La Commission publie son avis 2020/05 : Associations et fondations – Comptabilité simplifiée – Règles d'évaluation.
Dans cet avis, la Commission précise les règles d’évaluation explicites qui s’appliquent désormais aux avoirs des associations et fondations tenant une comptabilité simplifiée.
Une distinction est opérée selon que les avoirs ont été acquis au cours d’un exercice débutant avant ou après le 1er mai 2019.
Les ASBL qui tiennent une comptabilité simplifiée2 établissent leurs comptes annuels en fonction des règles d'évaluation reprises au Livre 3, Titre 4, Chapitre 2 de l’arrêté royal portant exécution du Code des sociétés et des associations (ci-après : AR CSA). Les comptes annuels sont établis en euros3 selon le schéma repris à l’annexe 8 de l’AR CSA. Dans le présent avis, la Commission précise les règles d'évaluation à appliquer lors de l'établissement de l’inventaire des avoirs et des dettes.
Une ASBL est autorisée à tenir une comptabilité simplifiée lorsqu’elle ne dépasse pas plus d'un des critères suivants à la date de bilan du dernier exercice clôturé4 :
La CNC rappelle que le législateur a repris tant le montant des avoirs que celui des dettes et ne renvoie plus au total du bilan, de sorte que les associations et fondations n’aient pas à établir un bilan selon les règles de la comptabilité en partie double avant de savoir si cela est nécessaire ou pas. Qui plus est, les dettes sont très rarement équivalentes aux avoirs, d’où la nécessité de reprendre ces deux éléments.
Le présent avis vaut mutatis mutandis pour les AISBL et les fondations.
Depuis l’entrée en vigueur de l’AR CSA, le droit comptable belge prévoit également explicitement des règles dévaluation pour les associations et fondations qui tiennent une comptabilité simplifiée. L'objectif est d’uniformiser et de clarifier la manière dont ces associations et fondations doivent inscrire leurs avoirs, droits, créances et dettes dans l'inventaire et les comptes annuels.5
Image fidèle
Les évaluations doivent avant tout répondre aux critères de prudence, de sincérité et de bonne foi.6 Les règles d'évaluation sont déterminées par l’organe d’administration.7 Un résumé de ces règles d'évaluation doit figurer dans l’annexe des comptes annuels. Ce résumé doit être rédigé de sorte que les méthodes d'évaluation adoptées puissent être appréciées par le lecteur des comptes annuels.8 Aux yeux de la Commission, cela consiste pour l’organe d’administration notamment à mentionner les règles d'évaluation, et leur éventuelle modification, dans l’annexe et à indiquer si les comptes annuels sont établis en supposant la poursuite des activités de l’ASBL.
Lors de la détermination des règles d'évaluation, l’organe d’administration doit tenir compte des caractéristiques propres à l’ASBL.9 Cette exigence repose sur la disposition qui prévoit qu’une ASBL qui tient une comptabilité simplifiée, comme toute entreprise soumise à l'obligation comptable, doit tenir une comptabilité appropriée à la nature et à l'étendue de ses activités en se conformant aux dispositions légales particulières qui les concernent.10 En d’autres termes, l’ASBL est tenue de tenir sa comptabilité, dont font partie les comptes annuels, de façon à ce qu’elle satisfasse à ses propres besoins en matière de gestion, d’information et de contrôle interne et externe. La comptabilité doit être organisée de sorte qu’elle permette de répondre en toute sécurité aux divers besoins d’information de l’ASBL elle-même, ainsi que des tiers auxquels des comptes doivent être rendus ou auxquels des renseignements doivent être fournis.11
La Commission fait remarquer que les législateurs avaient déjà pris en considération, à l'occasion du projet de loi du 17 juillet 1975 relatif à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, les exigences fiscales qui avaient été fixées au regard de la tenue d'une comptabilité dans le cadre de laquelle les livres imposés par le droit comptable doivent également répondre aux exigences fiscales.12 Si, à titre d’exemple, certaines informations doivent être reprises dans la comptabilité à des fins fiscales13, la comptabilité devrait également, sous l'angle du droit comptable, être organisée de sorte que ces informations puissent être retrouvées dans la comptabilité. Cela ne signifie nullement qu’il faut imposer un cadre trop formaliste à la comptabilité simplifiée, ce qui compromettrait sa spécificité. L’exigence précitée vise à éviter une évaluation purement arbitraire des avoirs et des dettes. A titre d’exemple, une évaluation des avoirs uniquement en fonction d’un prêt en cours n’est pas suffisante.
Les règles d'évaluation et leur application doivent être identiques d’année en année. Si les règles d'évaluation ou leur application ne répondent toutefois plus aux critères de prudence, de sincérité et de bonne foi, elles doivent être adaptées. Ces éventuelles adaptations doivent être mentionnées et justifiées dans l’annexe. L’estimation de l’impact de ces adaptations doit également être intégrée dans l'annexe des comptes annuels dans lesquels ces adaptations sont actées pour la première fois.
L’AR CSA contient une règle d'évaluation concrète pour les avoirs d'une association ou fondation qui tient une comptabilité simplifiée.
Les avoirs sont évalués à hauteur de la somme de la valeur des contreparties et des dépenses affectées à l’acquisition14. Ainsi, les avoirs sont repris dans l’inventaire et dans les comptes annuels à la valeur qui correspond à la valeur des contreparties fournies par l’association ou la fondation en vue de l'acquisition. A titre d’exemple, si l’association ou la fondation doit offrir un service d'une valeur de 1.000 euros pour l’acquisition d'un bien, celui-ci est repris dans l’inventaire et dans les comptes annuels pour une valeur de 1.000 euros. La valeur à reprendre dans l’inventaire est la valeur TVA comprise si l’association ou la fondation ne bénéficie pas du droit à la déduction de la TVA. Si l’association ou la fondation bénéficie du droit à la déduction de la TVA, la valeur des contreparties est reprise dans l’inventaire sans TVA.
Si un avoir a perdu de sa valeur au fil du temps, l’organe d’administration doit procéder à une correction de valeur appropriée afin de satisfaire à la règle selon laquelle toute évaluation doit respecter les critères de prudence, de sincérité et de bonne foi. Une telle correction doit être commentée dans l’annexe. L'organe d’administration peut de toute évidence choisir de mentionner dans l’annexe une méthode de correction de valeur qui fait par exemple en sorte que la valeur des avoirs dont la durée d'utilisation est limitée est dépréciée selon un schéma prédéterminé. Selon la Commission, ce schéma pourrait être déterminé de manière similaire aux méthodes d’amortissement qui peuvent être appliquées dans le cadre d'une comptabilité en partie double.15
Si l’organe d’administration souhaite16 reprendre un avoir dans l’inventaire à une valeur supérieure que la somme précitée des valeurs des contreparties et dépenses affectées à l’acquisition, la Commission ne voit aucune objection à ce que cette valeur supérieure soit mentionnée et commentée dans l’annexe17.
Les avoirs acquis au cours d'un exercice débutant avant le 1er mai 2019 pour lesquels la somme des valeurs des contreparties et dépenses affectées à l’acquisition n’a pas été retrouvée, sont repris à la valeur déterminée par l’organe d’administration.18 La façon dont ces avoirs sont intégrés dans les comptes annuels doit être justifiée dans l’annexe, à la lumière du point 5. Il peut, à titre d’exemple, s’agir d’une évaluation à un euro symbolique.
Une ASBL tient une comptabilité simplifiée par année civile. Elle a acheté un ordinateur portable le 12 juin 2019, à un prix de 2.420 euros hors TVA. L’ASBL ne peut pas déduire la TVA payée19. Dans l'inventaire, cet ordinateur est repris à hauteur de 2.420 euros. Lors de l’établissement des comptes annuels, l'organe d’administration doit estimer si l’évaluation de cet avoir à la date d'inventaire répond aux critères de prudence, de sincérité et de bonne foi. Le cas échéant, une correction de valeur appropriée est opérée. L’organe d’administration peut, par exemple, mentionner parmi ses règles d'évaluation qu’une correction de valeur linéaire est adoptée sur la durée d'utilisation probable du bien.
Une ASBL tient une comptabilité simplifiée par année civile. Elle a acheté une armoire de classement le 12 juin 2012. L’ASBL ne peut pas déduire la TVA payée. Lors de l’établissement des comptes annuels, l'organe d’administration doit évaluer cet avoir à la date d'inventaire en tenant compte des critères de prudence, de sincérité et de bonne foi. Pour ce faire, l'organe d’administration peut se baser sur le prix d’acquisition initial20, sans y être obligé.
Une ASBL tient une comptabilité simplifiée par année civile. Elle a acquis d'une ASBL liée une machine contre le versement d'une somme de 10.000 euros et une prestation de services d'une valeur de 3.000 euros, et ce le 15 juin 2019. Ces ASBL ne peuvent pas déduire la TVA payée. Dans l'inventaire, cette machine est reprise à hauteur de 13.000 euros. Lors de l’établissement des comptes annuels, l'organe d’administration doit estimer si l’évaluation de cet avoir à la date d'inventaire répond aux critères de prudence, de sincérité et de bonne foi. Le cas échéant, une correction de valeur appropriée est opérée. L’organe d’administration peut, par exemple, mentionner parmi ses règles d'évaluation qu’une correction de valeur linéaire est adoptée sur la durée d'utilisation probable du bien.
1.Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 31 janvier 2020 sur le site de la CNC.
2.Une comptabilité simplifiée conformément à l’article III.85, § 2 du Code de droit économique (ci-après : CDE).
3.Article 3:177, AR CSA.
4.Article 3:47, § 2, CSA.
5.Voir également le rapport au Roi de l’AR CSA, commentaire des articles, article 3:178 (MB du 30 avril 2019 ed. 2, p. 42.258).
6.Article 3:180, AR CSA.
7.Article 3:178, alinéa 3, AR CSA.
8.Article 3:178, alinéa 3, AR CSA.
9.Article 3:178, alinéa 1er, AR CSA.
10.Article III.82, § 2, CDE.
11.Voir également l’Exposé des Motifs, Projet de loi du 12 novembre 1974 relatif à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, Sénat, session de 1974-1975, n° 436/1, p. 7.
12.Voir également le rapport du 12 juin 1975 fait au nom des commissions réunies des Affaires économiques et de la Justice par M. Fallon, Sénat, session de 1974-1975, n° 436/2, p. 7-8.
13.Par exemple, une ASBL assujettie à l’impôt des sociétés qui tient une comptabilité simplifiée devra, en vue de bénéficier du régime d’exonération des provisions pour risques et charges (art. 48 du Code des impôts sur les revenus), appliquer un traitement comptable approprié (Circulaire 2019/C/78 de l’administration fiscale du 29 août 2019 relative aux provisions pour risques et charges exonérées en cas de comptabilité simplifiée).
14.Article 3:178, alinéa 1er, AR CSA.
15.Voir également l’avis CNC 2010/15 – Méthodes d’amortissement.
16.Si la valeur des contreparties fournies par l’association ou la fondation s’élève à 0, cet avoir doit être repris pour mémoire dans l’inventaire des avoirs et des dettes. L’organe d’administration peut, sans y être contraint, indiquer dans la description reprise en annexe une autre valeur motivée. Cela permet de refléter dans les comptes annuels que la valeur d’acquisition initiale était de 0.
17.La Commission fait remarquer que le schéma des comptes annuels des associations et fondations qui établissent des comptes annuels simplifiés, se compose d’une part d’un schéma minimum normalisé de l’état des recettes et dépenses et d’autre part d’une annexe. Le schéma minimum normalisé de l’état du patrimoine est une des composantes de cette annexe (voir également l’annexe 8 de l’AR CSA).
18.Article 3:178, alinéa 2, AR CSA.
19.Si l’ASBL a le droit de déduire la TVA payée, la valeur à reprendre dans l’inventaire s’élèverait à 2.000 euros.
20.En tenant éventuellement compte des réductions de valeur enregistrées dans l’intervalle.
Source : CNC