Avant que la guerre n'éclate, les perspectives de l'économie de l'UE étaient celles d'une expansion solide et prolongée, mais l'invasion de l'Ukraine par la Russie a créé de nouveaux défis, juste au moment où l'Union se remettait des conséquences économiques de la pandémie. En exerçant de nouvelles pressions à la hausse sur les cours des matières premières, pressions qui entraînent de nouvelles ruptures d'approvisionnement et accentuent l'incertitude, la guerre renforce les vents contraires auxquels la croissance devait déjà faire face, mais qui, selon les prévisions précédentes, étaient censés faiblir.
En conséquence, la Commission européenne a dû revoir les prévisions de croissance de l'UE à la baisse et les prévisions d'inflation à la hausse par rapport aux prévisions de février.
Le vice-président exécutif pour une économie au service des personnes, M. Valdis Dombrovskis, a déclaré: «Il ne fait aucun doute que l'économie de l'UE traverse une période difficile en raison de la guerre que la Russie mène contre l'Ukraine. C'est pourquoi nous avons revu nos prévisions à la baisse. Le principal facteur négatif est l'envolée des prix de l'énergie, qui a poussé l'inflation à des niveaux records et fait peser une charge sur les entreprises et les ménages européens. La croissance se poursuivra cette année et l'année prochaine, mais elle sera beaucoup moins forte que prévu. L'incertitude et les risques pesant sur les prévisions resteront élevés aussi longtemps que durera l'agression de la Russie contre l'Ukraine. Mais des éléments positifs nous permettent de faire face à cette crise. Nos fondamentaux économiques sont solides: avant le début de cette guerre, l'économie de l'UE s'était engagée sur la voie d'une reprise et d'une croissance fortes. Le nombre d'emplois créés dans l'économie de l'UE augmente, ce qui fait que davantage de personnes entrent sur le marché du travail et que le chômage se maintient à un niveau bas. Et la mise en œuvre pleine et entière des plans pour la reprise et la résilience des États membres donnera le coup d'accélérateur indispensable à notre puissance économique.»
Le commissaire à l'économie, M. Paolo Gentiloni, a quant à lui déclaré: «L'invasion de l'Ukraine par la Russie provoque d'innombrables souffrances et destructions, mais elle pèse également sur la reprise économique de l'Union. La guerre a entraîné une flambée des prix de l'énergie et de nouvelles perturbations des chaînes d'approvisionnement, de sorte qu'il est maintenant prévu que l'inflation reste plus élevée plus longtemps. Le fort rebond économique de l'année dernière aura un effet positif durable sur les taux de croissance cette année. Un marché du travail solide, la réouverture post-pandémie et NextGenerationEU devraient apporter un soutien supplémentaire à nos économies et contribuer à réduire l'endettement et les déficits publics. Ces prévisions sont toutefois sujettes à une grande incertitude et à des risques importants qui sont étroitement liés à l'évolution de la guerre menée par la Russie. D'autres scénarios sont possibles, dans lesquels la croissance pourrait être plus faible et l'inflation plus élevée que nous ne le prévoyons aujourd'hui.»
Ces prévisions reposent sur un ensemble d'hypothèses techniques – fondées sur des données arrêtées au 29 avril – relatives aux taux de change, aux taux d'intérêt et aux prix des matières premières. Pour toutes les autres données nécessaires, y compris les hypothèses relatives aux politiques publiques, les prévisions se fondent sur des informations allant jusqu'au 29 avril inclus. Sauf annonce crédible et suffisamment détaillée, les projections reposent sur une hypothèse de politiques inchangées.
La Commission européenne publie chaque année deux séries de prévisions complètes (printemps et automne) et deux séries intermédiaires (hiver et été). Les prévisions intermédiaires couvrent, pour l'année en cours et l'année suivante, le PIB et l'inflation annuels et trimestriels pour chaque État membre ainsi que pour l'ensemble de l'UE et l'ensemble de la zone euro.
Les prévisions économiques de l'été 2022 de la Commission européenne, qui actualiseront les projections en matière de PIB et d'inflation, devraient être présentées en juillet 2022.
Le PIB de l'UE devrait rester positif tout au long de la période de prévision, sous l'effet combiné des réouvertures post-confinement et des mesures fortes prises par les pouvoirs publics pour soutenir la croissance durant la pandémie. La consommation privée devrait notamment être soutenue par la réouverture post-pandémie des métiers de contact, la vigueur et l'amélioration constante du marché du travail, une accumulation d'épargne moins forte et des mesures budgétaires visant à compenser la hausse des prix de l'énergie. Les investissements devraient bénéficier du plein déploiement de la facilité pour la reprise et la résilience, ainsi que de la mise en œuvre du programme de réformes qui l'accompagne.
La croissance du PIB réel, tant dans l'UE que dans la zone euro, est maintenant estimée à 2,7 % pour 2022 et à 2,3 % pour 2023, contre, respectivement, 4,0 % et 2,8 % (2,7 % dans la zone euro) dans les prévisions intermédiaires de l'hiver 2022. Pour 2022, la révision à la baisse doit être appréciée au regard de la dynamique de croissance enregistrée par l'économie au printemps et à l'été l'année dernière, qui compte pour environ 2 points de pourcentage dans le taux de croissance annuel de cette année. La croissance de la production sur l'année a été ramenée de 2,1 % à 0,8 %.
L'économie mondiale et l'économie de l'UE pâtissent principalement des prix des matières premières énergétiques. Alors que les prix avaient déjà considérablement augmenté avant la guerre, à partir des faibles niveaux enregistrés pendant la pandémie, l'incertitude autour des chaînes d'approvisionnement les a poussés à la hausse et a accru leur volatilité. La situation étant la même pour les produits alimentaires et les autres biens et services de base, les ménages voient leur pouvoir d'achat diminuer.
Les perturbations de la logistique et de la chaîne d'approvisionnement imputables à la guerre, ainsi que l'augmentation des coûts des intrants pour un large éventail de matières premières, aggravent la désorganisation du commerce mondial causée par les mesures radicales de confinement que la Chine applique encore sur son territoire dans le contexte de la COVID-19, au détriment de la production.
L'inflation connaît une accélération depuis le début de l'année 2021. Elle est passée de 4,6 % (en glissement annuel) au dernier trimestre de 2021 à 6,1 % au premier trimestre de 2022. Dans la zone euro, l'inflation globale a bondi à 7,5 % en avril, ce qui est le taux le plus élevé de l'histoire de l'union monétaire.
Elle devrait atteindre 6,1 % en 2022, avant de reculer à 2,7 % en 2023. Il s'agit, pour l'ensemble de l'année 2022, d'une révision à la hausse considérable par rapport aux prévisions intermédiaires de l'hiver 2022 (3,5 %). L'inflation devrait culminer à 6,9 % au deuxième trimestre de cette année et diminuer progressivement par la suite. Dans l'UE, l'inflation devrait passer de 2,9 % en 2021 à 6,8 % en 2022, puis retomber à 3,2 % en 2023. L'inflation sous-jacente moyenne devrait dépasser 3 % en 2022 et en 2023, dans l'UE comme dans la zone euro.
Le marché du travail est suffisamment solide pour faire face à la nouvelle crise. En 2021, plus de 5,2 millions d'emplois ont été créés par l'économie de l'UE, ce qui a attiré près de 3,5 millions de personnes supplémentaires sur le marché du travail. En outre, le nombre de chômeurs a diminué de près de 1,8 million de personnes. À la fin de 2021, les taux de chômage n'avaient jamais été aussi bas.
La situation sur le marché du travail devrait continuer de s'améliorer. Dans l'UE, l'emploi devrait augmenter de 1,2 % cette année, même si ce taux de croissance annuel est dû essentiellement à la forte dynamique observée au second semestre de l'année dernière. Les personnes fuyant la guerre en Ukraine ne devraient entrer sur le marché du travail que progressivement, et les effets concrets n'être visibles qu'à partir de l'année prochaine.
Les taux de chômage devraient continuer de baisser, pour atteindre 6,7 % en 2022 et 6,5 % en 2023 dans l'UE, et 7,3 % en 2022 et 7,0 % en 2023 dans la zone euro.
Malgré le coût des mesures visant à atténuer les effets de l'envolée des prix de l'énergie et à soutenir les personnes fuyant l'Ukraine, le déficit public global dans l'UE devrait continuer à se résorber en 2022 et en 2023, au gré du retrait des mesures de soutien temporaires adoptées dans le contexte de la COVID-19. Il est prévu que le déficit dans l'UE passe de 4,7 % du PIB en 2021 à 3,6 % du PIB en 2022 et à 2,5 % en 2023 (à 3,7 % et 2,5 %, respectivement, dans la zone euro).
Après avoir atteint un niveau historique de 92 % du PIB en 2020 (près de 100 % dans la zone euro) puis être tombé à environ 90 % en 2021 (97 % dans la zone euro), le ratio d'endettement global de l'UE devrait continuer de diminuer pour s'établir à environ 87 % en 2022 et 85 % en 2023 (95 % et 93 %, respectivement, dans la zone euro), au-dessus donc de son niveau d'avant-pandémie.
Les risques pesant sur les prévisions relatives à l'activité économique et à l'inflation sont étroitement liés à l'évolution de la guerre, et en particulier à son incidence sur les marchés de l'énergie.
Compte tenu de la forte incertitude, les prévisions de référence s'accompagnent d'une analyse de scénarios fondée sur des modèles qui simulent l'incidence de la hausse des prix des matières premières énergétiques, ainsi que d'une interruption pure et simple de l'approvisionnement en gaz russe. Dans ce dernier scénario (le plus dommageable), les taux de croissance du PIB seraient inférieurs d'environ 2,5 points de pourcentage et 1 point de pourcentage aux prévisions de référence en 2022 et 2023, respectivement, tandis que l'inflation augmenterait de 3 points de pourcentage en 2022 et de plus de 1 point en 2023, soit davantage qu'anticipé dans la projection de référence.
Outre ces possibles perturbations de l'approvisionnement énergétique, des difficultés des chaînes d'approvisionnement plus graves que prévu et de nouvelles hausses des prix des matières premières hors énergie, en particulier des denrées alimentaires, pourraient renforcer les pressions à la baisse sur la croissance, et les pressions à la hausse sur les prix. Des effets de second tour plus importants que prévu en cas de choc inflationniste importé pourraient démultiplier le risque de stagflation. Les fortes pressions inflationnistes font également peser des risques accrus sur les conditions de financement. Enfin, la COVID-19 reste un facteur de risque.
Au-delà de ces risques immédiats, l'invasion de l'Ukraine entraîne un désaccouplement économique de l'UE avec la Russie, dont les conséquences sont difficilement mesurables à ce stade.
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Source : Commission Européenne, coin presse, mai 2022