Les cryptos, la fiscalité et la conformité en Belgique : à quoi s’attendre ?

Publicités, sponsoring, évènements sportifs (dont le Super Bowl pas plus tard que la nuit dernière),… Cela n’aura probablement échappé à personne : le marché des cryptomonnaies (Bitcoins et Altcoins) a le vent en poupe nonobstant sa volatilité.

L’année 2021 a connu un développement historique en ce domaine, avec notamment en point d’orgue l’adoption du Bitcoin (BTC) comme monnaie légale du Salvador à côté du dollar américain. D’autres Etats se sont lancés dans la réflexion d’adopter les cryptomonnaies comme monnaie ayant cours légal malgré les craintes du FMI. Il a par exemple été annoncé récemment que la Russie, a priori hostile à ce sujet, pourrait finalement prochainement considérer les cryptomonnaies comme analogues aux monnaies traditionnelles.

Historiquement vues comme des actifs prisés seulement des investisseurs spéculatifs, les crypto-actifs sont actuellement devenus un pôle d’investissement pouvant être présent (de manière raisonnable) dans le portefeuille (diversifié) de tout investisseur normalement prudent et diligent.

L’année 2022 s’annonce d’ores et déjà l’année de tous les défis – et de la DeFi (Decentralized Finance) -, que ce soit pour les acteurs professionnels (prestataires de services liés à la ‘crypto’) ou privés.

1° Loi adoptée pour assurer la surveillance et le contrôle des prestataires de services liés aux cryptomonnaies : bourses, dépositaires, ATM (distributeurs automatiques)

De nombreux Etats se sont tournés vers la régulation des prestataires de services liés à la cryptomonnaie. La Belgique leur a récemment emboité le pas.

Fin décembre 2021, le Conseil des ministres avait approuvé un avant-projet de loi relatif au statut et au contrôle de certains acteurs du secteur des cryptomonnaies tels que les plateformes qui permettent d’échanger des actifs numériques contre des euros (exchanges), les fournisseurs de portefeuilles numériques (wallets) ou encore les fournisseurs de solution de conservation (custodians). Vous trouverez plus d’informations sur les aspects réglementaires liés aux cryptomonnaies sur un article publié par nos spécialistes réglementaires sur la question.

Le parcours législatif belge fut particulièrement rapide : le texte a été adopté en commission des finances le 12 janvier 2022 et au parlement le 27 janvier 2022. Il est actuellement soumis à la sanction royale et devrait être prochainement publié au Moniteur belge.

A l’avenir, la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces, et plus précisément son article 5, § 1er (entre les alinéas 6 et 7), devrait être complété comme suit:

Pour les besoins de l’application de l’alinéa 1er, 14°/1 et 14°/2, sont considérés comme établis en Belgique, les prestataires de services d’échange entre monnaies virtuelles et monnaies légales et les prestataires de services de portefeuilles de conservation qui ont installé sur le territoire belge des infrastructures électroniques par le biais desquelles ils offrent les services précités.

Il est interdit aux personnes physiques ou morales relevant du droit d’un État tiers d’offrir ou de fournir, sur le territoire belge, à titre d’activité professionnelle habituelle, même complémentaire ou accessoire, des services d’échange entre monnaies virtuelles et monnaies légales ou des services de portefeuilles de conservation.

Le législateur a prévu une sanction en cas de fourniture de services illicites (sans agrément auprès de la FSMA, l’Autorité des services et marchés financiers) en Belgique :

Sont punis d’une amende de 50 euros à 10 000 euros, ceux qui exercent l’activité de prestataire de services d’échange entre monnaie virtuelle et monnaie légale ou de prestataires de services de portefeuille de conservation sans être inscrit conformément aux dispositions prises en exécution de l’article 5, § 1er, alinéa 2, ou après avoir renoncé à cette inscription, ou s’être vu radier cette inscription, ainsi que ceux qui contreviennent à l’article 5, § 1er, alinéa 7”.

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2° Fiscalité des investisseurs privés résidents belges

La fiscalité n’échappe pas non plus à l’influence croissante des cryptomonnaies. Dans ce cadre, différentes questions se posent, à l’instar finalement de toute question liée à un investissement financier.

  • Déclaration de portefeuilles numériques ?

Pour rappel, tout compte bancaire ouvert à l’étranger par un résident belge doit être déclaré à la fois au point de contact central à la Banque nationale de Belgique et dans sa déclaration annuelle à l’impôt des personnes physiques.

Il n’existe pas actuellement d’obligation déclarative des portefeuilles de cryptos (wallets) ni des exchanges qui les supportent. Le compte de paiement SEPA qui y serait lié pour le besoin ponctuel de transfert des fonds depuis un compte bancaire belge ne doit pas davantage être déclaré, à l’instar de ce qui est prévu pour d’autres comptes de paiement de type Paypal, Google, etc.

Par exception, de tels comptes devront malgré tout être déclarés s’ils sont liés à une activité professionnelle ou si des sommes d’argent subsistent sur ces comptes au-delà du délai strictement nécessaire du point de vue technique pour effectuer les transactions.

Le régime fiscal des plus-values sur cryptomonnaies est (logiquement) aligné sur celui des plus-values sur actions. En substance, ce régime doit donc être analysé au cas par cas et peut donner trois scénarios différents :

1° Exonération des plus-values réalisées dans le cadre la gestion normale du patrimoine privé

Les plus-values sur les cryptomonnaies seraient exonérées d’impôt lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre de la gestion normale du patrimoine privé qu’en ferait un « bon père de famille ».

Cette notion, qui n’est pas définie par le Code, doit être analysée à la lumière de l’évolution et des particularités intrinsèques du marché des cryptomonnaies et du profil de l’investisseur.

Est-ce que l’investisseur normalement prudent et diligent qui aurait fait une plus-value isolée de 100% sur une cryptomonnaie en 24h doit s’empêcher de vendre pour laisser un laps de temps de détention suffisant – lequel ? – et éviter qu’une telle opération soit considérée – le cas échéant à tort – comme étant spéculative ? Peut-on considérer que la réalisation d’une telle plus-value (et donc valider l’ordre de vente lorsqu’un objectif est atteint) ne serait pas conforme à ce que ferait un bon gestionnaire de son patrimoine privé ?

Si la taxation ne peut être envisagée qu’à l’aune des opérations concrètes réalisées par le contribuable et de son profil d’investissement, on soulignera que le HODL (maintien d’une crypto dans le temps) sur un certain laps de temps ouvrirait en principe la voie de l’exonération fiscale tandis que l’active trading ou daytrading entrainerait davantage le risque de requalification impliquant une taxation de la plus-value tel que décrit ci-après (à l’instar finalement du comportement de l’investisseur sur le marché boursier).

2° Taxation au titre de revenus divers de la plus-value spéculative réalisée dans un cadre privé

Le législateur fiscal taxerait à 33% (augmenté de la taxe communale additionnelle) au titre de revenus divers les plus-values sur cryptomonnaies, réalisées en dehors d’un cadre professionnel, qui seraient considérées comme « spéculatives », à savoir les plus-values qui ne répondent pas au critère de gestion normale du patrimoine privé car l’investisseur a pris des risques qui sortent de l’ordinaire pour tirer (rapidement) un maximum profit de ses transactions sur le marché.

On rappelle toute la difficulté d’appréhension d’une telle notion : elle ne l’est déjà pas face au marché boursier. Elle semble encore plus difficile à déterminer face au marché crypto spécifique qui, par définition, est extrêmement volatile.

Dès lors que l’on est en présence d’un marché qui est aussi récent que volatile, on rappellera à l’investisseur averti qu’il pourrait déduire des plus-values réalisées les pertes subies au cours des 5 années de revenus précédant celle durant laquelle la plus-value taxable a été réalisée.

3° Taxation des plus-values du trader professionnel au titre de revenus professionnels

Les opérations qui sont réalisées par un contribuable dans un cadre professionnel (trader professionnel) seraient imposées aux taux progressifs ordinaires (de 25% à 50%, à augmenter de la taxe communale additionnelle).

Un tel trader pourrait naturellement déduire les frais et pertes subies.

On rappellera que certains mineurs de cryptomonnaies devraient également être visés par une telle taxation, tenant compte notamment du caractère fréquent et régulier du minage.

  • Prefiling et Ruling (Demande de décision anticipée)

Etant donné le dispositif légal actuel, la pratique fiscale est assez complexe et la navigation se fait davantage à vue. L’analyse devrait, en toute hypothèse, être opérée au cas par cas.

Le Service des Décisions Anticipées avait pour sa part déjà établi une FAQ intitulée liste de questions crypto-monnaies dès l’exercice d’imposition 2018 (revenus 2017). Sur la base des réponses à ces questions, le Service des Décisions Anticipées peut ainsi apprécier de manière anticipée si les plus-values réalisées lors de la cession de cryptomonnaies sont imposables (et, le cas échéant, à quel titre) ou exonérées d’imposition. De manière plus large, ce questionnaire sert à l’administration d’étalon en la matière.

A noter que le SPF Finances a constitué dans le cadre de sa veille documentaire une farde cryptomonnaies librement accessible. On y retrouve notamment des définitions, les projets et avis européens, la jurisprudence, les rulings fiscaux,…

3° Conformité des capitaux

Une difficulté majeure dans l’investissement sur le marché des cryptomonnaies est sans conteste la circularisation du circuit financier. Est-ce que la banque va accepter les fonds qui lui sont transférés depuis un exchange crypto ?

Etant donné les obligations de vigilance anti-blanchiment qui reposent sur le secteur bancaire, le client doit pouvoir démontrer à sa banque que les fonds ainsi « rapatriés » depuis l’exchange sur son compte bancaire ont une origine licite et qu’ils ont subi leur régime ordinaire d’imposition. Cette démonstration rappelle, à s’y méprendre, ce qui est attendu des contribuables souhaitant rapatrier de l’argent « classique » provenant de l’étranger (et les éventuelles questions de régularisation fiscale qui en découlent).

Il est dès lors utile d’insister sur la nécessité de conserver la totalité de la documentation tendant à démontrer le circuit « IN (compte en banque d’origine) – OUT (exchange/wallet) – IN (compte en banque de destination) » :

  • Origine : Depuis quel compte l’argent a été versé sur l’exchange ? L’investisseur sera particulièrement avisé de conserver ses extraits de compte, sans limite de temps ;
  • Analyse des opérations : Quelles opérations ont été réalisées sur l’exchange depuis le financement initial ? Quel traitement fiscal a été réservé à ces opérations ?

Eu égard aux difficultés actuelles que connaissent de nombreux contribuables en matière de démonstration de la preuve de la conformité des capitaux « classiques ». Nous ne pouvons que recommander d’établir un dossier bien détaillé des opérations afin d’assurer une traçabilité dans le temps. Au travers de la comptabilité qui est établie, ce dossier permettra également de défendre l’investissement en cas d’éventuel litige avec le fisc belge.

Pour toute question sur le sujet des crypto-actifs, n’hésitez pas à prendre contact avec :

Le présent document a une portée informative, indicative et non contractuelle. Il n’emporte pas un conseil sur un cas particulier.

Source : Bazacle et Solon, Avocats

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