LAB : des efforts fragmentés et une mise en oeuvre insuffisante ...

Telles sont, en substance, les conclusions du rapport spécial du 28 juin 2021 de la Cour des Comptes Européenne, laquelle a constaté une fragmentation institutionnelle et une coordination insuffisante au niveau de l'UE lorsqu'il s'agit de prévenir le blanchiment de capitaux et de prendre des mesures là où des risques ont été détectés. Les organes de l'UE disposent d'outils limités pour garantir une application suffisante des cadres LBC/FT au niveau national. Il n'existe pas d'autorité de surveillance unique au niveau de l'UE; les prérogatives de l'Union sont réparties entre plusieurs entités, et la coordination avec les États membres s'effectue séparément. En toute logique, la Cour des Comptes européenne formule des. recommandations pour remédier à ces problèmes !



Informations générales


L'UE a adopté sa première directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux en 1991 (la dernière mise à jour date de 2018) afin de contrer les menaces que le blanchiment d'argent fait peser sur le marché intérieur et, par la suite, de prévenir le financement du terrorisme. La Commission européenne se prépare à dévoiler une proposition en faveur d'une autorité de surveillance européenne unique dans le domaine du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.


Le rapport spécial n° 13/2021 intitulé «L'UE et la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire: des efforts fragmentés et une mise en œuvre insuffisante» est disponible sur le site internet de la Cour (eca.europa.eu).


Rapport spécial : L'UE a besoin d'un cadre de surveillance plus solide et plus cohérent pour lutter contre le blanchiment de capitaux


Bien que, à l'échelle de l'Europe, les transactions suspectes représentent un montant estimé à plusieurs centaines de milliards d'euros, l'UE suit une approche fragmentée pour prévenir et combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les autorités compétentes de l'UE jouent un rôle dans l'élaboration des politiques et dans la coordination mais disposent de pouvoirs directs limités, de sorte que les efforts sont essentiellement gérés au niveau national. Dans son rapport spécial, la Cour des comptes européenne arrive à la conclusion que l'action menée par l'UE pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme présente des faiblesses et que le cadre de surveillance de l'Union est à ce point fragmenté et mal coordonné qu'il ne permet pas de garantir une approche cohérente ni une égalité de traitement.


Le blanchiment de capitaux est le procédé qui consiste à légitimer les produits du crime en les intégrant dans l'économie traditionnelle afin d'en dissimuler l'origine illicite. En Europe, Europol estime la valeur des transactions suspectes à environ 1,3 % du PIB de l'UE. Au niveau de la planète, ce chiffre avoisine les 3 % du PIB mondial. Selon des données récentes, plus de 75 % des transactions suspectes signalées dans l'UE provenaient d'établissements de crédit situés dans plus de la moitié des États membres.


«Il est nécessaire de remédier aux faiblesses relevées au niveau de l'UE dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que de renforcer considérablement le rôle de surveillance de l'Union», a déclaré M. Mihails Kozlovs, le Membre de la Cour responsable du rapport. «Il faut faire beaucoup plus pour garantir une mise en œuvre rapide et cohérente du droit européen. L'UE pourrait commencer par recourir à des règlements plutôt qu'à des directives quand c'est possible, afin de répondre à cet impératif de mise en œuvre cohérente de la législation dans les États membres.»


Actuellement, les pouvoirs de l'UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont répartis entre plusieurs acteurs. La Commission européenne élabore la politique dans ce domaine et supervise sa transposition dans le droit des États membres. Elle se charge également de l'analyse des risques. Les auditeurs ont pointé des faiblesses dans l'exécution de ces missions. La législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux est complexe et a été mise en œuvre trop lentement et de manière trop inégale dans l'UE. En ce qui concerne la procédure d'analyse des risques, les auditeurs ont constaté qu'elle n'indiquait pas les changements intervenus au fil du temps, qu'elle était dépourvue de dimension géographique et qu'elle n'établissait pas de hiérarchisation efficace des risques. Jusqu'à présent, l'UE n'a pas adopté de liste autonome des pays tiers à haut risque, c'est-à-dire des pays représentant une menace sérieuse de blanchiment de capitaux pour le marché intérieur de l'Union. La Commission n'a pas non plus réussi à produire des statistiques actualisées sur le sujet, si bien qu'il est difficile d'estimer l'ampleur du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme dans l'UE.

L'Autorité bancaire européenne (ABE) a le pouvoir d'enquêter sur les violations potentielles du droit de l'Union dans ce domaine et en a fait usage. Toutefois, depuis 2010, elle n'a conclu qu'une seule fois à une violation effective du droit de l'Union en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et n'a jamais mené d'enquête de sa propre initiative dans ce domaine. Les auditeurs ont également trouvé des indices de tentatives de lobbying auprès de membres du conseil des autorités de surveillance alors que ceux-ci délibéraient sur une éventuelle recommandation relative à une violation du droit de l'Union. Cela montre que la prise de décision au plus haut niveau de l'ABE peut avoir été influencée par des intérêts nationaux (comme le soulignaient déjà les conclusions du rapport publié par la Cour en 2019 sur les tests de résistance réalisés par l'ABE). Les auditeurs ont également constaté que la Commission ne disposait pas d'orientations internes pour les demandes d'enquête à adresser à l'ABE et que lorsqu'elle a effectué de telles demandes, c'était au cas par cas et, le plus souvent, à la suite de signalements parus dans la presse.

Les auditeurs se sont intéressés à un dernier point, en l'occurrence l'intégration du risque de blanchiment de capitaux dans la surveillance prudentielle des banques de la zone euro. Ils se félicitent de voir la Banque centrale européenne (BCE), qui est responsable depuis 2014 de la surveillance directe des banques importantes, partager des informations pertinentes avec les autorités nationales de surveillance, mais ils déplorent qu'elle n'ait ni la responsabilité ni le pouvoir d'enquêter sur la manière dont ces autorités utilisent les informations reçues. En outre, la qualité des informations partagées par les autorités de surveillance nationales était très variable, en raison de leurs pratiques différentes. L'ABE s'emploie actuellement à établir des orientations spécifiques actualisées. Les auditeurs recommandent qu'elles soient finalisées et mises en œuvre dans les meilleurs délais, tant par la BCE que par les autorités nationales de surveillance.


Source :European Court of Auditors, Rapport spécial 13/2021: L'UE et la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire: des efforts fragmentés et une mise en oeuvre insuffisante



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