La Commission européenne (la « CE ») a publié le 19 juin 2023 la proposition de Directive « Faster and Safer Relief of Excess Withholding Taxes» (« FASTER »).
Les investisseurs peuvent être confrontés à une double imposition des dividendes/intérêts lors de paiements ou attributions transfrontaliers. Celle-ci se matérialise par une retenue à la source (« RAS ») dans l’Etat de résidence de l’émetteur des titres suivie d'une imposition dans l’Etat de résidence du titulaire des titres (investisseur). Le cas échéant, des mécanismes de dégrèvement de la RAS peuvent être disponibles.
Ces mécanismes varient d'un État membre (« EM ») à l'autre, rendant le processus coûteux et chronophage pour les investisseurs non-résidents. De plus, compte tenu de l’insuffisance d’échanges d’informations entre EM, ces derniers restent vulnérables aux fraudes et abus fiscaux, pouvant générer des pertes de recettes fiscales.
Partant de ce constat, FASTER vise à simplifier et accélérer les procédures de dégrèvement des RAS dans l’Union européenne, lorsque celles-ci sont prélevées sur les dividendes provenant d’actions cotées en bourse et, le cas échéant, sur les intérêts provenant d’obligations cotées en bourse.
FASTER repose sur les éléments principaux suivants.
FASTER comprend la création d’un certificat de résidence fiscale numérique de l'UE (« CRFN »), délivrable sur demande des investisseurs par l’EM où ces derniers sont résidents fiscaux. La délivrance du CRFN est entièrement automatisée et se fait en principe dans un délai d'un jour ouvrable suivant la demande du contribuable. Le CRFN contient un ensemble d'informations permettant, entre-autres, d’identifier le contribuable, sa résidence fiscale ainsi que les autorités fiscales chargées de sa délivrance.
Le CRFN couvre au moins l'intégralité de l'année civile au cours de laquelle la demande est présentée, à moins que l'EM ne fournisse des preuves établissant que la personne liée au CRFN n'est pas/plus résidente dans sa juridiction. Les autres EM doivent reconnaître le CRFN comme une preuve suffisante de la résidence fiscale d'un contribuable.
Les EM proposant un dégrèvement de l’excédent de RAS qu’ils prélèvent sur les dividendes d'actions cotées doivent instaurer un registre national des « intermédiaires financiers certifiés » (« IFCs »). Le cas échéant, les EM peuvent également utiliser ce registre pour le dégrèvement de l'excédent de RAS sur les intérêts produits par les obligations cotées.
L'enregistrement dans le registre national est obligatoire pour deux catégories d'intermédiaires financiers :
Les IFCs enregistrés doivent communiquer à l’EM « de la source » un ensemble commun d’informations déterminé. Cette communication vise à reconstruire la chaine financière de la transaction depuis l'investisseur jusqu'à l'émetteur du titre. Chaque IFC ne transmet des informations que sur la partie de la transaction sur laquelle il a une visibilité (i.e. identité des débiteur/bénéficiaire des dividendes/intérêts). Cette obligation ne vaut toutefois pas si le dividende total versé sur la participation n’excède pas 1.000 EUR.
Pour bénéficier des procédures de dégrèvement prévues par FASTER, les investisseurs et IFCs doivent respecter certaines obligations.
Premièrement, les investisseurs sont tenus de fournir aux IFCs une déclaration selon laquelle (i) ils sont les bénéficiaires effectifs des dividendes/intérêts et (ii) n'ont pas conclu d'accord financier « ouvert » lié au titre sous-jacent (i.e. un accord qui n'est pas réglé ou n'est pas expiré ou résilié à la date de détachement du dividende).
Deuxièmement, les IFCs vérifient : (i) le CRFN et/ou la preuve de la résidence fiscale des investisseurs, (ii) la déclaration et la résidence fiscale des investisseurs en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme (Directive 2015/849/UE), (iii) le droit pour les investisseurs à une réduction/exonération de RAS, et (iv) sur la seule base des informations dont les IFCs disposent, l'existence éventuelle d'un accord financier « ouvert » (en ce qui concerne les dividendes, sauf si le seuil de 1.000 EUR n’est pas dépassé par groupes d’actions).
FASTER introduit deux procédures de dégrèvement accélérées que peuvent solliciter les IFCs pour le compte de leurs investisseurs (en complément des procédures standards préexistantes) : (i) une procédure de « dégrèvement à la source » et (ii) une procédure de « remboursement rapide ». Les EM peuvent choisir la procédure qu'ils souhaitent mettre en place ou inclure une combinaison des deux.
S’agissant du « dégrèvement à la source », l'agent chargé de la RAS applique directement le bon taux de RAS au moment du paiement des dividendes ou des intérêts, conformément aux Conventions préventives de la double imposition ou dispositions nationales qui s'appliquent le cas échéant.
S'agissant du « remboursement rapide », le paiement initial des dividendes/intérêts est d'abord effectué en tenant compte du taux de RAS du « pays de la source ». Ensuite, le remboursement de l’excédent de RAS est accordé dans un délai de 50 jours suivant la date du paiement (i.e. 25 jours à compter de la date de la demande de remboursement, laquelle doit elle-même avoir lieu dans les 25 jours du paiement). Si la demande de remboursement n'est pas traitée à temps, des intérêts sont dus par les autorités fiscales compétentes.
Les EM ne peuvent pas accorder de dégrèvement de RAS (i) si le dividende versé provient d'une action cotée acquise dans les deux jours précédant la date de son détachement ou (ii) si le versement du dividende est lié à un accord financier « ouvert ».
Si FASTER est adoptée, les EM devront transposer la Directive pour le 31 décembre 2026 en vue d'une application de ses dispositions à partir du 1er janvier 2027.
Le cadre proposé par la CE semble un bon point de départ pour résoudre les difficultés liées au dégrèvement des RAS. Toutefois, certains aspects de FASTER mériteraient davantage de clarification. Par exemple, le concept de « bénéficiaire effectif », pourtant central en matière de RAS, demeure non explicitement défini et s'en remet aux droits nationaux des EM.
En tout état de cause, FASTER a dernièrement fait l'objet d'une période de contribution en septembre 2023 et doit encore recevoir le soutien unanime des EM pour son adoption. Celle-ci devrait dépendre, en grande partie, de la capacité de la CE à adapter FASTER aux besoins de tous les EM (notamment ceux, comme l’Allemagne, qui envisagent de modifier le droit interne entourant les RAS). Affaire à suivre donc…