​Déductibilité des paiements substantiels vers des "paradis fiscaux" : jurisprudence récente et modification législative en vue?

La Belgique a adopté depuis 2010 (article 198, § 1er, 10°, C.I.R.) une règle de rejet de la déduction à l’impôt des sociétés des paiements « substantiels » (de plus de 100 000 euros au cours de la période imposable) versés directement ou indirectement vers des « paradis fiscaux ».

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Disposition légale

Sont visés par le rejet de déduction les paiements substantiels qui - même s'ils sont déclarés dans un formulaire spécifique à la déclaration à l’ISOC (formulaire 275 F) - ne sont pas justifiés comme effectués dans le cadre d’« opérations réelles et sincères » , avec des personnes autres que des « constructions artificielles ».

Jugement du Tribunal de 1ère instance d'Anvers du 19 février 2024

  • Dans l’affaire tranchée par les magistrats anversois, une société avait fait, lors des exercices d’imposition 2019 et 2020, des paiements à des fournisseurs (tiers) établis dans des « paradis fiscaux », pour un montant total de 2.500.000 EUR.
  • En l’espèce, les paiements avaient bien été effectués dans le cadre d’opérations réelles et sincères. Le fisc avait néanmoins rejeté la déduction, notamment parce que le contribuable avait été en défaut de démontrer que les paiements avaient été effectués à des personnes « autres que des constructions artificielles ».
  • La notion de « construction artificielle » n’est pas définie par le législateur.
    • Selon l'exposé des motifs, il ne peut y avoir de "construction artificielle" que si celle-ci n'est pas liée à la "réalité économique et est créée dans le but d'éluder l'impôt dû en Belgique".
    • L'administration avait néanmoins considéré que la déduction pouvait être refusée dès lors que les paiements avaient pour but d’éluder un impôt n’importe où dans le monde.
  • Les magistrats anversois ont rejeté la thèse administrative, en renvoyant au passage précité de l'exposé des motifs.
  • L'Etat belge a interjeté appel...

Modification législative?

Plusieurs propositions de loi ont été déposées visant à modifier l'article 198, §1er, 10° du CIR, d'une part, et à introduire une définition de « construction artificielle » dans tout le Code des impôts sur les revenus (à l’article 2, 20° du CIR), d'autre part. Le 12 mars 2024, plusieurs amendements ont été déposés. On retiendra en particulier l'amendement du député Van Quickenborne, visant à limiter l'article 198,§1er,10° du CIR aux seuls paiements avec des personnes avec lesquelles la société belge « se trouve directement ou indirectement dans des liens quelconques d’interdépendance » (nouveau §5 à l'article 198,§1er, 10°). Cet amendement viendrait alléger la charge de la preuve de la société belge. Démonter le niveau de substance d'un co-contractant tiers relève en effet de la gageure!

Voir mon intervention dans L'Echo de ce jour.

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