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Nouvelle taxe sur les plus-values: l’expert-comptable habituel peut-il encore valoriser les parts sociales de son client ?

Communication de l’ITAA du 2 juillet 2025 et analyse des implications du nouvel avant-projet de loi

Alors que le nouveau régime de taxation des plus-values mobilières se précise, un point technique soulève de vives interrogations parmi les professionnels du chiffre : qui peut établir la valorisation de référence des actions non cotées au 31 décembre 2025 ? Et surtout : un expert-comptable certifié exerçant au sein de la fiduciaire habituelle du contribuable est-il encore éligible ?

Le texte de l’avant-projet de loi introduit une possibilité pour le contribuable de faire valoriser les actions de sa société par un expert-comptable indépendant certifié, ou par un réviseur qui n’est pas le commissaire de la société. Cette valorisation servira de base d’acquisition fiscale pour les futures plus-values soumises à taxation.


1. Le rôle de l’expert-comptable indépendant

Le nouvel avant-projet de loi autorise un contribuable à faire valoriser les actions de sa société au 31/12/2025 par un expert-comptable indépendant certifié, ou, à défaut, par un réviseur d’entreprises externe.

Une version antérieure du texte avait exclu les experts-comptables de cette mission, par crainte d’un manque d’objectivité ou d’indépendance dans leur analyse.

Un compromis politique a été trouvé : les experts-comptables certifiés sont réintégrés dans la liste des professionnels habilités, à condition expresse qu’ils satisfassent à une exigence d’indépendance stricte.


2. L’indépendance : une exigence centrale

Les articles 36, 37 et 48 de la loi ITAA rappellent que les experts-comptables doivent faire preuve d’indépendance dans l’exercice de leur profession. Cette obligation ne vise pas seulement l’indépendance d’esprit, mais aussi l’apparence d’indépendance : toute situation susceptible de générer un doute légitime dans l’esprit d’un tiers doit être évitée.

Exemple classique : un expert-comptable ne peut recevoir de pouvoirs si étendus qu’il deviendrait de facto administrateur de son client.

La jurisprudence du Conseil disciplinaire de l’ITAA insiste aussi sur le fait que l’expert-comptable doit être guidé exclusivement par des considérations professionnelles, déconnectées de toute relation d’intérêt personnel ou économique.


3. La position de l’ITAA : l’exclusion du conseiller habituel

Dans sa communication du 2 juillet 2025, l’ITAA précise l’interprétation de cette condition d’indépendance telle que formulée dans l’avant-projet.

Selon l’Institut :

« Toute personne agissant en tant que conseiller habituel du client n’est donc pas éligible. »

Cela soulève immédiatement une série de questions pratiques :

  • Qu’en est-il des cabinets comptables comptant plusieurs associés ou collaborateurs ?
  • Le fait qu’un expert-comptable certifié travaille dans une fiduciaire qui accompagne le client depuis des années le rend-il systématiquement inéligible, même s’il n’est pas le gestionnaire direct du dossier ?
  • Faut-il considérer que l’indépendance fait défaut de manière irréfragable, ou peut-elle être établie au cas par cas ?

Prenons l’exemple d’une fiduciaire composée d’une dizaine d’experts-comptables certifiés, avec un portefeuille de 200 à 300 clients. Un dirigeant de PME, client historique, mandate l’un de ces experts pour évaluer la valeur de ses actions en vue de la nouvelle taxation.

Faut-il en déduire, selon la position actuelle de l’ITAA, que ce rapport serait exclu d’office comme base de détermination de la valeur d’acquisition ?


4. Une position sujette à discussion

La prudence de l’ITAA se comprend dans un contexte de crainte d’abus ou d’instrumentalisation de l’évaluation. Mais cette position soulève aussi des interrogations de fond :

  • Est-il pertinent d’écarter d’office les professionnels les plus familiers du dossier, au motif qu’ils seraient trop proches ?
  • Peut-on présumer un manque d’objectivité simplement parce que l’expert a un lien habituel avec le client ?
  • Alors même que le fisc peut remettre en cause l’évaluation en cas d’abus manifeste ou de sous-évaluation caractérisée ?

Le principe même de présumer une absence d’indépendance sur la seule base d’une relation d’habitude paraît discutable sur le plan juridique et éthique. Il appartient aux autorités législatives et à l’administration de préciser rapidement la portée réelle de cette exigence, notamment par circulaire ou interprétation officielle, afin d’éviter une insécurité juridique préjudiciable tant aux contribuables qu’aux professionnels du chiffre.


Conclusion

La valorisation des actions à la date de référence fixée par la loi sera une opération cruciale pour de nombreux dirigeants d’entreprise. Le rôle de l’expert-comptable certifié y est central, mais la notion d’« indépendance » reste sujette à interprétation et à clarifications.

Le cadre éthique est important, mais il doit rester compatible avec la pratique professionnelle et les réalités économiques. Une clarification rapide de cette notion d’inéligibilité du conseiller habituel serait donc bienvenue.

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