Où de la taxation des "GAFA" ?

Quand je lis "Les bénéfices sont imposés dans le pays où les entreprises sont physiquement présentes: c’est la principale caractéristique de l’impôt des sociétés”, ajoute Natalie Reypens, associée chez Loyens & Loeff et spécialiste en Tax & Transfer Pricing. “Dans l’économie digitale cependant, nous ne pouvons plus nous contenter de cette approche traditionnelle. Les grandes sociétés technologiques américaines gagnent de l’argent avec des données sans devoir être physiquement implantées chez nous. Si vous êtes en Belgique et que vous téléchargez un livre sur le site d’Amazon, vous achetez un service à une société qui n’est pas physiquement présente dans notre pays" (L'Echo.be) (je mets en gras).


Je suis interpellé car ce commentaire est une dangereuse généralisation. En effet, le commerce électronique / internet se fait, dans énormément de cas, avec une interface dans le pays. En France, en tout cas, je passe par Amazon France, succursale française d'une société luxembourgeoise. Toutefois dés qu'il y a une interface, humaine aussi, dans le pays où vous commandez la question de l'établissement stable se pose.C'est là le bug dans le commentaire supra, la notion d'établissement stable couvre aussi la nature des liens avec le pays où vous commandez (soit l'élément humain). La présence "physique" est une notion extrêmement complexe et large. Relisons les commentaires de l'O.C.D.E sur ce qu'est un Établissement stable svp.


Prenons le cas d'Amazon France succursale française d'une société de droit luxembourgeois. (ce qui n'est dit que dans les conditions générales, pas à la première page du site même d'Amazon France - ? - ). Notons (a) que cela ne veut pas dire qu'au sein de cette succursale ne se trouverait pas un établissement stable (matériel et / ou humain) d'une autre société du groupe Amazon et (b) qu'il faudrait effectuer une analyse factuelle et juridique du mode opératoire d'Amazon en France, de ses fonctions et de leur rémunération, une analyse exhaustive effectuée par des experts afin de déterminer l'adéquation entre la base imposable déclarée (et par quelle société ?) et celle qu'il aurait, peut-être, fallu déclarer. Trop de personnes parlent "d'Amazon" alors qu'il y a une foultitude de sociétés "Amazon" ce qui ne ne facilite pas l'analyse fiscale.


On est ainsi fort loin de commentaires raccourcis répondant à la mode (haro sur tous ceux qui gagnent de l'argent) et satisfaisant les récriminations des uns et des autres ("Panem et circenses"). Monsieur le Ministre Bruno Le Maire, au lieu d'être l'initiateur d'une loi taxant les "GAFA" en dépit du bon sens, taxation motivée par une sorte de "justice fiscale française", aurait été mieux inspiré d'être l'instigateur de la création d'une Commission spéciale composée de quelques membres pour répondre aux questions abordées supra dans le cadre des contraintes de l' O.C.D.E et des conventions fiscales préventives de la double imposition. La DGFIP a de brillants fiscalistes qui pourraient être épaulés par des fiscalistes du secteur privé. La créer au niveau européen serait l'idéal mais là je suis vraiment sceptique de l'efficacité d'une Commission spéciale européenne qui enterrera, à coup sûr, la problématique.


Dans ce contexte je reste convaincu que l'application des seules règles fiscales actuelles pourrait permettre de régler la question fiscale que pose les "GAFA" et les autres sociétés nées dans le sillage d'internet. Soulignons, in fine, qu'il se pourrait tout aussi bien que l'application de ces règles ne conduisent à aucune augmentation des bases imposables déclarées. Si tel serait le cas le nouveau monstre fiscal français de taxation des "GAFA" est mort-né.

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