Il ressort d’un récent conclave budgétaire que le Ministre des Finances, Vincent vanPeteghem, envisage une réforme du régime fiscal favorable des droits d’auteur, jugé tropaccessible, notamment dans le secteur des technologies de l’information et de lacommunication (ICT).
Cette ambition de réforme, dont les grandes lignes apparaissent avoir été approuvées par leGouvernement, viserait à plafonner les revenus de droits d’auteur de certaines professionset d’en exclure d’autres, notamment le secteur ICT et ainsi que la profession d’architecte.
Une période transitoire de deux ans serait également prévue.
Il convient tout d’abord de relever qu’au-delà des effets d’annonce, c’est bien le droit positifqui reste d’application et l’impact de la réforme sera à apprécier à l’aune de son textedéfinitif.
En outre, le concept d’œuvre littéraire et artistique est aujourd’hui un concept de droiteuropéen qui a fait l’objet d’une définition jurisprudentielle par la Cour de Justice de l’Unioneuropéenne, qui s’impose à l’Etat belge.
Au regard de ce qui est proposé par le Ministre des Finances, le projet de réforme apparaît d’ores et déjà discriminatoire, tant sur le plan du droit européen que du principe d’égalité et de non-discrimination consacré dans notre Constitution dès lors que deux activités économiques produisant un même droit intellectuel seraient taxées différemment.
Il en va de même pour le plafonnement des revenus de droits d’auteur alors que l’Etat belge, pas plus tard qu’en juin de cette année 2022, transposait dans le Code de droit économique la directive 2019/790 (dite directive DSM) qui prévoit précisément, en son article 18, que la rémunération de l’auteur se doit d’être appropriée et proportionnelle. Dans ce cadre, les Etats membres doivent tenir compte du principe de la liberté contractuelle et d’un juste équilibre des droits et des intérêts.
Il conviendra donc d’examiner le contenu de cette réforme une fois qu’elle sera formellementadoptée et que son texte définitif sera connu. Nous pourrons alors en apprécier sa légalité,sa constitutionnalité, ainsi que sa compatibilité au droit européen.
Enfin, le spectateur de ces débats politiques ne pourra que s’étonner de l’énergie ainsi consacrée à la limitation du régime, tout spécialement en ce qui concerne le secteur technologique. Une telle approche s’inscrit à contrecourant de toutes les démarches belges et européennes pour promouvoir le développement des technologies ICT, un domaine dans lequel l’Europe en général accuse un retard singulier et souffre pour partie d’une fuite des cerveaux, notamment en raison des rémunérations attractives proposées hors Europe...
En effet, cela fait maintenant plusieurs années que le législateur belge lui-même a expressément consacré dans le livre XI du code de droit économique que le programme d’ordinateur est assimilé à une œuvre littéraire et artistique. L’administration fiscale a même accepté de reconnaître cette évidence légale par voie de circulaire en février 2022.
Si le régime des droits d’auteur est si pratiqué dans le secteur ICT, ce n’est pas tant parce qu’il permet d’adéquatement rémunérer l’effort créatif des auteurs, mais aussi car il constitueun des derniers arguments pour offrir une rémunération compétitive dans une Belgique qui se distingue par sa forte pression sociale et fiscale ainsi que des coûts énergétiques galopants (et cela même avant-guerre). L’actuelle crise économique et énergétique n’arrangerien à cette situation.
On peine donc à comprendre l’intérêt d’hypothéquer le recrutement des meilleurs cerveauxdans un secteur par définition compétitif, mobile, international et dans lequel un ingénieur, unprogrammeur ou un technicien compétent n’aura aucun mal à faire jouer la concurrence.
L’approche relative aux architectes paraît également singulière dès lors qu’il est aujourd’huide jurisprudence constante que leur travail est éligible à la protection par le droit d’auteur.