Prudence sur les réseaux sociaux !

Chacun sait que le fisc possède des pouvoirs d’investigation de plus en plus étendus en cas de contrôle. D’aucuns considèrent même que ces pouvoirs s’apparentent de plus en plus à ceux d’un juge d’instruction.


Une loi du 3 août 2012 relative aux traitements de données à caractère personnel réalisés par le Service public fédéral Finances dans le cadre de ses missions a même confirmé et organiser les possibles ingérences dans le droit au respect de la vie privée du contribuable. L’administration fiscale ne manque d’ailleurs pas d’utiliser de nombreux outils technologiques dans le but de collecter, d’exploiter ou transmettre les données personnelles des contribuables .


On rappellera toutefois que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme protège le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance des citoyens. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence soit prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sureté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.


S’il y a ingérence, celle-ci doit répondre au critère de proportionnalité. L’ingérence se doit d’être nécessaire pour atteindre le but légitime poursuivi Il convient dès lors de toujours de faire la balance des intérêts en présence et analyser si l’ingérence effectuée vise à réaliser l’objectif visé et surtout si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.


Dans le cadre de leurs investigations, les agents du fisc n’hésitent plus aujourd’hui à consulter les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter et Instagram pour déceler dans le chef de contribuables des indices d’un train de vie qui semble disproportionné par rapport aux revenus déclarés. De manière prudente, l’administration martèle partout que de telles informations puisées dans ces réseaux sociaux ne forment pas des preuves mais constituent e point de départ d’investigations futures. Le commentaire administratif précise que les données provenant de réseaux sociaux ne sont pas des faits connus, mais elles peuvent mener l’administration à se lancer dans la recherche de données probantes, et donc finalement à la découverte de preuves irréfutables. La jurisprudence est d’ailleurs parfois plus que conciliante avec l’administration. Dans un arrêt du 22 février 2011, la Cour d’appel d’Anvers, a admis la validité de renseignements obtenus sur les réseaux sociaux. Le cas d’espèce concernait un contribuable qui avait postulé la déduction de frais de voiture (4x4) à hauteur de 85%, mais le contrôleur n’admit qu’un pourcentage maximum de 70%, car il avait découvert un « chat » sur le réseau social Facebook de l’intéressé qui révélait clairement que le véhicule était utilisé de manière fréquente à d’autres fins que professionnelles. La Cour d’Appel a admis que l’administration fiscale s’amuse à scruter les réseaux sociaux des contribuables , sans qu’il y ait atteinte au respect de la vie privée de l’intéressé. La Cour y voit même un moyen de preuve valable, et non un simple indice comme l’administration le déclarait.


Vu cette position du fisc et des tribunaux, il convient de faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’on publie des informations sur les réseaux sociaux. Car il sera difficile de défendre qu’on porte atteinte au respect de sa vie privée, puisqu’on destine à un public assez large ces informations.


Comme l’écrit l’avocat Frederic Ledain, «Dans la mesure où le déballage d’informations se fait en public, il s’agit d’un véritable aveu fiscal accessible à tous ».


Évidemment, on pourra toujours invoquer une certaine pratique abusive si un contrôleur cherche à devenir « votre ami » sur Facebook puis se livre à une consultation gourmande de toutes les informations et commentaires publiés sur votre compte. En ce cas, on peut invoquer une violation manifeste des principes de bonne d’administration. Mais hormis cette manœuvre plus que malsaine, force est de constater que des informations publiées ostensiblement (telles qu’une description de voyages somptueux, de hobbies hors de prix ou d’achats somptuaires) sont du pain béni pour une administration fiscale qui n’en demande pas tant.


Cette anecdote véridique m’ a été rapporté il y a quelques années par un ami fonctionnaire : pour épater sa future compagne, un utilisateur de Facebook s’est vanté, sur ce réseau, d’avoir des avoirs importants logés dans un compte d’une banque luxembourgeoise bien connue. La réaction du fisc, comme on pouvait s’y attendre, n’a pas traîné. Il fut contrôlé. Le plus piquant est qu’il est apparu par la suite que l’individu n’était qu’un affabulateur ne disposant d’aucun de ces revenus vantés. Reste à savoir si sa compagne lui a gardé sa confiance après cette aventure.


La modestie et la retenue sont parfois des vertus fiscales à ne pas oublier.


Source : La lettre de la fiscalité - numéro 32 : Janvier 2020


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