En matière d’investigations fiscales, le plus petit dénominateur commun l’emporte

La fiscalité regorge de choses surprenantes. Prenons l’exemple des délais d’investigation. En impôts sur les revenus, l’administration peut investiguer les 3 années de revenus qui précèdent l’année de son contrôle. Ce délai peut exceptionnellement être prolongé de 4 ans si elle détient des indices de fraude dans le chef du contribuable. L’administration peut ainsi au total revenir 7 ans en arrière.

Pour pouvoir ainsi allonger le délai, elle doit au préalable communiquer au contribuables les indices de fraude qu’elle retient dans son chef. A défaut, l’impôt qui en résulterait serait nul.


L’on pourrait s’attendre à que les choses fonctionnent de la même manière en matière de TVA. Surtout lorsqu’on sait que la procédure TVA été réformée en 2009 dans une optique d’harmonisation avec sa grande sœur de l’impôt sur les revenus. Ce n’est malheureusement pas le cas. Aucun délai d’investigation n’est prévu dans le Code TVA (ci-après « CTVA »). L’administration peut investiguer au-delà de la 3ème année qui précède celle du contrôle sans devoir envoyer au préalable une notification d’indices de fraude. Petite subtilité technique : si cette notification n’est pas requise au moment d’effectuer les investigations, elle doit être faite au plus tard avant le recouvrement de la TVA.


La différence entre les deux procédures laisse tout à fait perplexe. Il n’est en effet pas rare qu’un contrôle concerne à la fois les impôts directs et la TVA. C’est même plutôt la règle en pratique. Dès lors, lorsque l’administration se propose de contrôler un contribuable aussi bien en matière d’impôts sur les revenus que de TVA, quelle règle doit-elle appliquer ? Peut-elle se prévaloir de sa compétence en matière de TVA afin d’investiguer sur 7 ans sans notification d’indices de fraude ? Ou, au contraire, doit-elle considérer qu’elle ne peut enquêter au-delà de la 3ème année qui précède l’année du contrôle moyennant une notification préalable d’indices de fraude ?


Lors d’un contrôle mixte (TVA et impôt directs), le plus petit dénominateur commun doit s’appliquer, à savoir 3 ans. L’exigence d’une notification d’indices de fraude préalable en impôts directs est une mesure de protection du contribuable. Celle-ci serait privée de toute efficacité s’il suffisait que l’administration invoquer sa compétence en matière de TVA pour la bypasser.

Trop nombreux sont les contrôles où l’administration invoque à tire-larigot toutes les dispositions possibles non seulement en matière d’impôts sur les revenus mais également en matière de TVA, pour être certaine de toucher sa cible. Le contribuable, ne sachant pas sur quel pied danser, pourrait ainsi être amené à fournir des informations au-delà de la 3ème année précédant le contrôle. En bout de course, il se verra imposé sur 7 ans alors que l’administration ne lui a jamais notifié le moindre indice de fraude dans son chef.


Cette manière de procéder est illégale comme l’a rappelé le Tribunal de Première Instance de Louvain dans un récent jugement du 10 mai 2019. Dans cette affaire, l’Inspection Spéciale des Impôts (« ISI ») avait envoyé une notification d’imposition d’office en impôts sur les revenus portant sur 7 ans à la suite d’un contrôle dans le cadre duquel aucune notification préalable d’indices de fraude n’avait été faite. Tentant de sauver les meubles, l’ISI prétendait que les informations étaient régulières parce qu’obtenues dans le cadre d’une enquête en matière de TVA. Elle ne fût pas suivie par le Tribunal qui remarqua que les différents actes d’investigations avaient été motivés aussi bien sur pied des dispositions en matière de TVA que d’impôts sur les revenus. Par exemple, la demande de visite domiciliaire au juge de police se référait à l’article 63 CTVA mais également à l’article 319 du Code d’Impôts sur les Revenus. Le Tribunal en conclut que l’ISI était tenue de respecter l’exigence de notification préalable d’indices de fraude prévue en impôts directs. En d’autres mots, le plus petit dénominateur commun devait l’emporter. La cotisation fut donc purement et simplement annulée.


Allons un peu plus loin dans la réflexion. L’administration pourrait-elle effectuer une enquête en matière de TVA pour ensuite utiliser les informations obtenues afin d’établir une cotisation en impôts sur les revenus au-delà de la 3ème année précédant le contrôle sans avoir à notifier au préalable des indices de fraude ? La réponse est négative. Elle commettrait en effet un détournement de pouvoir si elle utilisait sa compétence TVA avec l’unique but d’imposer le contribuable en impôts sur les revenus. D’où l’importance de bien vérifier la manière dont les actes d’investigation sont motivés.


Source : Tuerlinckx Tax Lawyers

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