On sait désormais que la situation prolongée de la crise sanitaire a eu et aura – pendant encore pas mal de temps- un impact général négatif sur la plupart des secteurs de l’économie.
Les pouvoirs publics ont mis en place une série de mesures évolutives de soutien à de nombreux secteurs, afin de contenir autant que possible l’hémorragie des entreprises , et venir en aide aux plus touchée d’entre elles.
Ces mesures ne sont pas toujours pas faciles à comprendre ou à identifier, dès lors que :
(i) elles ont évolué en fonction des périodes concernées par la crise sanitaire,
(ii) elles sont différentes selon les secteurs et dans les conditions devant être remplies par le commerçant/l’entreprise pour en bénéficier et
(iii) elles différent selon les différentes régions du pays.
Un secteur particulièrement touché par les difficultés économiques est celui des commerçants et restaurateurs dont les points de ventes furent contraints de fermer pendant tout ou partie de la sombre période ayant débuté en mars 2020.
Cette fermeture forcée totale ou partielle engendre des problèmes sérieux pour les commerçants dont une partie des frais fixes continuent à courir malgré la fermeture.
La problématique des loyers est à cet égard criante puisque les locataires ne peuvent pas honorer leurs loyers à défaut d’avoir réalisé un chiffre d’affaires alors que de leur côté les bailleurs n’ont pas pour autant récupérer leur bien et affectent souvent ces loyers au remboursement de leurs propres emprunts.
La particularité de la situation tient au fait qu’un événement extérieur (l’épidémie et les mesures gouvernementales) s’impose aux parties, influence grandement leur relation, alors que ses conséquences n’ont pas été anticipées.
Diverses procédures judiciaires ont été introduites par des propriétaires désireux d’obtenir le paiement de leur loyer. Le résultat actuel de ce contentieux, abondement relayé par les médias, est une jurisprudence disparate et impossible à anticiper, le juge de paix usant de son pouvoir d’appréciation pour retenir tel ou tel élément concret du dossier, selon sa conviction et l’équité.
Même à retenir que certains juges de paix ordonnent une réduction des loyers afin de tenir compte de l’événement perturbateur, les parties n’en seront toujours pas mieux fixées, précisément et à brève échéance.
Outre l’aléa inhérent à tout contentieux, le recours judiciaire engendre également son lot d’inconvénients : son temps, son coût, et le risque d’insolvabilité de son adversaire. S’y ajoute encore l’impossibilité de trouver un ‘meilleur’ cocontractant, vu la période incertaine : par qui un bailleur pourrait-il remplacer son locataire défaillant en 2021 ?
Il en résulta pour l’ensemble des parties qu’une imprévisibilité importante existe actuellement quant à la situation aussi bien des propriétaires que des locataires et des droits respectifs que chacun peut revendiquer.
Face à cette situation, les pouvoirs publics et certains acteurs privés se sont mobilisés avec un objectif : inciter les locataires et propriétaires à entamer des négociations raisonnables pour aboutir à un accord durable, qui sera soutenu par des aides accordées aux deux parties.
La conclusion d’accord est ainsi favorisée et privilégiée, en vue de donner un espoir de redressement aussi bien au locataire qu’au propriétaire.
Nous examinerons deux mesures :
1. Le prêt octroyé par la Région de Bruxelles-capitale.
2. L’incitant fiscal mis en place au niveau fédéral.
Ensuite, ces mécanismes d’aides étant conditionnés à la conclusion d’un accord entre les parties, nous rappellerons l’initiative mixte public-privé mise en place afin d’aider au dialogue constructif entre les propriétaires et locataires.
Une demande de prêt peut être sollicitée auprès de la Région de Bruxelles-Capitale[1] en suivant le lien https://economie-emploi.brussels/pret-loyer-commercial#demande-pret. Le Gouvernement bruxellois décida récemment de prolonger cette mesure, prévoyant au passage un assouplissement des conditions d’octroi du prêt et des facilités de remboursement, ainsi qu’un rehaussement significatif du plafond d’intervention.[2]
Les conditions sont les suivantes :
A. QUI ?
- l’immeuble loué se situe sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale ;
- la locataire est une entreprise/un entrepreneur qui n’est pas en état de faillite, liquidation ou cessation d’activités ;
- l’immeuble loué constitue le siège social ou est repris comme unité d’établissement à la Banque-Carrefour des Entreprises[3] au moment de la demande de prêt ;
- le bailleur a formellement accepté de renoncer complètement à 1 ou plusieurs mois de loyers (charges comprises) et accepte que le paiement des loyers (charges comprises) soit couvert par le prêt ;
- le contrat de bail est entré en vigueur avant le 19 mars 2020 (il ne s’agit pas forcément de la date de signature !) ;
- le contrat de bail est toujours en cours ;
- l’éventuel arriéré de loyer antérieur au 18 mars 2020 a été apuré au jour de l’introduction de la demande ;
B. QUOI ?
Le mécanisme du prêt implique que le locataire s’endette afin de maximaliser ses chances de poursuite la relation des parties. Le prêt permet donc de bénéficier de liquidités qui seront affectées au rééquilibrage de la convention des parties. Les conséquences de la renonciation aux loyers (à considérer qu’ils étaient dus), peuvent en outre être atténuées par le biais d’un mécanisme fiscal :
Les parties qui ont déjà introduit une demande de prêt avant le nouvel Arrêté peuvent bénéficier des nouveaux avantages, moyennant la conclusion d’un nouvel avenant.
L’autre mesure examinée est adoptée au niveau fédéral. Elle permet pour les propriétaires une réduction ou un crédit d’impôt de 30% des loyers (et/ou avantages locatifs) renoncés.
Les conditions sont les suivantes :
Attention : Pour bénéficier des 2 mesures de façon cumulative, il est indispensable d’introduire chaque modèle complété auprès de chaque autorité compétente.
Comme précédemment indiqué, la clé de voute de l’ensemble de ces aides est l’accord à trouver entre les parties à la relation locative.
La Région de Bruxelles-Capitale a décidé de charger bMediation de mettre à disposition ses membres, tous médiateurs agréés, pour favoriser les accords entre bailleurs et locataires.
L’intervention du professionnel prend la forme d’une conciliation extrajudiciaire, de sorte que ce dernier peut formuler des avis ou recommandations et que la confidentialité n’est pas légalement prévue. A la demande des parties, elle peut toutefois être aménagée conventionnellement.
Concrètement, l’intervenant remplit sa mission en quelques heures (ou jours selon la proactivité des parties), en passant par les étapes suivantes :
Le débat ne commence jamais sur un alignement des positions. Il se termine pourtant régulièrement sur un accord.
La plupart des demandes d’intervention éligibles introduites ont abouti à un accord.
L’expert-comptable ITAA ou l’avocat ont ici un rôle pratique à jouer en ce qu’ils peuvent inciter et accompagner leurs clients, bailleurs ou locataires, à demander une telle intervention gratuite et simple via le lien https://economie-emploi.brussels/demande-mediation.
[1] A propos de la mesure homologue flamande, voyez https://www.vlaanderen.be/handelshuurlening et https://www.vlaio.be/nl/subsidies-financiering/handelshuurlening.
[2] Arrêté du 27 mai 2021 du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale modifiant l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale de pouvoirs spéciaux n°2020/047 du 17 décembre 2020 concernant l’octroi aux locataires d’un prêt sur le loyer commercial dans le cadre de la crise sanitaire du COVID-19, MB, 3 juin 2021.
[3] https://kbopub.economie.fgov.be/kbopub/zoeknaamfonetischform.html
Steve Griess, Avocat et médiateur agréé
Charles Markowicz, Expert-comptable et médiateur agréé
Brieuc Petre, Avocat et médiateur agréé