La loi du 17 mai 2017 relative à la procédure de dissolution judiciaire des sociétés (M.B. 12.06.2017) a modifié la procédure de dissolution judiciaire pour les sociétés qui ne déposent pas (à temps) leurs comptes annuels. Désormais, le simple fait de ne pas déposer les comptes annuels à temps peut entraîner la dissolution, la condition de ne pas déposer ceux-ci pendant trois exercices consécutifs étant supprimée.
Ne pas respecter les délais légaux de clôture est pourtant fréquent dans la pratique, source de difficultés entre le client et son commissaire et passible d’amendes. Il faut dire que l’accumulation de délais pose des difficultés parfois insurmontables. l’occasion de se pencher sur les formalités de clôture et de rappeler les responsabilités de chacune des parties.
L’article 182 du C.Soc prévoyait que si une société ne déposait pas ses comptes annuels pendant trois exercices consécutifs, tout intéressé pouvait demander au tribunal sa dissolution. Cette citation en dissolution d’une société était jusqu’à présent une compétence réservée aux parquets.
La loi du 17 mai 2017 relative à la procédure de dissolution judiciaire des sociétés supprime cette condition des trois exercices consécutifs.
Dorénavant, le tribunal de commerce peut (en parallèle du parquet), à la demande de tout intéressé ou du ministère public, prononcer la dissolution d’une société qui ne dépose simplement pas ou pas à temps ses comptes annuels auprès de la Banque nationale de Belgique.
Il n’est donc plus obligatoire pour cela que la société ne dépose plus ses comptes annuels durant trois années comptables consécutives. Une société doit dès lors, encore plus qu’avant, faire en sorte de respecter les délais relatifs au dépôt des comptes annuels !
La volonté du législateur va au-delà du simple respect légal des délais de dépôt des comptes annuels. Ce délai de sept mois correspond au délai légal de six mois après la clôture de l’exercice durant lequel les comptes annuels devaient être approuvés, majoré du délai de trente jours durant lequel ils devaient ensuite être déposés. L’objectif de la loi est avant tout de s’attaquer aux sociétés dormantes, sociétés fictives et d’empêcher les cas frauduleux de se propager. La loi, réduisant le délai de 3 années (3 ans et 7 mois auparavant) pour une mise en dissolution suite au non-dépôt des comptes annuels, protège les sociétés de bonne foi et vise à diminuer la possibilité d’utiliser des sociétés à des fins purement illicites.
Concrètement, si elle ne dépose pas ses comptes annuels à temps, ce retard peut donner lieu à l’introduction d’une action en dissolution judiciaire à compter du huitième mois après la clôture de l’exercice comptable. En principe, la société obtiendra un délai de régularisation afin de pouvoir déposer ses comptes annuels mais il est bien entendu préférable d’éviter une procédure de dissolution judiciaire et les frais qui y sont liés. Le délai de régularisation a été au centre de l’attention du législateur, comme en attestent les travaux préparatoires de la loi. En effet, on ne pourrait imaginer qu’une société soit dissoute alors que la cause du retard est la maladie du gérant, un actionnaire n’approuvant pas les comptes ou toute autre situation particulière justifiée.
L’introduction d’une action en dissolution peut provenir soit du Ministère public ou d’une personne intéressée, ces deux cas produisant un délai de trois mois minimum de régularisation, soit des chambres d’enquête commerciale (partie du tribunal de commerce) qui suivent les entreprises en difficulté. Dans ce dernier cas, le tribunal peut prononcer la dissolution immédiate. La société aura quoiqu’il arrive eu le temps de régulariser sa situation, car elle aura été informée par pli judiciaire de la communication de son dossier au Tribunal des entreprises.
En 2017, sur 433.178 comptes annuels déposés auprès de la Banque Nationale de Belgique, 181.699 l’ont été au-delà de la période de 7 mois après la clôture de l’exercice comptable, soit 42% des comptes annuels. Cela équivaut à quelque 170.000 sociétés concernées (certaines sociétés publiant des comptes consolidés). Parmi ces 181.699 comptes annuels, 54.466 ont été déposés au-delà du huitième mois. Ces chiffres sont suffisamment parlants eu égard à la loi précitée et sont assez comparables d’année en année, comme on peut le constater dans le tableau ci-dessous :
`
On le sait, en matière de comptes annuels, le C.Soc prévoit un ensemble de délais à respecter. Le non-respect de ces délais peut entraîner des sanctions, allant parfois jusqu’à des sanctions pénales pour les administrateurs et gérants.
Voici un bref rappel des principaux articles concernés :
En cas de présence d’un CE, l’Arrêté Royal du 27/11/1973 prévoit également que :
Cette conjonction des délais du droit des sociétés et du droit social pourrait mener à priver le commissaire du temps nécessaire à son contrôle.
Cette ligne du temps nécessite quelques précisions :
Des spécificités existent pour les sociétés non commerciales telles les fondations ou ASBL ou encore pour les microsociétés, les sociétés cotées ou celles tenues d’établir des comptes consolidés. Ces spécificités ne sont pas abordées dans cet article. Citons par exemple :
Il est fréquent que les sociétés confondent le PV d’arrêt des comptes et le rapport de gestion. Le contrôle des comptes annuels, mission principale du commissaire, comprend nécessairement la vérification de documents tels qu’arrêtés par l’organe de gestion.
Chaque année, les gérants ou les administrateurs dressent un inventaire et établissent les comptes annuels (art.92 C.Soc). Cet établissement des comptes annuels constitue une des principales prérogatives et tâches de l’organe de gestion. Il est d’ailleurs révélateur que pour les sociétés anonymes, l’art.521 C.Soc exclut que l’arrêt des comptes puisse se faire par consentement unanime des administrateurs, exprimé par écrit. C’est donc sous la seule responsabilité de l’organe de gestion que les comptes annuels sont arrêtés. Un PV de l’organe de gestion est établi à cet égard.
Complémentairement à cet arrêt des comptes et uniquement pour les grandes entreprises, l’organe de gestion établit un rapport de gestion (art.94 à 96 du C.Soc) à l’attention de l’AG, dans lequel il rend compte de sa gestion sur base des points mentionnés à l’article 96 du C.Soc. le rapport de gestion doit comprendre toutes les rubriques de cet article 96. Si elles sont non applicables, il convient de l’indiquer.
L’examen du rapport de gestion est une mission connexe à l'audit des comptes annuels (art.144 C.Soc). Bien que déposé en même temps que les comptes annuels (art.100 C.Soc), il ne fait pas partie intégrante de ceux-ci, et ce notamment pour les raisons suivantes:
Depuis le 1er janvier 2016, le bilan social ne fait plus partie des comptes annuels des sociétés commerciales. Il doit cependant toujours faire l'objet d'un dépôt (distinct ou non) suivant les règles et les délais mentionnés à l'article 100 du C.Soc. Ne faisant plus partie des comptes annuels, il n’est dès lors pas soumis à l’approbation des comptes annuels par l’AG. Il doit par contre, en même temps que les comptes annuels, être communiqué au conseil d’entreprise.
Tout comme pour le rapport de gestion, il est important de noter que le commissaire est toujours tenu de mentionner, en seconde partie de son rapport, le fait que le bilan social traite ou non, tant au niveau de la forme qu’au niveau du contenu, des mentions requises par la loi.
Il existe trois grands types de conséquences d’un dépôt tardif des comptes annuels.
Si les comptes annuels n'ont pas été soumis à l’AG dans ce délai, le dommage subi par les tiers est, sauf preuve contraire, présumé résulter de cette omission (art.92 C.Soc). Autrement dit, il existe une présomption simple de causalité entre le dommage subi par un tiers et la faute de l’organe de gestion !
Imaginons un fournisseur qui livre son client sur base d’une situation financière qu’il croit saine, à partir des derniers comptes annuels consultés, les comptes annuels de l’année en cours n’étant pas publiés dans les délais légaux. Ce fournisseur pourrait, s’il n’a pas été payé et a subi un dommage de ce chef, réclamer une indemnisation du dommage subi.
C’est bien aux administrateurs qu’il revient de fournir la preuve que le dommage ne résulte pas de cette omission de publication ! L’action éventuelle du tiers est donc clairement facilitée.
Le non-respect des délais est également pénalement sanctionné (art.126 C.Soc). Sauf en cas de force majeure, les personnes morales qui publient leurs comptes annuels plus d'un mois après l'échéance du délai de sept mois suivant la clôture de l'exercice comptable se voient sanctionnées par l’ajout aux frais de dépôt des comptes annuels d’une contribution de (pour les grandes sociétés) :
Notons qu’il n’est question de force majeure que lorsqu’il n’existe aucune faute imputable à la société, ce qui est difficile à démontrer.
En matière d’amendes, relevons enfin l’amende fiscale de 25 EUR à 250 EUR (art.256 du Code des droits d’enregistrement).
Comme mentionné en introduction, la loi du 17 mai 2017 relative à la procédure de dissolution judiciaire des sociétés peut entraîner la dissolution d’une société à la demande de tout intéressé ou du Ministère public.
La définition de « tout intéressé » n’est pas fournie par la loi, et on peut donc considérer qu’il peut s’agir notamment de clients, de fournisseurs, de concurrents ou encore d’actionnaires etc.
Un rôle est également attribué aux Chambres d’enquête commerciale qui peuvent transmettre le dossier au tribunal lorsqu’elles constatent que les comptes annuels n’ont pas été déposés dans les délais.
Lorsque l’organe de gestion reste en défaut de remettre au commissaire les pièces dans le délai légal (un mois avant l’AG et 45 jours pour les sociétés cotées), le commissaire établira un rapport de carence au plus tard 15 jours avant la date de l’AG statutaire.
Ce rapport de carence est destiné à l’AG et adressé à l’organe de gestion afin d’exposer, en faisant référence aux dispositions du C.Soc, que le commissaire n’a pas reçu les comptes annuels et/ou le rapport de gestion et qu’il a attiré l’attention de l’organe de gestion sur ses obligations légales.
Le rapport de carence ne doit pas faire l’objet d’un dépôt sauf la mention ultérieure dans le rapport du commissaire. Il ne peut être considéré comme une opinion d’audit.
Lorsque le commissaire constate que l’AG n’a pas été convoquée dans les délais prévus par la loi, il adressera une lettre à l’organe de gestion en lui rappelant ses obligations. Si aucune réponse adéquate n’y est donnée dans un délai raisonnable, il envisagera de convoquer lui¬même les associés.
Lors de l’AG ayant pour objet l’approbation des comptes annuels, l’organe de gestion a la possibilité de proroger, séance tenante, la décision relative à l’approbation des comptes annuels à trois semaines. la seconde assemblée générale a le droit d’arrêter définitivement les comptes annuels. Elle ne peut être reportée à nouveau.
L’AG peut s’ajourner elle-même, mais devra bien entendu veiller à respecter les délais d’approbation des comptes.
Peu avant la remise du rapport de commissaire, celui-ci s’adresse à son client pour effectuer certaines diligences particulières.
Il ne faut pas perdre de vue que la responsabilité du commissaire est d’émettre une opinion sur les comptes annuels tels qu’ils seront publiés à la Banque nationale, et en conséquence rendus publics. le rapport de révision doit porter sur des documents à propos desquels l’AG doit se prononcer.
A cet égard, les documents les plus souvent requis par le commissaire sont les suivants :
La Banque nationale soumet les comptes annuels à des contrôles arithmétiques et logiques. Ce document de contrôle, généré à la suite de l’encodage des comptes dans un logiciel, permet à la Centrale des bilans de vérifier si les montants repris dans le bilan, le compte de résultats, l'annexe et le bilan social sont suffisamment cohérents.
Les états financiers peuvent être affectés par certains événements qui surviennent après la date de clôture. Il est de la responsabilité du commissaire de prendre en considération l’incidence des évènements (et opérations) qui sont survenus jusqu’à la date de son rapport. Ceux-ci pourraient en effet avec une influence sur les comptes annuels et requérir un ajustement ou une information à fournir en annexe de ceux-ci.
Le client doit notamment pouvoir fournir :
La Commission des Normes Comptables (CNC) a publié à ce sujet un projet d’avis du 21 février 2018. Elle définit la notion d’évènements postérieurs à la date de clôture comme « tout évènement, favorable ou défavorable, qui intervient entre la date de clôture de l’exercice et la date d’arrêté des comptes annuels par l’organe de gestion, et qui est susceptible d’influence le patrimoine, la situation économique ou financière et/ou le résultat de la société. »
La lettre d’affirmation (representation letter) est une déclaration écrite de la direction (et, le cas échéant, des personnes constituant « le gouvernement d’entreprise ») requise par la norme d’audit ISA 580. Pour l’essentiel, elle ne fait que reprendre et rappeler les responsabilités relatives à l'établissement des états financiers ainsi qu’à l'exhaustivité des informations fournies au commissaire.
Cette lettre d’affirmation n’est en rien une décharge des responsabilités du commissaire. Elle ne remplace pas non plus les procédures d’audit.
La lettre d’affirmation est signée à une date la plus proche possible de celle du rapport du commissaire. Si l’écart annoncé est de plus d’un mois, il est conseillé au commissaire de se voir confirmer les déclarations contenues dans cette lettre.
Notons que le refus de signer la lettre d’affirmation entraîne, pour le commissaire, une limitation de l’étendue de son contrôle, ce qui a un impact sur son opinion.
L’organe de gestion a les pouvoirs les plus étendus pour gérer la société : c'est lui qui pourra accomplir tous les actes, sauf ceux que la loi réserve à l'assemblée générale (article 257 et 522 C.Soc). L’arrêt et le dépôt des comptes font partie de ses prérogatives, de même qu’entre autres la convocation de l’AG.
L’article 92 C.Soc prévoit que l’organe de gestion dresse chaque année un inventaire et établit les comptes annuels comprenant le bilan, le compte de résultats ainsi que l’annexe.
L’AG a les pouvoirs les plus étendus pour faire ou ratifier les actes qui intéressent la société. Elle ne gère pas au quotidien la société. Ses compétences sont donc limitées mais néanmoins essentielles : nomination et révocation des gérants ou administrateurs ainsi que du commissaire, décharge à ces derniers, approbation des comptes annuels, modification des statuts et des droits attachés aux titres.
L’assemblée générale n’est pas obligée d’approuver les comptes annuels qui lui sont proposés par l’organe de gestion : elle peut ne pas approuver les comptes annuels, obligeant l’organe de gestion à les revoir, ou encore les modifier.
Sur ce dernier point, il est renvoyé à l’avis CNC 2014/4 du 23 avril 2014 concernant la rectification des comptes annuels.
Le commissaire contrôle les comptes annuels arrêtés par l’organe de gestion et porte opinion sur ceux-ci. Il ne participe pas à l’établissement des comptes ni à leur arrêt. Sa responsabilité porte sur le contrôle des documents tels qu’ils ont été arrêtés par l’organe de gestion. Le commissaire porte un jugement en toute indépendance sur les documents tels qu’ils lui sont présentés. L’article 137 du C.Soc reconnaît expressément au commissaire le droit de requérir de l’organe de gestion et des préposés de la société les explications et informations requises pour son contrôle.
Dans son rapport, le commissaire indique notamment si la comptabilité est tenue conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables et si, à son avis, les comptes annuels donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de la société.
En la présence d’un Conseil d’entreprise, le commissaire certifie le caractère complet et fidèle des informations économiques et financières.
Sauf en ce qui concerne le délai de son propre rapport, le commissaire ne peut être tenu pour responsable du non-respect d’un des délais mentionnés ci-dessus. Bien entendu, le commissionnaire accompagnera la société afin de respecter ceux-ci.
De manière générale et tout au long de l’exercice, le commissaire prodigue des conseils en vue d’éviter que certaines opérations ou informations ne soient présentées dans les comptes annuels d’une manière telle qu’il doive émettre des réserves sur le respect de la réglementation comptable ou sur l’image fidèle du patrimoine, de la situation financière ou des résultats.