Cette question a fait l’objet d’un récent arrêt de la Cour de cassation en matière d’intérêts afférents à une amende de cartel.
La Commission européenne a infligé à la société demanderesse, entreprise de déménagement, une amende de 3.490.000 euros pour sa participation à un cartel en Belgique. La demanderesse a convenu de payer cette amende en versements trimestriels, avec un intérêt de 7,6 %, qu’elle a souhaité déduire. Malheureusement, l’administration fiscale a refusé la déduction de l’amende et des intérêts.
Selon le Tribunal de première instance de Louvain (RG n°14/137/A), les intérêts doivent suivre le même sort que l’amende, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de frais déductibles en application de l’article 53,6° CIR 92. Le Tribunal enfonce le clou et dit pour droit que, quoiqu’il en soit, les conditions de l’article 49 CIR 92 ne sont pas rencontrées en l’espèce : la charge est le résultat d’une pratique illégale, et cela ne peut être inhérent à l’exercice normal d’une activité professionnelle. Le Tribunal estime aussi que la condition de finalité n’est pas rencontrée. Il applique cette logique tant à l’amende qu’aux intérêts y afférents.
Cette décision a fait l’objet d’un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles (2015/AF/131), confirmant la position du Tribunal.
L’affaire est portée devant la Cour de cassation. Par un arrêt du 2 mai 2024 (RG n° F.21.0007.N), la Cour réforme partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles notamment en ce qu’il refuse la déduction des intérêts afférents à l’amende de cartel. L’amende, quant à elle, n’est pas déductible en application de l’article 53,6° CIR 92.
Appliquant le principe de la stricte interprétation en matière fiscale, la Cour de cassation refuse le principe « L’accessoire suit le principal » et refuse une application par analogie de l’article 53,6° CIR 92. Les intérêts ne suivent donc pas le même sort que l’amende.
Il est important de noter que ce principe n’est pas totalement inapplicable en matière fiscale. Par exemple, en TVA, la jurisprudence belge a déjà appliqué le principe « L’accessoire suit le principal », où le taux de TVA d’une activité principale s’étend à des activités annexes qui, autrement, auraient un taux différent. (voy. par exemple Bruxelles, 18 avril 2017, Cour. fisc. 2017/657). Cette jurisprudence belge s’inspire de l’arrêt Stadion Amsterdam de la Cour de justice de l’Union européenne (affaire C-463/16).
L’arrêt de la Cour de cassation du 2 mai 2024 applique à juste titre l’un des principes fondamentaux du droit fiscal belge : celui de l’interprétation stricte en matière fiscale.
Une petite victoire pour le contribuable, mais une victoire tout de même.