La preuve en droit civil et judiciaire : quelles sont les règles en place?

Malheureusement, nous avons tous déjà fait face, de près ou de loin, à des entrepreneurs peu scrupuleux. En tant que maître d’ouvrage, comment pouvons-nous faire valoir nos prétentions en justice ? Quelles sont les règles qui encadrent la preuve ?

La preuve – à savoir l’ensemble des moyens par lesquels les parties à un litige démontrent des faits qu’elles invoquent pour soutenir leurs prétentions ou leurs défenses – occupe une place centrale dans notre système juridique. Son rôle est crucial dans la quête de la vérité et la garantie d’une justice équitable.

Dans cet article, nous analysons la nature et l'importance de la preuve en droit civil (Livre 8 du nouveau Code civil) ainsi que les principes régissant son utilisation devant les cours et tribunaux.

La preuve en droit civil

Les règles de la preuve en droit civil sont supplétives, en sorte que les parties peuvent y déroger hormis les cas où la loi en dispose autrement[1]. La loi impose que chaque partie doit être à même de prouver les faits ou les actes juridiques allégués et contestés.

Toutefois, il y a des exceptions à ce principe.
En effet, les parties ne peuvent pas être tenues de prouver les faits notoires ou les règles d’expérience commune ainsi que le droit même étranger[2].

Si toute personne désireuse de faire valoir une demande en justice doit prouver les actes juridiques ou faits qui la fondent, la réciproque est vraie. Celui qui se prétend libéré doit également prouver les actes juridiques ou faits qui soutiennent sa prétention. Toutes les parties étant tenues de collaborer à l’administration de la preuve, il n’est pas question de garder une preuve pour soi. En cas de doute, c’est la personne ayant la charge de prouver les actes juridiques ou faits allégués qui succombe au procès[3].

Si, en vertu de l’article 8.9 du nouveau Code civil, « l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur égale ou supérieure à 3 500,00 euros doit être prouvé par les parties par un écrit signé », son article 8.11, § 1er dispose que « contre des entreprises ou entre entreprises, telles que définies à l’article I.1, al. 1er du Code de droit économique, la preuve peut être rapportée par tous modes de preuve, sauf exception établie pour des cas particuliers » (voy. également art. 8.1, 13°). Ce faisant, la preuve écrite n’est évidemment pas exclue mais elle ne jouit plus a priori d’un statut privilégié.

La preuve en droit judiciaire

Le principe de la charge de la preuve – fondamental en droit judiciaire – est conforme aux principes généraux du droit civil précités[4]. Cela contribue à assurer l'équité et l'équilibre dans le processus judiciaire, en évitant que l'une des parties ne supporte une charge excessive pour établir ses arguments. Ainsi, même si le juge peut ordonner la production de preuves, la charge de la preuve demeure principalement la responsabilité de chaque partie.

Le droit judiciaire repose sur le principe de collaboration loyale des parties au déroulement du procès, ce qui inclut l'administration de la preuve. En vertu de cette exigence, le juge a le pouvoir d'ordonner à toute partie de produire des éléments de preuve dont elle dispose. Cela vise à assurer que toutes les parties ont un accès équitable aux preuves pertinentes pour le litige en cours. Cette mesure contribue à prévenir les déséquilibres de pouvoir et à garantir un procès équitable pour toutes les parties concernées[5].

En cas de procédure judiciaire, le juge n’est pas tenu de se baser uniquement sur les documents spontanément transmis par les parties. En effet, le Code judiciaire prévoit différents modes de preuve – ou mesure d’instruction – légalement acceptés pour établir la véracité des faits allégués lors d’un procès :

  • production de documents ou d’attestations
  • vérification d’écriture
  • enquête
  • expertise
  • interrogatoire des parties
  • serment
  • descente sur les lieux
  • constat d’huissier de justice[6].

En considération de ce qui précède, il convient d’être attentif aux éléments de preuve en notre possession avant d’engager une procédure judiciaire. Toutefois, dans le cadre de cette procédure, si l’une des parties l’estime nécessaire, elle peut introduire une demande de mesures d’instruction précitées sur pied de l’article 19, al. 3 du Code judiciaire.

Avant l’introduction d’une procédure en justice, il convient de faire appel à un avocat qui évaluera vos chances de succès et vous conseillera sur la suite à donner à votre dossier.


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[1] Art. 8.2 du nouveau Code civil.

[2] Art. 8.3 du nouveau Code civil

[3] Art. 8.4 du nouveau Code civil

[4] J. ENGLEBERT et X. TATON « Droit du procès civil » Vol. 2, Bibliothèque de l’unité de droit judiciaire de l’ULB, Anthemis, 2019, p. 342.

[5] J. ENGLEBERT et X. TATON, op. cit., p. 343.

[6] Ibidem, p. 346.

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