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Distribuer un dividende en SRL et en SA: comprendre, documenter et sécuriser les tests de bilan et de liquidité

Depuis la réforme du Code des sociétés et des associations (CSA), la distribution de bénéfices au sein des sociétés belges n’est plus un geste automatique. Elle suppose désormais un double examen préalable visant à préserver la continuité de l’entreprise et à responsabiliser les administrateurs : le test de l’actif net (ou « test de bilan »), et, pour les sociétés à responsabilité limitée (SRL/SC), le test de liquidité.

Cette double exigence illustre une philosophie nouvelle du droit des sociétés : celle d’une gestion prudente, prévisible et justifiée, où chaque distribution de dividendes doit reposer sur une analyse comptable et financière objectivée.

En résumé, le « test de bilan » détermine ce qui peut être distribué, tandis que le « test de liquidité » apprécie si l’entreprise en a réellement les moyens. Ces deux étapes forment un tout indissociable, garantissant la sécurité juridique et la responsabilité éclairée des dirigeants.


1. À quels moments et pour quelles opérations les tests s’imposent-ils ?

Le législateur a prévu une séquence rigoureuse : le test de l’actif net intervient avant la décision de distribution, tandis que le test de liquidité est réalisé après l’approbation par l’assemblée générale, mais avant le paiement effectif par l’organe d’administration¹ ² ³ .

Ces tests s’appliquent à toutes les opérations qui ont pour effet de diminuer les capitaux propres :

  • la distribution de dividendes ou tantièmes ;
  • le remboursement d’apports (y compris l’ancien capital) ;
  • l’acquisition d’actions propres ;
  • l’aide financière à l’acquisition d’actions ;
  • et, dans les SRL, la part de retrait d’un associé¹ .

En SRL/SC, les deux tests sont obligatoires. En SA, seul le test de bilan est légalement prévu ; néanmoins, une évaluation de la liquidité reste recommandée au nom de la prudence et de la bonne gouvernance. Par ailleurs, la SA ne peut jamais distribuer le bénéfice de l’exercice en cours, mais uniquement les bénéfices dégagés par les derniers comptes approuvés ou par un état plus récent, dûment contrôlé² .

Que retenir ?

Le test de l’actif net et, pour les SRL, le test de liquidité sont des conditions préalables à toute distribution. La SRL doit franchir deux étapes (capacité et solvabilité), tandis que la SA reste soumise à la seule logique du bilan approuvé et à la prudence de gestion.


2. Le test de l’actif net : mesurer la capacité distributive

Le test de l’actif net consiste à vérifier qu’après distribution, le patrimoine propre de la société demeure positif et supérieur à la somme des capitaux propres indisponibles (légaux ou statutaires). Cette vérification est essentielle pour éviter qu’une société ne se vide de sa substance.

Entrent dans les capitaux indisponibles : les apports indisponibles, les plus-values de réévaluation non amorties, les réserves indisponibles, les subsides en capital, ainsi que toute indisponibilité statutaire décidée par l’assemblée² .

Le test repose sur :

  1. Les derniers comptes annuels approuvés, ou
  2. Un état récent (état de la situation active et passive) daté et certifié par le commissaire en cas d’existence de celui-ci² .

Exemple concret : une SRL affiche un actif de 200 000 €, des dettes de 140 000 € et des provisions de 10 000 €. L’actif net est de 50 000 €. Si 18 600 € sont indisponibles, la distribution maximale sera de 31 400 €. Si aucune réserve n’est indisponible, la société peut distribuer jusqu’à 50 000 €.

Ce test, purement comptable, détermine la limite supérieure de la distribution, mais n’atteste pas encore de la capacité de paiement.

Que retenir ?

Le test de l’actif net vise à protéger le patrimoine propre et à garantir que la distribution n’entame pas les fonds indisponibles. Il borne la liberté de distribuer, mais ne dit rien sur la trésorerie disponible : c’est l’objet du test suivant.


3. Le test de liquidité : démontrer la capacité à payer ses dettes

Le test de liquidité impose à l’organe d’administration de démontrer que la société pourra honorer ses engagements exigibles durant les douze mois suivant la distribution³ .

Cette appréciation, à la fois comptable et économique, doit être consignée dans un rapport spécial mentionnant :

  • la situation financière actuelle (données historiques) ;
  • les prévisions de trésorerie ;
  • les dettes exigibles dans l’année ;
  • et les hypothèses retenues (contrats en cours, lignes de crédit, encaissements attendus).

Le commissaire, s’il existe, commente et évalue ce rapport³ .

Méthodes courantes :

  • L’établissement d’un cash-flow prévisionnel sur 12 mois ;
  • Un ratio ≥ 1 constitue un repère prudent, sans être une condition absolue³ .
    Le calcul du quick ratio = (créances à un an + placements financiers + liquidités) / dettes à court terme.

Exemple : une SRL dispose de 12 000 € de créances et de 36 000 € de liquidités, pour 44 000 € de dettes à court terme. Son quick ratio est de 1,09. Si elle distribue 4 000 € de dividendes, le ratio passe sous 1. Le versement ne serait justifiable que si la société démontre, par des données prospectives crédibles, qu’elle peut encore faire face à ses échéances³ .

Que retenir ?

Le test de liquidité repose sur une analyse prévisionnelle, documentée et datée. Il ne s’agit pas d’un simple indicateur chiffré, mais d’une évaluation raisonnée de la solvabilité future. L’absence de ce rapport spécial rend la distribution juridiquement risquée et engage la responsabilité des administrateurs.


4. Répartition des rôles et processus décisionnel

Le déroulement du processus se divise en trois temps :

  1. Préparation : élaboration d’un état financier actualisé et d’une note de liquidité préliminaire.
  2. Décision : l’assemblée générale approuve la distribution dans la limite du test de l’actif net.
  3. Paiement : l’organe d’administration vérifie la liquidité et motive sa décision dans un rapport écrit.

Si un commissaire est en fonction, il effectue un examen limité de l’état intermédiaire et formule un avis sur les informations du rapport spécial³ ² .

La Cour de cassation a toutefois rappelé que même lorsque les tests ont été correctement effectués, une distribution imprudente peut constituer une faute grave si elle conduit à la faillite ou compromet la continuité⁴ . L’organe de gestion doit donc apprécier, au-delà de la conformité formelle, l’opportunité économique de la distribution.

Que retenir ?

Respecter les tests ne suffit pas : encore faut-il que la décision soit économiquement prudente et documentée. Les administrateurs doivent pouvoir prouver que leur choix a été raisonné, débattu et motivé.


5. Sanctions et responsabilité des administrateurs

Lorsque les conditions des tests ne sont pas remplies, les distributions irrégulières peuvent être réclamées aux bénéficiaires, si ceux-ci savaient ou pouvaient savoir que les conditions légales n’étaient pas respectées⁵ .

Les administrateurs sont en outre solidairement responsables envers la société et les tiers pour tous dommages découlant d’une distribution fautive. Cette responsabilité s’apprécie à la lumière des circonstances concrètes : nature des informations disponibles, prudence des hypothèses et existence d’un rapport circonstancié.

En pratique, un dossier complet – comprenant l’état récent, la note de liquidité, les projections de trésorerie et les procès-verbaux motivés – constitue la meilleure défense en cas de contestation.

Que retenir ?

La documentation constitue votre bouclier juridique : sans elle, la responsabilité des administrateurs peut être engagée, même si l’intention n’était pas fautive. Les pièces comptables et les rapports doivent donc être conservés, datés et motivés.


6. Tableau de synthèse et recommandations

Aspect clé

SRL / SC

SA

Conseil Deg & Partners

Nature du test

Double test : actif net et liquidité

Test de l’actif net uniquement

Vérifier la cohérence entre la solvabilité et la distribution prévue

Documents requis

Comptes annuels ou état récent + rapport spécial de liquidité

Comptes annuels approuvés ou état récent

Actualiser les états avant toute distribution importante

Moment du contrôle

Avant la décision (bilan) et avant le paiement (liquidité)

Avant la décision uniquement

Respecter la chronologie : bilan → AG → liquidité → paiement

Intervention du commissaire

Examen limité et commentaire du rapport spécial

Examen limité de l’état récent

Anticiper ses observations et partager les hypothèses financières

Risques en cas de manquement

Restitution + responsabilité solidaire

Restitution + responsabilité du CA

Documenter minutieusement chaque étape


Recommandations finales

  • Planifiez la distribution : réalisez vos tests sur base d’un état récent et d’un cash-flow prévisionnel complet.
  • Anticipez : consultez le commissaire ou le conseiller fiscal avant l’assemblée.
  • Documentez chaque étape : les procès-verbaux doivent mentionner les hypothèses, les ratios et les conclusions.
  • Communiquez avec votre banquier : une distribution imprudente peut affecter vos covenants.
  • Formalisez enfin une politique de dividende durable, adaptée à votre structure de trésorerie et à vos objectifs de croissance.


Conclusion

La distribution de dividendes n’est plus un acte technique, mais un acte de gestion responsable. Elle exige des administrateurs une double vigilance : respecter la lettre de la loi et préserver l’équilibre économique de la société.

Chez Deg & Partners, nous accompagnons nos clients dans cette démarche de rigueur : élaboration des tests, rédaction du rapport de liquidité, simulations de trésorerie, validation juridique et suivi post-distribution.

Parce que la sécurité financière passe avant tout par une décision éclairée, nous croyons qu’ensemble, on est plus forts.


__________

Notes et références

¹ IRE – Note technique, test d’actif net : champ des distributions, articulation AG/CA, définition des capitaux propres indisponibles.
² IRE – Note technique, test d’actif net (version consolidée) : base de calcul, interdiction de distribution du bénéfice de l’exercice en cours en SA.
³ IRE – Note technique, test de liquidité (2019-13) : rapport spécial, horizon de 12 mois, rôle du commissaire, indicateurs et ratios.
Cass., 23 mai 2024, C.23.0088 : responsabilité d’un administrateur ayant proposé une distribution ayant contribué à la faillite.
Art. 5:144 et 7:214 CSA : restitution des distributions irrégulières et responsabilité solidaire des administrateurs.


  • 2019-13-annexe-note-technique-test-de-liquidite-fr.pdf

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  • 2019-15-note-technique-test-actif-net-fr-v2-tc.pdf

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  • Avis CNC 2020:XX – Distribution du bénéfice - les nouveaux tests de distribution pour les SRL et SC.pdf

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