de maintenir le réchauffement sous le seuil de 1,5 ou 2 °C, impliquant une action immédiate et des réductions profondes au cours des prochaines décennies. Sans un renforcement des politiques, les émissions de GES continueront à augmenter au-delà de 2025, menant à un réchauffement compris entre 2,2 et 3,5 °C (valeur médiane : 3,2 °C) en 2100. (NB : dans le résumé du GIEC, limiter à 1,5 °C signifie par défaut qu’il y aurait au moins 50 % de chances de rester sous 1,5 °C de réchauffement moyen par rapport au niveau préindustriel, et limiter à 2 °C signifie qu’il y aurait au moins 67 % de chances de rester sous 2 °C).
  • Les trajectoires d’émissions compatibles avec le seuil de 1,5 °C atteignent la neutralité carbone (zéro émissions nettes mondiales de CO₂) en 2050 (2070 pour le seuil de 2 °C). La plupart d’entre elles évoluent ensuite vers des émissions nettes négatives. Ces trajectoires impliquent également des réductions conséquentes des autres émissions de GES. Le niveau du pic de température dépend du niveau des émissions cumulées de CO₂ avant l’atteinte de la neutralité carbone et de l’évolution des émissions des autres GES. Des réductions profondes de ces autres GES, notamment le méthane, d’ici 2030 et 2040, permettraient de diminuer la hauteur du pic de température et d’être moins dépendants des émissions nettes négatives au cours de la 2e moitié du siècle.
  • Toutes les trajectoires d’émissions compatibles avec la limite de 1,5 ou 2 °C impliquent des réductions d’émissions de GES rapides (voire immédiates) et drastiques dans tous les secteurs. Les stratégies pour atteindre ces réductions comprennent la transition des sources d’énergie fossiles sans CSC (captage et stockage du carbone) vers des sources zéro ou "bas carbone" (telles que les énergies renouvelables), des mesures de maîtrise de la demande et d’amélioration de l’efficacité énergétique, la réduction des émissions non-CO₂ et le déploiement des technologies d’extraction et séquestration du CO₂ afin de compenser les émissions résiduelles.
  • La réduction des émissions du secteur énergétique implique des transformations majeures, dont une réduction substantielle du recours aux combustibles fossiles, le déploiement des sources énergétiques à basses émissions, le passage à des vecteurs énergétiques alternatifs, l’efficacité et la préservation des ressources énergétiques. La poursuite de l’installation d’infrastructures basées sur les énergies fossiles (sans CSC) engendrera des émissions de GES dans le futur (situation de blocage ou "lock-in"). Il est possible d’atteindre la neutralité carbone dans l’industrie, moyennant la transformation des processus de production, la circularité des flux de matériaux, une gestion de la demande, et en ayant recours à des sources et des vecteurs énergétiques décarbonés.
  • Les zones urbaines peuvent évoluer vers la neutralité carbone via une transition systémique des infrastructures et de l’aménagement urbain. Cela implique notamment la réduction de la consommation énergétique et de matériaux, l’électrification, l’absorption de carbone dans l’environnement urbain et la réduction des émissions tout au long des chaînes d’approvisionnement.
  • Des politiques adéquates ciblant le secteur des bâtiments (nouveaux bâtiments et rénovation du bâti existant) présentent un potentiel significatif pour contribuer à la décarbonation du secteur à l’horizon 2050, tout en contribuant à adapter les bâtiments au climat futur.
  • Des mesures de contrôle de la demande et les technologies "bas carbone" permettent de réduire les émissions du secteur des transports dans les pays développés et d’en réduire la croissance dans les pays en développement. Les voitures électriques présentent le plus grand potentiel de décarbonation pour le transport terrestre. Les agrocarburants durables peuvent apporter des bénéfices additionnels à court et moyen terme ; ils peuvent également contribuer à diminuer les émissions du secteur du transport maritime, aérien et du transport routier de marchandises, de même que l’hydrogène et les carburants synthétiques (moyennant l’amélioration technologique et la réduction des coûts). De nombreuses stratégies de réduction des émissions de GES dans le secteur du transport présentent de multiples cobénéfices, concernant notamment l’amélioration de la qualité de l’air, la santé, l’accès équitable aux services de transport, la réduction de la congestion et de la demande en matériaux.
  • Les possibilités d’action dans le secteur des sols, de l’agriculture et de la foresterie permettent d’envisager des réductions des émissions (ou l’augmentation de l’absorption) à grande échelle, mais ne permettent pas de totalement compenser les émissions résultant d’actions trop tardives dans les autres secteurs. Ces actions comportent de nombreuses opportunités de cobénéfices (conservation de la biodiversité, services écosystémiques, moyens de subsistance) et de réduction des risques (notamment via l’adaptation).
  • Les mesures agissant sur la demande (dont les changements socioculturels et de comportements) et les innovations en matière de fourniture de services aux usagers finaux permettent d’envisager des baisses d’émissions importantes (40 à 70 % en 2050) dans les secteurs consommateurs, tout en améliorant le bien-être.
  • Le déploiement des technologies d’extraction du CO₂ pour contrebalancer les émissions résiduelles est inévitable pour atteindre la neutralité carbone. L’échelle et le moment opportun du déploiement de ces technologies dépendront des trajectoires de réductions des émissions dans les différents secteurs ; il dépendra également de la capacité à gérer les contraintes sur le plan de la faisabilité et de la durabilité, en particulier pour un déploiement à grande échelle.
  • Le bénéfice économique global associé à la limitation du réchauffement à 2 °C excède les coûts de l’atténuation.

> Renforcement des mesures de réponse et liens avec le développement durable

  • Une action accélérée et équitable pour atténuer le changement climatique et s’adapter à ses impacts est essentielle pour assurer le développement durable. Certaines actions peuvent engendrer des effets néfastes, qu’il est possible de contrecarrer par des politiques appropriées. Les objectifs de développement durable (ODD) peuvent être utilisés pour évaluer les actions climatiques.
  • Des actions renforcées visant la transition vers des trajectoires de développement durable entraîneront des conséquences en matière de redistribution au sein et entre les pays. Une attention pour les enjeux d’équité et une participation large de tous les acteurs à la prise de décision permettent de bâtir la confiance sociale et de renforcer et élargir le soutien aux changements transformatifs.
  • Il existe des solutions pour réduire les émissions qui sont adaptées aux différentes situations et peuvent être mises en œuvre à court terme. Leur déploiement peut être accéléré en levant les barrières (physiques, environnementales, économiques, technologiques, socioculturelles) et en créant un cadre propice. Une action renforcée à court terme, allant au-delà des engagements annoncés avant la COP26, permettrait d’éviter les difficultés à long terme associées aux trajectoires d’émissions compatibles avec l’objectif de 1,5 °C.
  • Les politiques de réduction des émissions de GES sont d’autant plus efficaces qu’elles s’inscrivent dans le contexte plus large de la transition systémique et du développement durable, et permettent des synergies avec les ODD.
  • La gouvernance climatique constitue un cadre (légal, stratégique, institutionnel) favorisant le développement et la mise en œuvre des politiques de réduction des émissions de GES. Elle est d’autant plus efficace qu’elle intègre plusieurs domaines d’action politique, aide à créer des synergies et à minimiser les effets néfastes, et connecte les différents niveaux de pouvoir (national et sous national). Une gouvernance climatique efficace et équitable se base sur l’engagement des acteurs politiques, de la société civile, des entreprises, de la jeunesse, des syndicats, des médias et des communautés locales.
  • De nombreux instruments réglementaires et économiques ont déjà été déployés avec succès ; la manière dont ils sont élaborés et mis en œuvre peut contribuer à prendre en compte d’autres objectifs (tels que l’équité, qui peut être atteinte en utilisant les revenus issus de la tarification du carbone pour aider les ménages à faibles revenus). S’ils étaient renforcés et appliqués à plus grande échelle, ces instruments permettraient de réaliser d’importantes réductions d’émissions et de stimuler l’innovation. Des ensembles cohérents de politiques sont plus efficaces pour opérer la transition vers une société "bas carbone" que des politiques menées isolément.
  • Les flux financiers actuels sont insuffisants pour atteindre les objectifs de réduction des émissions dans tous les secteurs et régions du monde (principalement dans les pays en développement). L’augmentation de ces flux peut être promue par des choix et signaux clairs de la part des gouvernements et de la communauté internationale. Le renforcement de la coopération financière internationale est un facteur clé pour opérer la transition juste et prendre en compte les inégalités dans l’accès au financement et les coûts des impacts des changements climatiques.
  • La coopération internationale est un facteur critique pour permettre d’atteindre des objectifs climatiques ambitieux. Les accords internationaux (CCNUCC, Protocole de Kyoto, Accord de Paris) promeuvent l’augmentation des ambitions nationales et la mise en œuvre de politiques climatiques, mais celles-ci restent insuffisantes.


Réactions de la Ministre du Climat, de l’Environnement, du Développement durable et du Green Deal ' Rapport du GIEC - l'Inaction est couteuse en termes de vies humaines et sur le plan économique"

Alors que la crise énergétique pousse à une gestion de l’urgence dans l’urgence, le GIEC, par son nouveau rapport, nous rappelle qu’il en est une autre : l’urgence climatique. Après les deux premiers rapports qui portaient sur la façon dont la pollution par les gaz à effet de serre réchauffe la planète et sur ce que cela signifie pour la vie sur Terre, ce troisième et dernier rapport est axé sur l’atténuation du changement climatique, soit sur les mesures à prendre pour freiner le changement climatique.​

Couplé aux rapports précédents, ce rapport nous rappelle qu’il faut aller plus vite et plus loin. Les engagements actuels des États nous placent sur une trajectoire catastrophique, bien au-delà de l’augmentation des 2 degrés. Le GIEC salue les engagements pour la neutralité en carbone en 2050 de l’Europe et d’autres États, mais rappelle l’importance, d’abord et avant tout, d’atteindre la cible de 2030, c’est-à-dire une réduction de 45% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Pour la Belgique, cela doit se traduire au minimum par notre engagement dans le FitFor55 qui vise à une réduction des émissions européennes de 55%.

Depuis la dernière série de rapports d’évaluation du GIEC il y a huit ans, les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter ainsi que les températures. Selon les scientifiques, il faudrait réduire de moitié les GES pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degrés. « Cela nécessitera une suppression progressive de toute utilisation de combustibles fossiles mais également de transformer les systèmes énergétiques, industriels, de transport, les villes, les bâtiments… C’est ambitieux mais possible. C’est ce que le GIEC nous dit pour le monde. C’est aussi les conclusions d’une étude pour la Belgique que j’ai présentée l’année dernière sur la vision à 2050 et sur les différents scénarios vers la neutralité climatique en 2050 », commente la Ministre Fédérale du Climat, Zakia Khattabi.

Le GIEC a rappelé à nouveau la responsabilité des pays riches qui sont ceux qui contribuent le plus à la crise climatique, mais qui en sont le moins affectés. Outre l’obligation de faire leur juste part dans l’effort mondial pour réduire les émissions des émissions, la nécessité d'augmenter considérablement les investissements et de financer le climat dans les pays en développement et les pays les plus pauvres a été rappelée.

La guerre en Ukraine nous incite, nous les pays occidentaux, à revoir de toute urgence la question de l'énergie. A la lecture du rapport du GIEC, il est clair que cette nécessité de nous affranchir rapidement du pétrole et du gaz russes doit être utilisée comme un déclencheur pour nous affranchir plus rapidement de l’ensemble des énergies fossiles. Il faut lutter contre les tentations de retourner vers les énergies les plus polluantes.

Ce rapport est une nouvelle sonnette d’alarme mais également un guide reprenant les instruments, les leviers qu’il faut opérer pour atteindre les cibles. « Je ne suis pas surprise des tendances qui s’y dessinent. Les politiques et mesures mises en place au niveau fédéral, dans le cadre de la gouvernance climatique instaurée l’année dernière vont dans ce sens avec entre autres une augmentation du financement climatique pour les pays les plus pauvres, des mesures de transitions énergétiques , de transition vers une économie circulaire… », poursuit Zakia Khattabi.

Il est encore possible de changer le cours des choses, en activant tous les leviers d'une économie à faible émission de carbone et en repensant nos modèles de production et de consommation. « Car nous savons que non seulement l’inaction est coûteuse sur le plan économique, elle l’est aussi en termes de vies humaines », conclut la Ministre.

Plus d’infos ? Pascal Devos (0478/34.23.77)


Plus d’informations :


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