Un arrêt récent de la Cour d’appel de Liège a requalifié les revenus de droits d’auteur déclarés par un contribuable en revenus professionnels, plus précisément en profits, au motif que les œuvres litigieuses en question manquaient d’originalité.
Cette décision met en lumière la difficulté pour les juges fiscaux de saisir la notion d’« œuvre originale », concept pourtant central pour déterminer l’éligibilité aux régimes fiscaux avantageux associés aux droits d’auteur. En effet, ces revenus bénéficient d’une imposition forfaitaire favorable, sous réserve que les conditions d’applications, dont le caractère original de l’œuvre, soient remplies.
Pour rappel, les revenus de droit d’auteur bénéficient d’une taxation avantageuse puisqu’ils sont imposés de manière forfaitaire dans une certaine mesure, si les conditions d’application sont réunies.
Parmi ces conditions, l’on retrouve le caractère original de l’œuvre, dont l’appréciation doit être effectuée au regard de la définition donnée par la Cour de justice.
Dans cette affaire, le contribuable, fort de son expérience dans l’industrie pharmaceutique, revendiquait la création de deux œuvres protégées par le droit d’auteur : d’une part, des plans et schémas pour une « salle blanche roulante dans un camion », conçue pour administrer des thérapies cellulaires dans des conditions stériles, et dont les droits patrimoniaux ont été cédés à une société ; d’autre part des protocoles de tests et des programmes de mise en services relatifs aux installations d’un immeuble, également cédés à la même société.
La Cour a estimé que la première œuvre n’atteignait pas le degré de précision nécessaire pour être qualifiée d’originale, jugeant les plans « banals » et soulignant que la conception du projet répondait principalement à des contraintes techniques.
Concernant la seconde œuvre, la Cour a également conclu à une absence d’originalité, arguant que les contraintes techniques limitaient la liberté créative de l’auteur.
Ce raisonnement nous semble cependant contestable. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’originalité se définit comme « la création intellectuelle propre à son auteur ». L’originalité se manifeste lorsque l’auteur exprime son esprit créatif en effectuant des choix libres dans la sélection, la disposition et la combinaison d’éléments non protégés.
La Cour de cassation a d’ailleurs repris ce principe, précisant qu’une œuvre est originale lorsqu’elle reflète la personnalité de son auteur. En revanche, l’originalité peut faire défaut si la création est entièrement dictée par des contraintes techniques, ne laissant aucune place à l’expression personnelle.
L’arrêt de la Cour d’appel de Liège nous parait critiquable à plusieurs égards. D’une part, la présence de contraintes techniques n’exclut pas nécessairement l’originalité, dès lors que l’auteur conserve une marge de créativité et peut faire des choix reflétant sa personnalité. D’autre part, la Cour s’est focalisée sur le caractère « banal » des œuvres sans examiner si le contribuable avait exercé des choix libres et créatifs dans leur réalisation.
L’existence de contraintes n’élimine pas l’originalité tant que l’auteur dispose de plusieurs moyens d’exprimer une idée. L’appréciation du caractère original d’une œuvre doit se concentrer sur les choix personnels de l’auteur, tels que le choix des éléments, leur agencement et leur combinaison. C’est la manière dont l’idée est exprimée qui doit être originale, et non l’idée elle-même.
En conclusion, l’arrêt de la Cour d’appel de Liège est sujet à caution, car il repose sur une compréhension restrictive et erronée du concept d’originalité dans le cadre des droits d’auteur.