Deux fois plus de départs de travailleurs dans les entreprises qui ont eu recours au chômage temporaire pendant au moins 60 jours ces deux dernières années que dans les entreprises qui n’ont pas fait appel au chômage temporaire. C’est ce qu’il ressort d’une analyse du prestataire de services RH Acerta sur la base des données de 260 000 travailleurs dans 40 000 entreprises belges. Pourtant, le système belge de chômage temporaire a également un effet positif sur la rotation du personnel. Les entreprises qui ont eu recours au chômage temporaire moins de 60 jours en 2021 et 2022 ont pu conserver davantage de travailleurs que celles qui ont introduit le chômage temporaire pendant plus de 60 jours. « Le chômage économique peut être une bouée de sauvetage pour les entreprises, mais il ne peut pas devenir un passe-partout », affirment les experts d’Acerta.
Ces dernières années, entre 6 et 10 % des travailleurs en moyenne quittent leur employeur. Une petite partie de cette rotation du personnel est « naturelle ». Il s’agit par exemple des départs à la retraite. La majeure partie (la rotation « non naturelle ») concerne les travailleurs qui démissionnent ou sont licenciés.
L’extension du système de chômage temporaire (d’abord pendant la crise du coronavirus, maintenant en raison de la crise énergétique) a une nette influence sur la rotation « non naturelle » du personnel au sein des entreprises belges, comme le montre pour la première fois une étude d’Acerta. Les entreprises qui ont mis leur personnel au chômage temporaire pendant plus de 60 jours au cours des deux dernières années ont vu deux fois plus de travailleurs partir que celles qui n’ont pas eu recours au chômage temporaire. Cette année, 7,3 % des travailleurs sont partis quand ils étaient au chômage temporaire durant plus de 60 jours. Parmi les travailleurs mis au chômage temporaire moins de 60 jours, il s’agit seulement de 5,6 %. Le pourcentage chute même à 3,7 % dans les entreprises sans chômage temporaire.
Nous constatons également une tendance similaire en 2021 : 10 travailleurs sur 100 ont quitté l’entreprise quand ils ont été mis au chômage temporaire pendant plus de 60 jours, alors que seuls 5 travailleurs sur 100 sont partis dans les entreprises sans chômage temporaire.
Les entreprises qui invoquent le chômage temporaire pendant une courte durée en tirent un avantage, d’après les chiffres. Si la rotation du personnel au cours des deux dernières années a été au moins 50 % plus élevée que dans les entreprises qui n’ont pas fait appel au chômage temporaire, elle est simultanément beaucoup plus faible que dans les entreprises qui ont mis leurs travailleurs au chômage temporaire pendant plus de 60 jours (voir le tableau ci-dessous).
Illustration 1 : contrats à durée indéterminée : % de départs non naturels 2018-2022, total et séparément pour les travailleurs sans chômage temporaire pendant les années marquées par le coronavirus 2020 et 2021, avec < 60 jours et avec > 60 jours de chômage économique
Olivier Marcq, expert juridique d’Acerta Consult : « Les chiffres le montrent clairement : si les travailleurs sont mis au chômage temporaire trop longtemps, ils partent ensuite. Le système de chômage temporaire est le bienvenu pour de nombreuses entreprises, mais il amène les travailleurs à réfléchir à leur avenir professionnel, peut-être aussi en partie à cause de la perte de revenus. Nous le constatons dans tous les secteurs et tant chez les ouvriers que chez les employés : les départs augmentent énormément après un chômage temporaire de longue durée. C’est certainement un point auquel les entreprises doivent prêter attention maintenant qu’elles peuvent à nouveau faire appel plus largement au système de chômage temporaire pendant la crise énergétique. Le chômage temporaire est une bouée de sauvetage nécessaire pour beaucoup d’entreprises, mais il ne peut pas devenir un passe-partout. »
Parallèlement à la rotation « non naturelle » du personnel, les entreprises doivent également tenir compte de la rotation « naturelle », notamment des départs en pension. Les départs naturels dans les entreprises belges tournent autour des 2 % depuis des années. Dès lors, il est important pour les entreprises de cartographier la rotation naturelle en temps voulu et de la compenser par le recrutement de nouveaux travailleurs.
Illustration 2 : départs naturels
Les données recueillies se basent sur les données réelles d’un ensemble de 260 000 travailleurs occupés auprès de plus de 40 000 employeurs du secteur privé auquel appartiennent aussi bien des PME que des grandes entreprises. L’analyse présente l’évolution du flux sortant en 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022 et compare aux effectifs au 1er janvier des mêmes années. Elle établit également un lien entre le flux sortant et le nombre de jours de chômage en 2020 et 2021.