Formalités en matière de prix de transfert en Belgique : modifications à partir de janvier 2025

Par trois récents arrêtés royaux du 16 juin 2024 (M.B., 15 juillet 2024) (les « Arrêtés royaux de 2024 »), le gouvernement fédéral a renforcé les obligations de déclaration applicables aux prix de transfert et abrogé les arrêtés royaux du 28 octobre 2016 (M.B., 2 décembre 2016) sur le sujet.

Les modifications apportées par les Arrêtés royaux de 2024 sont applicables aux exercices comptables à partir du 1er janvier 2025. Cette brève les résume succinctement et recontextualise leur adoption.


Obligations de déclaration

Les arrêtés royaux du 28 octobre 2016 (précités) avaient pour objectif d'exécuter la Loi-programme du 1er juillet 2016 (M.B., 4 juillet 2016), introduisant les obligations de déclaration relatives aux prix de transfert (articles 321/1 à 321/7 du Code des impôts sur les revenus 1992). Plus précisément, il s'agissait de fixer les modèles de formulaires permettant le dépôt de la documentation pertinente, i.e.(i) le fichier principal (275.MF), (ii) le fichier local (275.LF) et (iii) la (notification de la) déclaration pays par pays (275.CBC(.NOT)).

Pour rappel, les entités constitutives belges de groupes multinationaux doivent déposer un fichier local et un fichier principal lorsqu'un des seuils suivants est dépassé (sur la base des comptes statutaires de l'exercice comptable précédant immédiatement le dernier exercice comptable clôturé) :

  • un total de 50 millions EUR de produits d'exploitation et produits financiers (produits non-récurrents exclus) ;
  • un total du bilan d'1 milliard EUR ;
  • une moyenne annuelle de personnel de 100 équivalents temps plein.

En outre, les groupes multinationaux ayant réalisé des produits consolidés d'au moins 750 millions EUR (sur la période déclarable précédant immédiatement la dernière période déclarable clôturée) doivent introduire une déclaration pays par pays. En principe, cette obligation incombe aux entités mères ultimes ou « de substitution » (sauf cas particuliers).

Chaque entité constitutive belge est néanmoins tenue d'introduire une notification de la déclaration pays par pays visant soit à confirmer son propre statut d'entité déclarante (e.g. s'il s'agit de l'entité mère ultime ou « de substitution »), soit à identifier l'entité constitutive du groupe devant introduire la déclaration pays par pays.


Nouvelle version des Principes de l'OCDE

En janvier 2022, l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (l'« OCDE ») a publié une nouvelle version de ses Principes applicables en matière de prix de transfert, portant principalement sur les actifs incorporels difficiles à valoriser et les transactions financières. Cette mise à jour, combinée à l'expérience acquise des autorités fiscales depuis la Loi-programme du 1er juillet 2016, a motivé l'adoption des Arrêtés royaux de 2024 apportant les modifications suivantes.


Fichier principal (275.MF)

Le nouveau formulaire 275.MF ne s'écarte pas de sa version précédente, mais requiert dorénavant des informations additionnelles et plus détaillées (excédant même les exigences contenues dans les Principes de l'OCDE), dont :

  • Description du ou des domaines d'activité (Case II) : une description écrite générale des activités du groupe multinational reprenant, notamment, le cadre analytique pour la chaîne de valeur et l'analyse fonctionnelle du groupe. Une méthodologie en quatre étapes est prévue afin d'identifier les sources importantes de bénéfices et de création de valeur, incluant une analyse fonctionnelle des fonctions clés exercées, des risques importants assumés et des actifs importants utilisés ;
  • Actifs incorporels (Case III) : une description générale de la stratégie globale en matière de mise au point, d'amélioration, d'entretien, de protection et d'exploitation des actifs incorporels (il s'agit des fonctions « DEMPE », i.e. « development, enhancement, maintainance, protection, exploitation »). L'objectif est notamment de pouvoir localiser les principales installations de Recherche et Développement (« R&D ») ainsi que la direction des activités de R&D via, entre autres, une liste détaillée des actifs incorporels importants pour l'établissement des prix de transfert, des entités qui en sont légalement propriétaires et de celles qui performent les fonctions DEMPE ;
  • Activités financières interentreprises (Case IV) : une description générale de la façon dont le groupe est financé (e.g. identification des entités du groupe multinational exerçant une fonction centrale de financement), y compris des accords de financement importants conclus avec des prêteurs indépendants du groupe multinational. Il convient également de décrire la politique de prix de transfert relative aux accords de financement entre entreprises associées par le biais des éléments suivants : (i) la description de l'application des principes d'identification aux relations commerciales ou financières, (ii) la détermination des conditions de pleine concurrence d'activités de trésorerie, (iii) l'examen des garanties financières et (iv) l'analyse des sociétés d'assurance captives.


Fichier local (275.LF)

Le nouveau formulaire 275.LF a légèrement été modifié par rapport à sa version précédente. Les changements à retenir sont les suivants :

  • Partie B du fichier local : pour rappel, cette partie ne doit être complétée que pour chacune des unités d'exploitation excédant le seuil d'1 million EUR de transactions transfrontalières avec les entités constitutives, au cours du dernier exercice clôturé. La description détaillée de ces transactions doit désormais s'effectuer par pays plutôt que sur une base globalisée ;
  • Mise à disposition PDF des documents : la méthodologie en matière de prix de transfert ou la ligne de conduite, et/ou le contrat cadre ou contrat-type, et/ou l'étude des prix de transfert doivent désormais être joints dans un fichier PDF lorsqu'ils sont disponibles (une nouvelle case à cocher a été rajoutée à cet effet au sein du tableau B10) ;
  • Informations additionnelles : d'autres informations (mineures) sont dorénavant requises, e.g.(i) le numéro d'identification fiscale des principaux concurrents (tableau A6) et, le cas échéant, des établissement stables (tableau B11) de l'entité belge, et (ii) le code pays pour les contrats de « cost contribution », d'« advance pricing », les décisions préalables et les (ré)assurances internes (tableau B12).


Notification de déclaration pays par pays (275.CBC.NOT)

Le nouveau formulaire 275.CBC.NOT n'a pas fait l'objet de modification fondamentale. L'on relèvera toutefois qu'il faut désormais indiquer s'il s'agit d'une première notification, de la modification d'une notification précédente, ou encore de la cessation de l'obligation de déclaration du fait de la disparition de l'entreprise multinationale.


Conclusion

Le gouvernement fédéral n'a manifestement pas perdu son appétit pour le formalisme en matière de prix de transfert. Certaines modifications apportées par les Arrêtés royaux de 2024 sont substantielles et exigeront un travail en amont conséquent et des coûts administratifs de plus en plus élevés pour s'y conformer. Les contribuables concernés y prêteront donc une attention accrue, sous peine d'être pris pour cible d'un audit si les informations fournies devaient être considérées comme insuffisantes.


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Geoffroy Galéa
Avocat au barreau de Bruxelles (Fieldfisher)
Professeur à l’ICHEC-ESSF
Assistant à l’Université de Liège

Cassandre Guéry
Avocate au barreau de Bruxelles (Fieldfisher)
Assistante à l’Université Libre de Bruxelles

Théo Grüter
Stagiaire (Fieldfisher)
Titulaire d'un master en droit de l'Université Libre de Bruxelles

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