Volkswagen prévoit une baisse de 10% des salaires : légalité mise à l'épreuve ?

Un employeur peut-il toucher à votre salaire? Pour ce qui est du salaire de base, la réponse est non, du moins pas sans votre accord.

Eu égard à l'aveuglement d'une Europe face aux réalités économiques, l'industrie automobile européenne boit la tasse, plombée par des normes, des coûts salariaux et énergétiques ainsi que des obligations de production électrique intenables.

Volkswagen envisage ainsi, parmi diverses mesures drastiques de réduction des coûts telles que la fermeture de trois usines en Allemagne, de réduire les salaires de 10%.

Face à une crise, les employeurs n'ont, en effet, souvent d'autre choix que de tailler dans les coûts. Pour éviter, ou au moins limiter le recours aux licenciements, l'option d'une réduction des rémunérations est un outil souvent mis sur la table.

Du point de vue belge, un employeur peut-il toucher à votre salaire?


La clause dans laquelle l’employeur se réserve le droit de modifier un élément contractuel est nulle si cet élément est jugé "essentiel", ce qui est normalement le cas de la rémunération.


Pour ce qui est du salaire de base, la réponse est clairement non, du moins pas sans votre accord. Une réduction unilatérale du salaire serait considérée comme une modification d'un élément essentiel du contrat de travail et, s'il s'y hasarde, l'employeur pourrait être condamné à payer la différence sans compter le risque que le travailleur invoque le fait que l'employeur a rompu le contrat de travail.


À quelles conditions l'employeur peut-il modifier un élément contractuel?

En ce qui concerne les avantages complémentaires (voiture de société, assurances groupe, etc.), les choses sont un peu moins claires.

La clause dans laquelle l'employeur se réserve le droit de modifier un élément contractuel est, en effet, nulle si cet élément est jugé "essentiel", ce qui est normalement le cas de la rémunération.

Trois questions se posent alors: les avantages sont-ils contractuels? L'employeur s'est-il réservé le droit de les modifier? Et, s'agit-il d'éléments "essentiels" du contrat de travail?


L'octroi d'un véhicule de société peut s'opérer sur base d'une "car policy" qui, elle, peut être modifiée.


Certains employeurs octroient, en effet, des avantages, notamment en cours de carrière, sans qu'il en soit fait mention dans le contrat de travail et sans qu'il y ait un accord avec le travailleur. Ce sera parfois le cas des boissons offertes à la cafétéria ou du GSM mis à disposition. Il peut en principe les modifier unilatéralement, encore que le travailleur pourra invoquer avoir un droit en raison d'un usage constant, d'une coutume.


Qu'est-ce qui est contractuel et qu'est-ce qui ne l'est pas?

Autre exemple, l'octroi d'un véhicule de société peut s'opérer sur base d'une "car policy" qui, elle, peut être modifiée.

Pour l'assurance de groupe, une suspension ou une réduction unilatérale des contributions patronales risque d'être jugée illicite, la jurisprudence considérant précisément ces cotisations comme de la rémunération.

Concernant l'assurance hospitalisation, l'employeur a le droit de modifier les conditions particulières du plan (son design comme la franchise, le plafond, les frais couverts, etc.) qui ne sont généralement pas contractuelles.

Le problème est qu'il est parfois très difficile de déterminer ce qui est contractuel ou pas et que souvent, il reviendra au juge de trancher. Or celui-ci pourra être influencé par l'ampleur de l’avantage ou son caractère rémunératoire.

Lorsque l'élément est contractuel, la question portera sur la dimension "essentielle" de celui-ci. La rémunération étant normalement considérée comme essentielle, aucune modification ne serait possible sans consentement.


Des études montrent que de nombreux travailleurs sont prêts à faire des efforts, par exemple, en adoptant un temps partiel pour éviter le licenciement d’un collègue…


Dans la problématique de la modification des conditions de travail, le travailleur n'est pas sans défense et si l'employeur met à sa disposition un emplacement de parking, des boissons, une voiture, un GSM et qu'il décide de revenir sur l'avantage, il est envisageable de vous y opposer.

Cependant, la question pour nombre de travailleurs sera souvent de savoir si cela vaut la peine de s'y opposer et si conserver son emploi à terme n'est pas le plus important dans le contexte de crise actuel.


Mieux vaut chercher le consensus qu'un passage en force

Certains employeurs peuvent ainsi être tentés de passer en force en misant sur une absence de réaction, un consentement tacite, de la part d'une large majorité de travailleurs.

La transparence et l'obtention d'une forme de consensus, voire de participation des travailleurs aux efforts en temps de crise, sont toutefois certainement à privilégier.

Il est imaginable de s'entendre pour réduire les salaires, modifier les conditions de bonus ou adopter de nouvelles conventions sur l'utilisation privée d'un PC portable et du GSM. Si l'entreprise a le couteau sur la gorge, le travailleur peut juger raisonnable de renoncer à une partie de son package pour sauvegarder l'emploi, la seule obligation étant de ne pas tomber sous le salaire minimum.

Des études montrent que de nombreux travailleurs sont prêts à faire des efforts, par exemple, en adoptant un temps partiel pour éviter le licenciement d'un collègue…

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