L’économie belge se redresse particulièrement vite de la crise du coronavirus. L’inflation remonte, notamment sous l’effet des problèmes rencontrés au niveau des chaînes d’approvisionnement et de la flambée des prix de l’énergie. Certains indicateurs conjoncturels semblent avoir atteint leur plafond. Comment la Banque nationale voit-elle l’économie évoluer ? La reprise est-elle en train de s’essouffler ?
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Le marché du travail demeure très robuste: les créations d’emplois, bien qu’en léger recul, restent positives. L’inflation a considérablement grimpé ces derniers mois, sous l’effet de la hausse des coûts énergétiques, et ne devrait retomber sous la barre des 2 % qu’à la fin de 2022.
Les prix temporairement très élevés induisent une forte augmentation des coûts salariaux par le biais des mécanismes d’indexation. La croissance de ces coûts atteindrait un niveau inédit en 2022, détériorant la compétitivité. La hausse des coûts salariaux sera toutefois partiellement compensée par une réduction des marges bénéficiaires des entreprises.
Cette dernière, conjuguée aux hypothèses tablant sur une baisse des prix de l’énergie et sur une normalisation graduelle des chaînes d’approvisionnement après le printemps de 2022, permettrait d’éviter la formation d’une véritable spirale des salaires et des prix. Enfin, le déficit budgétaire restera insoutenable au cours des prochaines années, à 4 % du PIB au moins, à politique inchangée. La dette publique est sur une trajectoire ascendante.
Les goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, l’allongement des délais de livraison, les pénuries de certains matériaux ou composants, comme les microprocesseurs, et le renchérissement des matières premières ont pénalisé l’économie et le commerce à l’échelle internationale en 2021. Plusieurs pays font aussi face à une nouvelle vague du COVID-19 et, dans certains cas, des mesures sanitaires strictes ont à nouveau été adoptées.
Si l’économie belge s’est sensiblement redressée au cours des deux trimestres précédents, dépassant ainsi déjà son niveau d’avant la crise, elle est à présent également confrontée à ces difficultés.
Divers indicateurs suggèrent que la croissance s’affaiblit déjà depuis l’été et l’activité économique ne devrait guère progresser à court terme. La croissance ne repartirait à la hausse qu’à partir du printemps de 2022, à mesure que les contraintes d’approvisionnement s’allégeront et que la situation sanitaire s’améliorera à nouveau, comme l’anticipent les présentes projections d’automne. À un peu plus long terme, le rythme de croissance diminuerait peu à peu.
Globalement, l’activité économique progresserait encore de quelque 2,6 % en 2022 sur une base annuelle, après une forte expansion de plus de 6 % en 2021. Le rythme de croissance continuerait de se normaliser au cours des prochaines années, pour s’établir à 2,4 % en 2023 et à 1,6 % en 2024. Les chiffres annuels sont quelque peu biaisés par les effets dits de débordement, mais la croissance trimestrielle effective devrait se rapprocher de la croissance potentielle à la fin de la période de projection.
La consommation des ménages a enregistré au troisième trimestre un mouvement de rattrapage particulièrement marqué qui lui a permis de renouer avec son niveau d’avant la crise, certes sensiblement plus tard que les autres composantes des dépenses. Si les obstacles évoqués ci-dessus entraveront la progression de la consommation des ménages à court terme, elle constituera le principal moteur de la croissance à moyen terme. Le comportement d’épargne se normalise et la croissance des revenus sera soutenue dans les prochaines années par la robustesse du marché du travail ainsi que par l’indexation des salaires. Le pouvoir d’achat par personne augmenterait de près de 6 % pendant la période 2022-2024.
Les investissements des entreprises se sont, dans un premier temps, inscrits en forte hausse avant de refluer à nouveau sensiblement au troisième trimestre, pour la première fois depuis le printemps de 2020. Pour autant, nous jugeons que ce constat ne constitue pas un revirement de la tendance haussière mais qu’il reflète les problèmes qui touchent les chaînes d’approvisionnement. Les investissements des entreprises continueraient de se renforcer à moyen terme, fût-ce à un rythme plus modéré.
Le marché du travail continue de surprendre favorablement, affichant notamment une création nette d’emplois de près de 30 000 personnes en moyenne par trimestre depuis le début de 2021, si bien que l’emploi intérieur a déjà amplement regagné le niveau qu’il affichait avant la crise. La création d’emplois s’essoufflerait toutefois à présent, dans le sillage du ralentissement de l’activité économique ainsi que sous l’effet de la pénurie assez généralisée de main‑d’œuvre, comme l’atteste le niveau record du taux de postes vacants. L’emploi reste cependant orienté à la hausse et en dépit de la levée des mesures de soutien, près de 10 000 emplois seront encore créés en moyenne par trimestre sur la période de projection. La population active progresse légèrement plus vite et le taux de chômage se contracte, même s’il demeure à la fin de l’horizon de projection quelque peu supérieur à son niveau d’avant la crise.
L’inflation a augmenté ces derniers mois pour atteindre des niveaux qu’elle n’avait jamais affichés récemment, portée principalement par la flambée inattendue des cours des produits énergétiques. Par le jeu des mécanismes d’indexation, les taux élevés d’inflation font à leur tour grimper les coûts salariaux. Ces derniers augmenteraient de pas moins de 4,5 % en 2022, ce qui ne s’est jamais vu au cours de la période récente. Bien qu’à terme, d’autres pays soient également confrontés à une certaine accélération de la croissance des salaires sous l’effet de la hausse de l’inflation, la compétitivité des entreprises belges en pâtira à court terme. Les projections actuelles donnent à penser que l’inflation particulièrement élevée est passagère et qu’aucune spirale de longue durée entre les salaires et les prix ne sera pas observée. Cela s’explique par l’hypothèse selon laquelle la pression extérieure sur les coûts est appelée à se modérer dans le courant de 2022 (en raison de la normalisation progressive présumée des chaînes d’approvisionnement et des attentes du marché en matière de baisse des prix des produits énergétiques), mais aussi par le fait que la forte croissance des coûts salariaux sera en grande partie compensée par la compression des marges bénéficiaires des entreprises. L’inflation refluerait même dès 2023 pour ne plus ressortir qu’à un niveau à peine supérieur à 1 %, à la faveur principalement du repli des prix des produits énergétiques. Bien que la balance des risques pour les estimations d'inflation ne soit pas clairement orientée à la hausse, il n’est pas exclu que l’inflation demeure élevée sur une plus longue période dans l’éventualité où la pression externe sur les prix se maintiendrait, à l’encontre des attentes actuelles, et où les entreprises belges répercuteraient bien plus fortement que précédemment l’alourdissement des coûts sur les prix de vente.
Si le déficit budgétaire s’améliore, il reste supérieur à 4 % du PIB à la fin de la période de projection, soit un taux nettement plus élevé qu’en 2019. Les recettes publiques, exprimées en pourcentage du PIB, renouent avec leur niveau antérieur à la crise, mais les dépenses courantes en particulier continuent de s’accroître structurellement. La dette publique est quant à elle orientée à la hausse.
Source : BNB, Revue Economique, "L'économie belge ralentit fortement mais la croissance repartira à la hausse à partir du printemps de 2022".