Il n’est pas rare qu’un client, une consœur ou un confrère m’interroge sur la question de savoir s’il convient d’appliquer deux taux de TVA différents sur une facture émise par une société, facture qui serait alors ventilée en une partie rétribuant le service ou le travail de création et une partie rétribuant la cession de droits d’auteur.
Sauf le cas où la cession de droits d’auteur porte sur des œuvres informatiques déjà visée par le taux de 21% , la question se pose de savoir si le taux de 6 % peut être appliqué à la partie propre à la cession de droits d’auteur, tandis que le taux de 21 % s’appliquerait à la prestation de services.
Pour répondre à cette question il n’est pas inutile de se plonger dans l’un ou l’autre des grands arrêts de la CJUE qui ont répondu à la question de savoir si l’on peut, en matière de TVA, dissocier ainsi une prestation comportant deux ou plusieurs éléments ou si ce fractionnement doit être considéré comme artificiel.
L’arrêt du 18 janvier 2018 (Stadion Amsterdam c 463/16) illustre à merveille ces principes.
Dans cette affaire, la société qui gère le club de football d’ Ajax Amsterdam offre la possibilité à des touristes de découvrir en dehors de périodes de matchs, les différentes installations de l’Arena Stadium ( le stade, la salle de contrôle, la salle de presse, etc.) mais aussi de visiter le musée de l’AFC Ajax, équipe ô combien mythique.
Considérant que la visite relative au musée porte sur un prestation dans le domaine de la culture, la société Stadium Amsterdam estime qu’elle pouvait appliquer le taux réduit de TVA sur le chiffre d’affaires relatif à cette prestation, tandis que le chiffre d’affaires lié aux visites guidées du stade resterait soumis au taux de TVA normal.
L’administration fiscale hollandaise voit les choses d’une autre manière et considère que l’ensemble de la prestation doit être soumis au taux normal de TVA.
Après avoir suivi son parcours judiciaire normal, l’affaire est finalement porté devant la Cour suprême des Pays-Bas (Hoge Raad der Nederlanden) qui pose la question préjudicielle suivante :
« Faut-il interpréter l’article 12, § 3,sous a) de la sixième directive TVA en ce sens que lorsqu’une prestation de services qui, aux fins de la perception de la TVA, constitue une prestation unique, se compose de deux éléments ou plus, concrets et spécifiques, qui seraient, s’ils étaient fournis séparément soumis à des taux de TVA différents, la perception de la TVA afférente à ses prestations de services complexes doit avoir lieu au taux distinct applicable à ces éléments lorsque la rétribution de la prestation de services peut être ventilée selon une juste proportion desdits éléments ?
En d’autres termes, lorsqu’une prestation est composée de deux éléments différents mais liés, faut-il ou peut-on appliquer des taux de TVA différenciés sur ces éléments ?
En l’espèce, la question était de savoir si la visite guidée du stade et la visite du musée de l’AFC Ajax Amsterdam pouvaient être considérée comme étant suffisamment liées étroitement pour être soumises au même taux de TVA.
Selon la Cour, la visite du musée constitue en réalité un élément accessoire à la visite guidée du stade.
Appliquer le taux de TVA différent à cette prestation unique composée de deux éléments conduirait à décomposer artificiellement cette prestation et risquerait d’altérer la fonctionnalité du système TVA.
Reste que la question se pose de savoir ce qu’est une prestation accessoire, qui doit donc subir le même sort fiscal que la prestation principale.
Selon la Cour, une prestation est considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle n’ont pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (voir aussi à ce propos l’arrêt du 10 mars 2011 Bog e.a. C497/112).
En conclusion la Cour a jugé, en l’espèce, qu’il fallait taxer au taux normal de TVA la prestation accessoire relative à la visite du musée.
Ces principes prévalent même si l’on peut identifier de manière précise le prix correspondant à chaque élément distinct composant la prestation unique. Le fait que l’on puisse établir une telle identification ne justifie pas une exception à ces principes, tant que l’une de prestations ne peut s’accomplir sans l’autre et qu'elles sont étroitement liées.
Dans de nombreuses situations, une société de services ou de consultance perçoit de son client une rémunération forfaitaire mensuelle, dont une partie (ou un pourcentage) vise à couvrir la cession ou la concession des droits d’auteur
Il conviendrait dès lors, selon ces principes, de n’appliquer que le taux de TVA afférent à ce qui est considéré comme la prestation principale, ce qui est en général la prestation de services proprement dite.
Donc, le taux de TVA sur cette facturation sera généralement de 21 %, dès l’instant où l’on considère que la prestation de cession de droits d’auteur est l’accessoire de la prestation économique principale.
Cette règle est d’autant plus justifiée que la cession de droits d’auteur est intimement liée à la prestation principale et forme avec elle un seule prestation économique indissociable qu’il ne convient pas de décomposer artificiellement.
Si on prend l’exemple d’un graphiste exerçant en société qui facture ses heures de création à une société cliente, la cession de la propriété intellectuelle qui résulte de ce travail est totalement liée à cette prestation principale. Ce lien étroit est l'élément déterminant.
Au fur et à mesure de la réalisation de ses créations , notre graphiste cède en effet ses droits sur les œuvres produites (droits patrimoniaux, droit de reproduction, de publications, etc.) et il perçoit une rétribution l’indemnisant pour ce transfert intégral exclusif de la propriété intellectuelle.
Dès lors, aucune application sélective d’un taux réduit de tva sur la partie de la facture relative à la cession de droits d’auteur ne pourrait s’envisager, car le taux devrait, selon les principes édictés par la Cour de Justice, être identique au taux de TVA applicable à la prestation principale.
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