La crise qui est devant nous est une crise de fin de société industrielle. Une crise de modernité, une crise prospective.

Nous entrons dans un monde dont la volatilité sociétale s’amplifie au gré d’une mondialisation physique et informationnelle exacerbée, correspondant à un capitalisme lui-même volatile et emprunteur d’avenir. Ce monde devient un marché aux fluences accrues. La sphère marchande a déployé son empire par le truchement du développement des marchés financiers. Ces derniers, en permettant de négocier le futur, puisqu’ils opposent des acteurs aux anticipations contraires, ont également permis de l’emprunter. Dans l’expression d’une valeur correspondant à des anticipations, ils permettent donc de remonter le temps.

Faute d’une tempérance étatique mondiale, le monde va suffoquer dans un système économique qui accélère sa propre dynamique. C’est dans ce contexte pressurisé que des émergences politiques trouvent des terreaux fertiles pour prospérer, certains personnifiant l’apaisement illusoire d’un monde utopique tout en entretenant les dangers et menaces du monde présent qui font opportunément leur popularité.

L’écrivain autrichien Stefan Zweig (1881-1942) rappelait que « Cela reste une loi inéluctable de l’histoire : elle défend précisément aux contemporains de reconnaître dès leurs premiers commencements les grands mouvements qui déterminent leur époque ».

Nous ne voyons pas les faibles signaux de l’Histoire. Nous regardons le futur à travers les grilles de lecture du passé. Nous recherchons des répétitions de scénarios là où l’Histoire n’est que stupéfactions. Or, la crise qui est devant nous est une crise de fin de société industrielle. C’est une crise de modernité, c’est-à-dire une crise prospective.

L’absurdité des événements n’apparaît que si nous les jugeons à l’aune du temps court. S’il y a des périodes politiques, il faut désormais un temps étatique. Il convient de retrouver un tracé moral. Il faut un État et des régions forts, non pas au sens de l’autoritarisme qu’ils peuvent exercer, mais de l’autorité qui peut en rayonner. Il faut, avant tout, un État qui rassure.

Pour autant, aucune solution institutionnelle consensuelle ne pourra y contribuer puisque ce qui importe, c’est la création d’un éthos de confiance : une vision longue qui promulgue la cohésion sociale, la solidarité politique et la bienveillance économique.

C’est dans des valeurs morales, intégrées et respectées, que se trouve la solution. Ces valeurs partagées sont la solidarité et le respect de l’autre. Il s’agit surtout et d’abord d’instruction civile et publique. Ce travail sera permanent, car les valeurs se construisent plus qu’elles se postulent. Aujourd’hui, l’État suscite une indécision et même parfois une inquiétude qui l’ébranle. À terme, quelles que soient les configurations politiques futures, nous y perdrons tous. Je crois que l’engagement citoyen et individuel ne suffit plus. Il est indispensable que, faute d’homme providentiel, ceux qui dirigent l’État indiquent, au risque de l’impopularité, le cap de son avenir social et politique, dans un cadre moral apaisant. Le continent européen manque de lisibilité sur son avenir, quel que soit celui-ci. En transposant à un pays ce qu’il appliquait à l’homme, c’est peut-être François Mauriac qui avait raison en affirmant que « notre vie vaut ce qu’elle a coûté d’efforts ».

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