A quelle sauce fiscale est mangée une société filiale qui reçoit un prêt sans intérêt de sa société mère?
Au Luxembourg, un ajustement à la baisse est autorisé conformément à l'article 56 LIR.
Dans une récente affaire - que j'ai eu le plaisir de commenter dans la Revue générale de fiscalité luxembourgeoise (voir infra)-, une société luxembourgeoise avait reçu un prêt sans intérêt (Interest Free Loan - "IFL") de sa société mère luxembourgeoise. La société emprunteuse avait sollicité une déduction d’intérêts « notionnels » conformément à l’article 56 LIR. Cette disposition permet aux autorités fiscales de rectifier la base imposable d’une société luxembourgeoise lorsque les transactions intragroupe ne sont pas « au prix du marché » (« at arm’s length »). Ce réajustement peut se faire à la hausse, mais aussi à la baisse (« transfer pricing adjustment » - ajustement fiscal -extra-comptable- à la baisse) comme en l'espèce.
En première instance, la déduction fiscale avait été refusée au motif que l'IFL devait être considéré comme un "apport". Ce jugement fut démenti en appel : par arrêt du 23 novembre 2023, la Cour administrative confirma la qualification de l'IFL au titre de "dette", eu égard aux circonstances de fait et aux termes et conditions de l'IFL.
Si le Luxembourg se montre généreux, la Belgique a plutôt tendance à pénaliser la société emprunteuse.
Une société belge qui reçoit un prêt sans intérêt de sa société mère encourt un risque de redressement sur la base de l’article 206/3, § 1er du CIR (en combinaison avec l’article 207/2 du CIR), à raison d’un "avantage anormal ou bénévole" (AAB) reçu. Le fisc n’hésite ainsi pas à invoquer cette disposition pour considérer que l'intérêt fictif (AAB) constitue une "base imposable minimale" à l’impôt des sociétés.
A noter que cette mesure anti-abus peut toutefois être désactivée, notamment lorsque la société emprunteuse est en mesure de rapporter les circonstances économiques/financières qui justifieraient le prêt sans intérêt (par exemple préserver la société emprunteuse de la faillite,...).
Il faut toutefois souligner qu'un ajustement par le bas (déduction d'un intérêt fictif) est aussi autorisé par la loi fiscale belge, mais à des conditions fort strictes. Ainsi les revenus d'intérêts fictifs doivent-ils avoir "déjà été taxés" dans le chef de la société prêteuse (art. 185, §2, b) du CIR).
Une imposition hypothétique ne suffit donc pas!