Les experts-comptables ne sont pas seulement des gardiens du passé, mais des créateurs du futur

En 1979, la Commission des Normes comptables a été saisie de diverses demandes d'avis quant aux implications sur les procédures d'enregistrement et d'organisation comptables des entreprises, de l'arrêté royal du 7 mars 1978 relatif au plan comptable minimum normalisé.

Avant de les évoquer, il n'est pas inutile de rappeler brièvement les principes de base en cause.

La loi du 17 juillet 1975 (qui fête en 2025 ses 50 ans) a prévu l'obligation pour les entreprises d'avoir un plan comptable. Ce plan comptable doit être conforme au plan normalisé qui a été fixé par arrêté royal et il doit simultanément être approprié aux besoins de l'entreprise.

La normalisation du plan « minimum » comptable a été prescrite par l'arrêté du 7 mars 1978. Elle porte sur :

  • leur teneur (c'est-à-dire le contenu et la liste des comptes),
  • leur présentation (savoir l'ordre à respecter pour le classement des comptes) et
  • leur codage (savoir la numération des comptes selon le système décimal).

La teneur du plan minimum normalisé est fonction des schémas du bilan et du compte de résultats annexés à l’ancien arrêté royal du 8 octobre 1976 et du lien établi par l'article 5 de ce dernier entre le plan comptable de l'entreprise et ses comptes annuels.

L'appropriation nécessaire du plan normalisé à l'activité de l'entreprise est réalisée en comptabilité générale :

  • par l'adaptation du libellé des comptes,
  • par l'ouverture de sous-comptes,
  • par l'ouverture de comptes complémentaires.

Elle peut l'être par l'introduction d'une comptabilité analytique des coûts visant à rattacher aux diverses productions, aux divers centres d'activité et de production les charges et les produits qui y sont afférents, et qui dans le plan normalisé sont classés selon leur nature.

A l’époque (1978 – 1979) les demandes d'avis dont la Commission a été saisie concernaient à titre principal des entreprises ayant un plan et une organisation comptables répondant en partie à d'autres principes et comportant notamment l'imputation directe de leurs charges et de leurs produits non selon leur nature mais selon leur destination.

Elles émanaient aussi de succursales et de filiales d'entreprises étrangères auxquelles une normalisation des procédures comptables était imposée par la société mère, axée sur l'établissement de ses comptes annuels ou de ses comptes consolidés propres.

Diverses demandes de dérogation avaient été introduites à l’époque auprès du Ministre des affaires économiques visant à obtenir une exemption des dispositions relatives au plan comptable normalisé.

A l'appui de ces demandes, les entreprises concernées faisaient valoir que l'organisation comptable de la société donnait satisfaction et que l'appropriation à l'activité de l'entreprise devait primer les objectifs de normalisation.

Les demandeurs faisaient aussi valoir que le plan normalisé ne donnait pas le prix de revient des différents travaux ou productions.

Sur avis de la Commission, les demandes d'exemption fondées sur ces motifs n'ont pas été accueillies par le ministre de l’époque.

Tout d'abord parce que le pouvoir de dérogation prévu par l'article 15 de la loi du 17 juillet 1975 (de l’époque) ne visait manifestement pas l'exemption de l'application de la réglementation.

Ensuite parce que, sans contester que des plans comptables fondés sur d'autres principes puissent convenir entièrement, voire mieux aux besoins de l'entreprise, le législateur avait entendu poursuivre simultanément la normalisation des comptabilités et leur appropriation, cette dernière exigence étant, quant à la structure générale du plan comptable, placée dans le prolongement de la normalisation cad de l’harmonisation des pratiques comptables.

La question avait aussi été posée de savoir si une entreprise pourrait continuer à appliquer un plan comptable non conforme au plan normalisé ou à enregistrer ses coûts par destination, moyennant l'ouverture, en plus, des comptes prévus au plan normalisé, auxquels serait transféré en fin d'exercice, par écriture enregistrée sur le journal, le solde de ses comptes.

La Commission de 1979 a émis l'avis qu'une telle procédure ne répondrait pas au prescrit légal de la loi comptable de 1975 et de l’A.R. comptable de 1978 celui-ci entend, en effet, que toutes les opérations de l'entreprise soient inscrites ou transposées dans les comptes qu'elles concernent et qu'elles le soient dans des comptes articulés selon un plan conforme aux dispositions de l'arrêté royal du 7 mars 1978.

En revanche, dès lors que les exigences relatives à la teneur, à la présentation et au codage du plan comptable sont respectées, les adaptations de l'organisation comptable aux besoins propres de l'entreprise sont multiples.

Ainsi, comme le souligne le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 7 mars 1978, rien ne s'oppose à ce que les comptes fassent l'objet d'un codage multiple, la première sur base d'un plan conforme au plan normalisé, les suivantes en fonction d'autres critères de classement (comptabilité analytique).

D'autres techniques d'appropriation peuvent également être mises en oeuvre telle l'utilisation de préfixes ou de suffixes joints au codage du plan normalisé.

On rappellera, enfin, qu'aux termes du rapport au Roi précédant l'ancien arrêté royal du 7 mars 1978 les classes 8 et 9 ont été réservées entièrement aux besoins propres de l'entreprise, notamment pour les besoins de sa comptabilité analytique des coûts.

Depuis sa mise en application en 1975, le référentiel comptable belge a confirmé au travers de ses diverses évolutions le principe de comptabilisation des charges et des produits par nature et non par destination.

La comptabilité par nature classe les opérations comptables selon le type de charges et de produits utilisés dans l’entreprise. Cette approche permet de structurer les comptes en fonction de leur essence économique (achats, salaires, amortissements, etc.), sans se soucier de leur affectation à un service ou à un projet particulier.

  • Principales caractéristiques
    • Classement des charges et produits selon leur nature (ex. : achats de matières premières, charges de personnel, amortissements, impôts et taxes).
    • Utilisation des comptes du Plan Comptable Général (PCMN), notamment ceux des classes 6 (charges) et 7 (produits).
    • Présentation du compte de résultat par nature, qui permet une analyse globale des coûts et des revenus d’une entreprise.
  • Avantages de la comptabilité par nature
    • Simplicité et transparence : Permet une lecture claire des dépenses et recettes.
    • Facilité de gestion fiscale : Utile pour la déclaration des impôts et taxes.
    • Comparabilité inter-entreprises : Permet de comparer les résultats avec d’autres entreprises du même secteur.
  • Limites
    • Moins adapté à l’analyse de rentabilité par service ou projet.
    • Ne permet pas d’évaluer directement la performance des centres de responsabilité.
  • Différence avec la comptabilité par destination/par fonction.

Contrairement à la comptabilité par nature, la comptabilité par fonction classe les charges et produits selon leur finalité (ex. : production, commercialisation, administration), ce qui est plus utile pour le pilotage interne et l’analyse de rentabilité des différentes activités.

En résumé, la comptabilité en partie double et par nature est essentielle pour la gestion financière et fiscale d’une entreprise et elle peut être complétée par une comptabilité par destination pour une meilleure analyse de performance.

Sans doute serait-il utile de rappeler ces principes à certains institutions publiques ou d’utilité publique.

Par ailleurs, il serait grand temps que les régions wallonne et de Bruxelles Capitale suivent la voie tracée par la Région flamande en implémentant une comptabilité par partie double pour établir des comptes annuels publics plutôt qu’une comptabilité budgétaire (recettes/dépenses), mal maîtrisée.

Nous renvoyons le lecteur vers une brochure intéressante de l’Union des Villes et communes qui fait un parallèle entre d’une part la région flamande et d’autre part les régions wallonnes et de Bruxelles capitale.

A bon entendeur…

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