La directive européenne DAC 6, adoptée le 25 mai 2018, impose une obligation déclarative aux « intermédiaires » pour les dispositifs transfrontaliers jugés agressifs. Ces obligations s’appliquent également à certains produits bancaires et d’assurance, notamment en Belgique, depuis sa transposition par la loi du 20 décembre 2019. Cet article explore les implications concrètes de la DAC 6 pour les acteurs des secteurs financiers et des assurances.
La DAC 6 vise à renforcer la transparence fiscale en obligeant les intermédiaires à déclarer les dispositifs transfrontaliers potentiellement agressifs qu’ils conçoivent, promeuvent ou mettent en œuvre. Ces dispositifs doivent comporter une dimension transfrontalière et présenter un potentiel d’« agressivité fiscale ». Toutefois, tous les schémas ne sont pas visés, seuls ceux répondant à des critères spécifiques définis par des marqueurs (A3, B2, etc.) et le test de l’avantage principal (MBT).
Les contrats d’assurance-vie de la branche 23 souscrits par des résidents belges auprès de compagnies étrangères, notamment luxembourgeoises, illustrent bien l’application potentielle de la DAC 6.
Ce marqueur s’applique aux dispositifs standardisés, proposés sans adaptation significative aux besoins spécifiques des clients. Certains contrats luxembourgeois, souvent promus comme des solutions fiscales avantageuses en Belgique, pourraient répondre à ce critère. En revanche, les contrats personnalisés, adaptés à la situation individuelle de l’assuré, échappent à cette qualification.
Ce marqueur concerne les dispositifs transformant des revenus imposables (intérêts, dividendes) en revenus moins taxés ou exonérés. Par exemple, un particulier pourrait convertir des revenus financiers imposables en plus-values exonérées en investissant dans un contrat d’assurance-vie luxembourgeois. Toutefois, si ces dispositifs répondent à des besoins patrimoniaux légitimes, ils pourraient échapper à l’obligation déclarative grâce au test de l’avantage principal (MBT).
Dans le secteur financier, de nombreuses structures et contrats, tels que les contrats-cadres ISDA pour les produits dérivés, pourraient relever du marqueur A3 en raison de leur standardisation. Cependant, l’administration fiscale britannique, par exemple, estime que ces contrats ne sont pas visés, car ils subissent souvent des adaptations importantes selon les besoins des parties.
Pour les produits financiers relevant du marqueur B2, le dispositif peut être exclu de l’obligation déclarative s’il répond à des besoins commerciaux légitimes, même s’il offre des avantages fiscaux. Les investissements réalisés en fonction des besoins d’épargne, plutôt que pour optimiser la fiscalité, échappent généralement à l’obligation déclarative.
La mise en œuvre de la DAC 6 pose des défis significatifs pour les institutions financières et les compagnies d’assurance. Ces acteurs doivent évaluer, dès la conception de leurs produits, si ceux-ci seront déclarables et anticiper les implications administratives et fiscales. Ces exigences, souvent coûteuses, alourdissent la charge de conformité, alors même que ces institutions ne sont pas toujours à l’origine des dispositifs visés.
La directive DAC 6 illustre l’évolution vers une fiscalité européenne plus transparente, mais impose des responsabilités accrues aux intermédiaires financiers. Si certains produits peuvent relever des marqueurs définis par la directive, l’analyse au cas par cas reste cruciale pour déterminer leur caractère déclarable. L’équilibre entre la lutte contre l’évasion fiscale et la préservation de la compétitivité du secteur financier est plus que jamais au cœur des débats.
Cet article est une version adaptée de mon article original publié dans la Revue Fiscalité des Placements.