Ne dites plus jamais « écologie punitive » !

Préservons le sens des mots. Ce qui est punitif, ce n’est pas l’écologie, mais la non-écologie

Selon le bon mot de Bertrand Piccard, dans le mot « écologique », il y a « logique ». La logique la plus évidente, c’est celle de l’intérêt individuel. Laisser une lampe allumée dans une pièce vide ou un radiateur ouvert en-dessous d’une fenêtre ouverte, voilà qui est évidemment stupide. Une logique malheureusement moins évidente est celle de l’intérêt général. Sans même parler d’éthique, endommager le capital naturel est tout autant stupide, quand cela coûte à l’humanité plus que cela ne rapporte à certains. Tenir compte de ce que les économistes appellent les externalités et donc traduire le principe du pollueur-payeur en « écotaxe », en ce que cela responsabilise celui ou celle qui nuit à la collectivité d’aujourd’hui et de demain pollue, est parfaitement logique.

Bien sûr, toute mesure à prétention écologique n’est pas logique. Le soi-disant bio-carburant ne mérite pas son nom, étant fort loin d’être toujours bon pour la planète. Les sacs en tissu réutilisables pour fruits et légumes, s’il faut effectivement les utiliser 1600 fois pour compenser leur impact en termes de fabrication, ce n’est pas malin, et faire circuler des trains et des bus quasi vides ne l’est pas davantage. Toute modification dans un plan local de circulation automobile n’est pas forcément intelligente et il est certainement des réglementations environnementales dont le coût administratif pour les entreprises est tel qu’il aurait mieux valu leur demander de faire d’autres efforts. L’évaluation du rapport coût/bénéfice des mesures environnementales permettrait, en sélectionnant les stratégies les plus efficientes, d’avoir un impact plus grand pour un coût moindre.

Dans le débat politique, nous avons entendu des voix s’élever contre ce qu’elles ont appelé « l’écologie punitive ». Qu’est-ce qui est visé ? De ne plus pouvoir rouler et se garer aussi facilement dans nos villes ? De devoir changer de voiture, ou y renoncer ? De ne plus pouvoir chauffer sa piscine, pour reprendre un exemple malheureux récemment épinglé dans la presse ? De ne plus pouvoir prendre des vols en avion aussi bon marché ? De ne plus pouvoir donner en location des passoires énergétiques ? En fait, cette expression floue « écologie punitive » cherche à discréditer et à empêcher des mesures induisant des changements non spontanément désirés de comportement. « Qu’on ne vienne pas embêter les gens avec des politiques restrictives », tel est le message derrière « écologie punitive ».

Or, ce qui est punitif, ce n’est pas l’écologie, mais sa négation ! Parler d’écologie punitive est commettre une double faute, éthique et économique. Sur le plan éthique, comment oserait-on parler d’écologie punitive face aux victimes des inondations à Valence ? C’est le déni de l’écologie qui a blessé et tué et va davantage blesser et tuer. Comment oser mettre en regard confort et vies humaines ?

Sur le plan économique, c’est tout autant la non-écologie qui est punitive. Le Réseau mondial de banques centrales et superviseurs financiers NGFS, a priori pas le lieu des plus radicaux en matière environnementale, vient de mettre à jour son estimation du coût économique de la dégradation de notre capital naturel à l’horizon 2050.[1] Le résultat est effrayant : -15%. Trois fois plus que la précédente estimation. A Valence, ce qui est punitif, sur le « bête » plan matériel, n’est-ce pas ces amoncellements de voitures charriées par les eaux plus que le renchérissement de tel plaisir ou le renoncement à telle facilité ?

Tout n’est pas parfait dans une décision telle que, pour prendre un exemple emblématique, le plan Good Move à Bruxelles, mais comment ne pas voir que c’est dans ce sens-là qu’il faut aller. Faire autrement, c’est ramer à contre-courant, quand gonflent les eaux.


[1] Voir NGFS, NGFS long-term climate scenarios – Phase V, High-level overview, November 2024 https://www.ngfs.net/sites/default/files/media/2024/11/05/ngfs_scenarios_high-level_overview.pdf

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