Le sens de l’effort, c’est aussi pour les forts !

Sur le plan politique, l’économiste aime l’expérimentation et l’évaluation, la tempérance et l’effort.


L’observateur économique n’a évidemment pas à se muer en journaliste politique, et encore moins en client du Café du Commerce, mais il est difficile de ne pas parler des élections, de leurs résultats et des perspectives gouvernementales qui se dessinent.

L’évolution du paysage politique wallon est remarquable. L’extrême-droite en reste absent, et, à l’aune de nos voisins, France, Allemagne, Pays-Bas, c’est une formidable performance, qu’il convient de saluer, d’abord sur le plan des principes mais aussi incidemment sur le plan économique. L’indifférence du monde économique et financier américain face au succès possible – écrire « vraisemblable » fait trop mal – de Trump interpelle, tant il est su que populisme et extrémisme nuisent au climat économique. The Economist, la « bible hebdomadaire de l’économie de marché », l’a redit haut et fort le 6 juin dernier : les grands patrons qui soutiennent Trump se trompent.

Le glissement à droite de la Wallonie a démenti Bart De Wever et sa thèse des « deux démocraties », et c’est heureux car celle-ci ne collait pas avec la convergence en termes de valeurs entre Flamands et francophones, une convergence bien étudiée (voir notamment le Consortium universitaire RepResent en 2019). Pour l’économiste, c’est aussi heureux car, dans un pays fédéral, cela permet de mener des politiques socio-économiques plus harmonieuses.

Ce glissement a été présenté comme une « normalisation », s’inscrivant dans un mouvement du paysage politique européen qui, sur fond de migration et de communautarisme, a structurellement évolué vers la droite. Cette lecture est certainement intéressante, mais nous pouvons lui adjoindre une lecture plus locale et plus économique. Qui, en 1989, ou même encore en 2004, aurait osé penser que le niveau de vie des Polonais allait dépasser celui des Wallons ? Le vote du 9 juin alors n’est plus alors une « normalisation » mais aussi une forme d’évaluation et de sanction, en fait compréhensible et même logique, des choix politiques wallons passés.

Que va-t-il advenir ? Même si les programmes en disent déjà long, retenons-nous de tout procès d’intention, déplorons les « entrées en résistance » proclamées par certains, attendons de voir les déclarations de politique générale que formuleront les différents gouvernements, souhaitons que les administrations et autres corps intermédiaires jouent le jeu de l’alternance dans les orientations politiques et vivons les années à venir comme un temps d’expérimentations qui seront sujettes à évaluation.

Le recul électoral du PTB pourrait être décrypté comme un signe de la maturité économique des Wallons et des Wallonnes qui n’auraient pas cédé aux sirènes de la facilité du « il y a qu’à prendre l’argent là où il est », et valoriseraient le sens de l’effort, notamment à l’école et sur le marché du travail. Le succès de partis qui ont résisté à la tentation de vilipender la discipline budgétaire européenne va dans le même sens.

Mais l’optimiste doit être de bon compte. Selon les calculs du Bureau fédéral du Plan, le programme du MR est celui qui creuse le plus le déficit budgétaire, et les propos contre « l’écologie punitive » participent d’un discours où la technologie assure une transition environnementale sans effort. Ces deux éléments, budget et environnement, où le bien-être des générations futures est directement en jeu, laissent craindre que le choix de la facilité n’a pas que perdu lors des élections.

Le sens de l’effort, si c’est valable pour le chômeur et le malade, ne l’est-ce pas encore davantage pour le bénéficiaire d’une niche fiscale ou pour celui dont l’empreinte environnementale est un multiple de ce qui est soutenable ?

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