Nous avons déjà traversé une période trumpienne… dans les années trente
L’histoire ne se répète pas, mais elle peut bégayer. Et lorsqu’on prend le grand angle du temps, on constate des invariants. En effet, il est extrêmement rare qu’une partie du monde soit portée à ébullition sans que cela ne se propage à d’autres pays, pour des raisons souvent très différentes. C’est ainsi que les deux guerres mondiales furent d’abord européennes avant de se diffuser dans d’autres contrées.
Aujourd’hui — et je crains qu’il ne reste bientôt plus personne pour ne pas s’en apercevoir — un pouvoir autoritaire, dont j’ai toujours dit qu’il était de nature mussolinienne et péroniste, s’installe aux États-Unis. De manière résignée, les contre-pouvoirs s’effacent, et un acquiescement silencieux gagne progressivement les opposants.
Et puis, dans cette émergence de pouvoirs autoritaires et verticaux, dont la légitimité est désormais dopée par le contrôle des médias américains, la parole se libère : chacun revendique son espace de colère et sa propre conception de la liberté. Cela ne fait qu’accentuer la polarisation de la société.
Mais tout cela est bien connu. Dans les années trente, après le krach de Wall Street en 1929, une crise économique catastrophique s’installa. Aux États-Unis, elle vit l’émergence de Roosevelt et de son New Deal en 1933. Mais en Europe, elle conduisit, dans certains pays, à l’édification ou à la consolidation de pouvoirs verticaux, dictatoriaux, militarisés et expansionnistes. Je pense évidemment à l’Allemagne et à l’Italie (qui avait déjà basculé avant 1929), mais aussi à l’Espagne.
Surtout, à l’époque, la parole violente était libérée. Quand on relit Rex ou l’Action française, on mesure à quel point cette violence latente ne pouvait mener qu’à l’imminence, ou l'entretien, de conflits civils ou militaires. Et la même question peut aujourd'hui être posée pour le réseaux sociaux qui abandonnent les contrôles de modération.
Nous ne sommes pas à la même époque. Mais un marécage s’installe. Et lorsqu’on l’observe attentivement, on distingue les premiers frémissements d’un bouillonnement. Peut-être qu’à intervalles réguliers, les peuples se mettent en colère. Si un homme, tel un paratonnerre, rassemble ces énergies colériques, alors les bouillonnements conduisent à des explosions.