Que retenir de l'avis VLABEL n° 20067 du 11 octobre 2024 sur les acquisitions scindées en Flandre? avis

Acquisitions scindées en Flandre : avis VLABEL n° 20067 du 11 octobre 2024

1. La technique de l’achat démembré est une technique bien connue de planification de la succession et est traditionnellement utilisée dans les contextes familiaux. Les parents achètent l’usufruit à vie et les enfants la nue-propriété du bien.

En tant qu’usufruitiers, les parents conservent la jouissance du bien tout au long de leur vie. L’usufruit s’éteint au décès du parent usufruitier (survivant) et par voie de conséquence, les enfants qui avaient acquis la nue‑propriété deviennent pleins propriétaires. Autrement dit, au décès du parent survivant, les enfants acquièrent automatiquement la pleine propriété du bien immobilier au lieu de le recueillir par succession et ce, en principe, sans payer de droit de succession. Toutefois, dans certains cas, l’immeuble ayant fait l’objet d’un achat scindé sera considéré fiscalement comme se trouvant en pleine propriété dans le patrimoine du défunt pour le calcul des droits de succession.

Fréquemment, pour compléter le processus de planification, les parents donnent à leurs enfants le montant nécessaire pour leur permettre de financer l’achat de la nue-propriété soit par don bancaire, soit par donation enregistrée.

Pour pouvoir percevoir malgré tout, les droits de succession en cas d’achat scindé, le législateur a prévu « une fiction fiscale » : le bien immeuble est présumé faire partie en pleine propriété de la succession de l’usufruitier décédé ; il constitue ainsi pour l’administration un legs imposable dans le chef des enfants nus-propriétaires. L’administration présume de la sorte que l’usufruitier a financé l’usufruit et la nue-propriété pour favoriser le nu-propriétaire. Ce faisant, le nu-propriétaire obtient la pleine propriété du bien immobilier sans payer de droits de succession.

En Flandre, cette fiction trouve son fondement à l’article 2.7.1.0.7 du Code flamand de la Fiscalité (CFF). Pour la Région bruxelloise et la Wallonie, il s’agit de l’article 9 du Code des droits de succession.

Pour échapper à cette fiction et renverser la présomption légale, le contribuable a la possibilité de démontrer qu’il n’y a pas eu « libéralité déguisée » lors de l’achat du bien immobilier. En d’autres termes : soit aucune libéralité n’a eu lieu, soit la libéralité a eu lieu ouvertement (via une donation préalable, par exemple).

2. Comment apporter cette preuve en Région flamande ?

Dans un premier temps (2015), l’administration fiscale flamande (VLABEL) a suivi la position fédérale. L’application de la fiction peut être évitée si le nu‑propriétaire démontre que lors de l’achat, il disposait de moyens propres suffisants pour acquérir la nue-propriété et qu’il l’a effectivement payée. L’interprétation est ensuite devenue progressivement plus exigeante pour aboutir à la (célèbre) position n°15004. Celle-ci prévoyait que seules les donations enregistrées pouvaient être invoquées pour renverser la présomption fiscale. Après une série de critiques et un arrêt du Conseil d’État (en 2018), VLABEL a renoncé à invoquer sa position n°15004. VLABEL le confirme dans une position ultérieure (n°20067, datant du 14 octobre 2020) : dès que le nu-propriétaire peut démontrer qu’il détenait définitivement des fonds par donation et qu’il a effectivement payé avec ceux-ci sa part dans le prix d’achat, la preuve contraire est apportée et la fiction ne s’applique donc pas, pour autant que la donation soit antérieure au paiement du prix d’achat. Cette position de VLABEL s’appliquait tant pour les acquisitions scindées de bien immobiliers que pour les immatriculations scindées de titres.


Pour échapper à cette fiction et renverser la présomption légale, le contribuable a la possibilité de démontrer qu’il n’y a pas eu « libéralité déguisée » lors de l’achat du bien immobilier.


3. VLABEL vient de publier une nouvelle position sur ces acquisitions scindées dans un avis n° 20067 du 11 octobre 2024, publié le 23 octobre 2024.

Pour l’acquisition scindée de biens immobiliers, VLABEL confirme sa position antérieure en ce qui concerne la contre preuve à apporter. Elle précise que la date de la donation peut être prouvée par tous moyens de droit, sauf serments ou simples affirmations des parties elles-mêmes ou des documents émanant d’elles.

La preuve contraire peut également être apportée si l’usufruitier paie le prix de la nue-propriété pour le compte du nu propriétaire si l’usufruitier a donné ce prix par acte authentique juste avant, mais qu’il n’y a pas encore eu de « livraison » et donc pas de dépôt sur le compte des nu propriétaires.

Dans le cas d’une vente publique, il n’est pas nécessaire que la donation ait été faite avant la signature de l’acte d’achat mais il suffit que la donation ait été faite au plus tard avant le paiement du prix.

En ce qui concerne les immatriculations scindées de titres ou de placements financiers, selon VLABEL, la contre-preuve peut également être fournie au moyen d’une donation antérieure, qu’elle soit enregistrée ou non.

Les fruits distribués à l’usufruitier et lui appartenant en pleine propriété, qui sont à leur tour immatriculés en démembrement, tombent dans le champ d’application de la fiction légale en faveur du fisc.

Pour les fruits civils qui ne sont pas distribués mais incorporés dans le capital social scindé, il faut faire une distinction selon que l’immatriculation scindée concerne des titres et des placements qui sont des actifs sous-jacents d’une société civile ou que ces actifs ne font pas partie d’une société civile.

Si les titres et de placements financiers ne font pas partie de l’actif d’une société civile, et si l’usufruitier, propriétaire des fruits civils en pleine propriété, ne distribue pas ces fruits mais les incorpore dans le capital immatriculé scindé, il y a, lors de cette immatriculation scindée, application de la fiction légale en faveur du fisc.

Si les titres et placements financiers font partie de l’actif d’une société civile, les principes suivantes s’appliquent.

Une société civile étant transparente sur le plan fiscal, VLABEL évalue le transfert de participations dans une société civile aux fins des droits d’enregistrement et de succession comme un transfert des biens respectifs apportés à la société. Il s’agit donc de la nature de ces biens qui détermine l’assujettissement à l’impôt.

Selon VLABEL, l’article 2.7.1.0.7 du CFF ne peut s’appliquer que si les actifs sous-jacents de la société civile sont des titres ou des placements de trésorerie. En outre, il doit s’agir de titres et de placements de trésorerie qui sont immatriculés en démembrement, en usufruit au nom du défunt et en nue-propriété au nom d’un tiers.

Selon VLABEL, une immatriculation scindée existe notamment si elle ressort :

  • soit des inscriptions dans le registre des associés (immatriculation matérielle scindée) ;
  • soit des inscriptions dans les documents tels qu’ils sont conservés par les institutions financières (immatriculation matérielle scindée) ;
  • soit de la situation, sur le plan du droit des biens, du portefeuille-titres ou du placement financier (immatriculation juridique scindée) (par exempleune donation avec réserve d’usufruit, soit du portefeuille-titres, soit des parts dans la société simple).

Pour la société civile, en ce qui concerne les fruits civils, il est dérogé aux principes généraux comme suit :

Si l’assemblée générale de la société civile décide de ne pas distribuer aux usufruitiers les fruits civils des titres ou placements financiers, le produit non distribué n’est pas considéré comme une nouvelle immatriculation scindée soumise en principe à l’article 2.7.1.0.7 du CFF. La décision de l’assemblée générale de la société d’incorporer les fruits est considérée comme une donation indirecte soumise à l’article 2.7.1.0.5 du CFF si l’usufruitier décède dans les 3 ans suivant la décision de l’assemblée générale.

La position actuelle constitue donc un assouplissement du point de vue de VLABEL pour les actifs apportés à une société civile.​

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