Dans le paysage fiscal et parafiscal belge, où les charges sur les rémunérations en espèces sont notoirement lourdes, de nombreux employeurs offrent à leurs travailleurs, en plus de leur salaire fixe, divers avantages en espèces ou en nature, dont certains bénéficient d’un traitement (para)fiscal avantageux, tels que, à titre d’exemple, le bénéfice d’une assurance groupe ou une assurance hospitalisation, l’instauration d’un bonus non-récurrent lié aux résultats, ou encore l’octroi de chèques-repas.
Se pose cependant la question de savoir ce qu'il advient de ces avantages rémunératoires en cas de suspension du contrat de travail. Au cours d’une relation de travail, de nombreuses causes de suspension peuvent en effet survenir, certaines étant initiées par le travailleur lui-même, d'autres par l'employeur, certaines intervenant de commun accord et d'autres encore étant indépendantes de la volonté des parties. Ces causes de suspension sont prévues tantôt par la loi, telle que l’incapacité de travail, ou par des conventions collectives de travail, tel que le crédit-temps, ou encore décidées de commun accord, comme le congé sans solde ou enfin admises par la jurisprudence, telle que la grève.
Durant certaines de ces périodes de suspension du contrat de travail, la rémunération reste à charge de l’employeur, par exemple pendant les vacances annuelles, tandis qu’elle est prise en charge par la mutualité durant d’autres périodes de suspension, comme c’est le cas durant le congé de maternité. Dans d'autres cas encore, l’Onem prend en charge un revenu de remplacement, par exemple en cas de suspension du contrat de travail pour cause de force majeure ou en cas de crédit-temps. Enfin, certaines causes de suspension ne donnent droit à aucune rémunération ni revenu de remplacement, tels que les congés sans solde ou les congés pour raisons impérieuses.
De façon générale, les avantages en nature doivent être maintenus tant que dure l’obligation de paiement de la rémunération dans le chef de l’employeur. Dès que cette obligation est suspendue, il en va de même pour les avantages en nature et la restitution peut en être réclamée.
Indépendamment de l’obligation de maintenir ou non les avantages rémunératoires durant les périodes de suspension du contrat de travail, se pose également la question de savoir quelles sont les conséquences du maintien des avantages en nature sans que l’employeur n’y soit obligé.
La même question peut se poser lorsque le contrat de travail prend fin. Les obligations des parties ayant pris fin, en ce compris l’obligation de payer la rémunération dans le chef de l’employeur, il n’y a plus lieu de maintenir les avantages rémunératoires. Il arrive cependant fréquemment que les parties au contrat de travail conviennent du maintien de l’un ou l’autre avantage en nature durant une certaine période après la fin du contrat de travail, tel que l’usage durant un certain temps du véhicule de société.
Nous vous résumons ci-après le sort à réserver aux avantages rémunératoires de vos travailleurs pendant les périodes de suspension du contrat de travail, ainsi que les conséquences du maintien de ces avantages sans y être obligé, pendant les périodes de suspension du contrat de travail ou après la fin de celui-ci.
Les réglementations et la doctrine mobilisent différentes notions, telles que les « avantages de toute nature », les « avantages en nature » et les « avantages acquis en vertu du contrat de travail ».
Les « avantages de toute nature » (ci-après « ATN ») visent en principe les avantages octroyés aux travailleurs autrement qu'en espèces, en lien avec ou à l'occasion de leur activité professionnelle, qui viennent compléter la rémunération en espèces du travailleur, tel que l’octroi d’un véhicule de société pouvant également être utilisé à titre privé, et font partie de la rémunération imposable du travailleur. Les «avantages en nature» désignent quant à eux plus spécifiquement les avantages énumérés de manière limitative par l'article 6 de la loi du 12 avril 1965 relative à la protection de la rémunération des travailleurs, parmi lesquels la fourniture d’un logement, de gaz, électricité, eau, chauffage et combustibles, de la jouissance d'un terrain, de nourriture consommée sur le lieu de travail, d’outils, vêtements de travail et leur entretien (pour autant qu'il ne s’agisse pas d’une obligation dans le secteur)... Contrairement aux ATN, ces avantages sont considérés comme une modalité de la rémunération et sont par conséquent pris en compte pour vérifier le respect des barèmes de rémunération applicables. Ils ne viennent donc pas en plus, mais en remplacement de la rémunération en espèces et doivent, par mesure de protection de la rémunération du travailleur, répondre à des conditions strictes établies par la loi, en ce qu’ils ne peuvent, par exemple, pas excéder une proportion par rapport à la rémunération en espèces. Enfin, les « avantages acquis en vertu du contrat », visés par l'article 39 de la loi relative aux contrats de travail du 3 juillet 1978, en vertu duquel l’indemnité de congé comprend non seulement la rémunération en cours, mais aussi les avantages acquis en vertu du contrat, englobant toute forme de rémunération, c’est-à-dire le salaire en espèces et tous les avantages évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge de l’employeur en raison de son engagement.
Quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent, ces avantages rémunératoires ont tous comme point commun qu’ils sont considérés comme de la rémunération, qu’ils viennent en remplacer une partie ou qu’ils viennent la compléter.
C’est précisément ce qui différencie les avantages rémunératoires des outils mis à disposition des travailleurs salariés dans le cadre de leur contrat de travail pour un usage purement professionnel, tel qu’un ordinateur ou un véhicule de société ne pouvant être utilisés à titre privé, lesquels ne constituent de toute évidence pas de la rémunération.
À la différence des avantages rémunératoires, la question de leur sort durant une période de suspension du contrat de travail ne se pose pas. L‘exécution du contrat de travail étant suspendu, il n’y a pas lieu de maintenir la mise à disposition des outils professionnels et la restitution peut en être réclamée dès le début de la suspension.
Le contrat de travail d’un travailleur salarié est suspendu : Faut-il maintenir ses avantages rémunératoires ?
L’obligation de maintenir ou non les avantages en nature durant les périodes de suspension du contrat de travail dépend de la cause de suspension, et plus précisément du maintien ou non de l’obligation de paiement de la rémunération dans le chef de l’employeur durant ladite période de suspension du contrat de travail.
Voici un tableau récapitulatif de la situation, limité aux causes de suspension les plus fréquentes :
CAUSE DE SUPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL | OBLIGATION DE MAINTENIR REMUNERATION ET AVANTAGES ? |
Absence pour siéger comme juge social | NON |
Chômage temporaire accident technique | NON |
Chômage temporaire intempéries | NON |
Chômage temporaire raisons économiques | NON |
Congé d’accueil | NON |
Congé d’adoption | OUI (durant les 3 premiers jours) |
Congé de maternité, de grossesse et d’allaitement | NON |
Congé de naissance | OUI (durant les 3 premiers jours) |
Congé de parent d’accueil | NON |
Congé éducation payée | OUI |
Congé électoral -lorsque le vote par procuration est possible -lorsque le vote par procuration n’est pas possible | NON OUI |
Congés pour raisons impérieuses[1] | NON[2] |
Congé sans solde | NON |
Congés thématiques (congé parental, congé pour assistance médicale, congé pour soins palliatifs et congé pour aidants proches) | NON |
Détention préventive | NON |
Force majeure[3] | NON |
Grève et Lock-out | NON[4] |
Heures perdues (Retards et absences involontaires au travail) | OUI |
Incapacité de travail (accident ou maladie autre professionnelle) | OUI : durant les 7 premiers jours pour les ouvriers et les 30 premiers jours pour les employés[5] |
Incapacité de travail (accident ou maladie autre que professionnelle) | OUI : durant les 30 premiers jours[6] |
Interruption de carrière et crédit-temps | NON |
Mandat politique : - Mandat de bourgmestre, échevin, président ou membre d'un bureau d'un conseil de district ou président d'un CPAS - Autres | OUI NON |
Obligation milice | NON |
Petits chômages (Accomplissement d’obligations familiales, civiques ou de missions civiles) | OUI |
Vacances annuelles | OUI |
Vacances jeunes & vacances seniors | NON |
Remarque : En pratique, la restitution de certains avantages pendant une période de suspension peut s’avérer difficile. Par exemple, lors d'une suspension de courte durée, comme un congé pour raison impérieuse, il serait difficilement concevable que l'employeur exige la restitution du véhicule de société pendant cette période. Une telle demande de restitution serait manifestement disproportionnée par rapport au préjudice engendré pour le travailleur. Il en irait de toute évidence de même en cas d’exigence de restitution du logement de fonction mis à disposition du travailleur. En cas de maintien de certains avantages durant les périodes de suspension du contrat de travail, il faut en tout état de cause veiller à poursuivre la déclaration correcte de l’avantage en nature en vue de son assujettissement aux cotisations de sécurité sociale et de la retenue du précompte professionnel.
Les chèques-repas sont exclus de la notion de rémunération et ne sont par conséquent pas assujettis aux cotisations de sécurité sociale ni aux impôts, à condition, entre autres, de n’être octroyés que pour les jours de travail effectivement prestés par le travailleur[7].
Par conséquent, à la différence des autres avantages rémunératoires, cet avantage ne peut pas être maintenu durant les périodes de suspension du contrat de travail, que ceux-ci donnent droit ou non au maintien de la rémunération à charge de l’employeur (sauf si le travailleur suit une formation dans le cadre d’un congé éducation payé et que les heures de formation coïncident avec les heures normales de travail).
La sanction de l’octroi des chèques-repas durant les périodes de suspension du contrat de travail consiste en la requalification des chèques-repas « irréguliers » en rémunération assujettie aux cotisations de sécurité sociale ordinaires et aux impôts.
À l’instar des chèques-repas, les écochèques sont exonérés de cotisations de sécurité sociale et d’impôts pour autant qu’ils satisfassent à des conditions strictes, parmi lesquelles l’existence d’une CCT sectorielle ou d’entreprise prévoyant leur octroi[8].
En cas de suspension du contrat de travail, le calcul du nombre d’écochèques à octroyer est effectué en prenant en compte les jours pour lesquels les travailleurs concernés ont perçu une rémunération. Il y a donc lieu de maintenir cet avantage en cas de suspension du contrat de travail avec maintien de l’obligation de rémunération à charge de l’employeur. Certaines périodes de suspension du contrat de travail durant lesquelles aucune rémunération n’est due par l’employeur y sont cependant assimilées, et notamment (i) les jours de vacances annuelles, qu’ils soient couverts par un pécule de vacances ou non (ii) les jours de congé de maternité (iii) les jours d’incapacité de travail des ouvriers en cas d’incapacité de travail résultant d’une maladie, d’un accident de droit commun, d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle et couverts par une indemnité à charge de l’assurance maladie invalidité et (vi) les jours d’incapacité de travail des employés en cas d’incapacité de travail résultant d’une maladie, d’un accident de droit commun, d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle et couverts par une indemnité à charge de l’assurance maladie-invalidité . Ces périodes de suspension assimilées entreront donc également en ligne de compte pour le calcul du nombre d’écochèques à octroyer aux travailleurs.
Les avantages non récurrents liés aux résultats[9]constituent un avantage rémunératoire collectif payé en espèces aux travailleurs en cas d’atteinte d’un objectif collectif et incertain fixé à l’avance, telle que l’atteinte d’un chiffre d’affaires ou une diminution du taux d’absentéisme, durant une période de référence d’au moins trois mois. Cet avantage bénéficie d’un traitement fiscal favorable en ce qu’il est exonéré fiscalement dans le chef du travailleur, à condition, notamment, du respect d’un plafond annuel. Il est attribué « au moins prorata temporis des prestations effectives de travail effectuées pendant cette période ». Comme pour les écochèques, certaines périodes de suspension du contrat de travail y sont nécessairement assimilées, tels que le congé de maternité et les jours de vacances annuelles, qu’ils soient couverts par un pécule de vacances ou non, étant entendu que l’employeur peut décider d’assimiler également d’autres périodes de suspension ne donnant normalement pas droit au maintien de la rémunération dans le chef de l’employeur. Ces périodes de suspension assimilées entreront donc également en ligne de compte pour le calcul du bonus revenant aux travailleurs.
Au mieux, l’employeur qui ne respecte pas son obligation de maintenir les avantages rémunératoires durant une période de suspension où le droit à la rémunération est maintenu, risque de devoir payer au travailleur concerné une indemnité compensatoire pour compenser la perte de l’avantage[10] .
Au pire, l’employeur risque de se voir reprocher une rupture implicite du contrat de travail (acte équipollant à rupture) pour modification unilatérale et importante d’un élément essentiel du contrat de travail ou pour manquement contractuel traduisant sa volonté de mettre fin au contrat de travail, ou encore d’être impliqué dans une procédure introduite par le travailleur tendant à obtenir la résolution judicaire du contrat de travail aux torts de l’employeur. Si ces demandes aboutissent, l’employeur sera tenu de payer au travailleur salarié, respectivement une indemnité compensatoire de préavis ou des dommages et intérêts.
Un travailleur prudent fera cependant précéder de telles actions par une mise en demeure, permettant le cas échéant à l’employeur de régulariser la situation.
Lorsqu’il s’agit d’un avantage assujetti aux cotisations de sécurité sociale et aux impôts, l’employeur peut parfaitement décider de le maintenir durant une période de suspension du contrat de travail, même si celle-ci n’ouvre pas le droit à une rémunération à charge de l’employeur, en veillant à déclarer correctement l’octroi de l’avantage en nature, afin de ne pas éluder les cotisations de sécurité sociale et l’impôt.
Il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit d’un avantage bénéficiant d’un traitement (para)fiscal avantageux, dont le maintien durant une période de suspension du contrat de travail non rémunérée pourrait avoir comme conséquence la requalification de l’avantage en rémunération assujettie aux cotisations de sécurité sociale ordinaires et aux impôts, comme c’est par exemple le cas pour les chèques-repas.
Dans certaines hypothèses cependant l’avantage ne perdra pas son traitement (para)fiscal avantageux en cas de maintien durant les périodes de suspension non rémunérées. Il en va ainsi en principe des avantages qui revêtent le caractère de “complément à l’avantage social”. Un avantage sera considéré comme un complément à l’avantage social accordé pour les diverses branches de la sécurité sociale[11], pour autant que les modalités d’attribution de l’avantage, sa nature et son mode de calcul démontrent clairement que l’intention de l’employeur est de compléter un avantage social, tel l’octroi par l’employeur d’allocations familiales extralégales. En vertu de l’enseignement de la Cour de cassation, un complément aux avantages accordés pour les diverses branches de la sécurité sociale doit avoir pour objet de compenser la perte des revenus du travail ou l’accroissement des dépenses provoqués par la réalisation d’un des risques couverts par ces branches. Un complément à l’avantage social est exclu de la notion de rémunération et de ce fait non assujetti aux cotisations de sécurité sociale ordinaires, et ce sera en principe également le cas si cet avantage est maintenu durant une période de suspension du contrat de travail non rémunérée.
Dans certaines hypothèses et en fonction de la cause de suspension, le maintien d’un avantage durant une période de suspension du contrat de travail non rémunérée pourrait même avoir pour effet de lui donner le caractère d’un complément à un avantage social non assujetti aux cotisations de sécurité sociale ordinaires, alors qu’il ne revêtait pas ce caractère en cours d’exécution du contrat de travail. Comme par exemple, en cas d’incapacité de travail de longue durée d’un travailleur qui continue à bénéficier de la mise à disposition d’un logement de fonction au-delà de la période couverte par le salaire garanti, pour autant que la valeur de cet avantage lui permette de conserver le caractère de complément, ce qui pourrait parfaitement être le cas lorsqu’il s’agit d’une pièce d’habitation unique.
En cas de mise à disposition d’un logement de fonction, il est fortement recommandé de préciser expressément dans le contrat de travail ou l’avenant relatif à l’avantage, que la mise à disposition est un accessoire au contrat de travail. Le logement de fonction suivra ainsi le sort du contrat de travail, notamment en cas de suspension du contrat de travail ou lorsque celui-ci prend fin. À défaut, le travailleur bénéficiera de la protection liée à la résidence principale.
Cela étant et comme dit ci-avant, il peut s’avérer difficile dans la pratique – et peu souhaitable d’ailleurs - de réclamer la restitution du logement de fonction durant une période de suspension non rémunérée. Il est recommandé pour cette raison de convenir dès le début de la mise à disposition du logement de fonction du sort de celui-ci en cas de suspension du contrat de travail. Si l’employeur ne souhaite pas prendre en charge les coûts y relatifs durant les périodes de suspension, tout en laissant au travailleur la possibilité d’y demeurer, il est conseillé de convenir ab initio du montant du loyer qui sera dû par le travailleur durant ces périodes. À défaut, il sera difficile de réclamer un loyer a posteriori.
Tout comme pour le logement de fonction, il est recommandé de prévoir dans le contrat de travail, ou dans la car policy, le sort de la voiture de fonction (pouvant être utilisée à titre privé) en cas de suspension du contrat de travail.
En principe, l’employeur peut demander la restitution du véhicule de société dès que cesse son obligation de payer la rémunération en cas de suspension du contrat de travail, mais il reste néanmoins indiqué de le préciser explicitement dans le contrat de travail ou la car policy, afin d’éviter tout malentendu à ce sujet. Certaines car policy prévoient le maintien de l’utilisation du véhicule de société durant un certain laps de temps en cas de suspension du contrat de travail, en laissant par exemple au travailleur l’utilisation du véhicule de société au-delà de la période couverte par le salaire garanti en cas d’incapacité de travail. Il est recommandé dans ce cas de bien préciser dans la car policy quel est le sort du véhicule durant ces périodes et quelles sont les modalités d’utilisation dans ce cas, en effectuant le cas échéant une distinction en fonction de la cause de suspension et de la durée de celle-ci, afin d’éviter tout malentendu à ce sujet, notamment durant de courtes périodes de suspension.
Comme c’est le cas pour tout avantage en nature, l’employeur doit poursuivre le paiement des primes au profit du travailleur dans une assurance-groupe en vue d’allouer des avantages extralégaux en matière de retraite ou de décès prématuré ou dans le cadre d’une assurance revenus garantis ou encore pour une assurance hospitalisation, durant les périodes de suspension du contrat de travail rémunérées, tandis que cette obligation prend fin dans les autres cas. Il n’est cependant pas rare que les règlements d’assurance prévoient la poursuite du paiement des primes durant certaines périodes de suspension non rémunérées. Dans ce cas, l’employeur souscrit généralement à une assurance «exonération de prime en cas d’incapacité de travail », afin que le paiement de la prime soit pris en charge par l’assurance pendant la période d’incapacité de travail au-delà de celle couverte par le salaire garanti. En l’absence d’une telle assurance, il est conseillé de clairement informer le travailleur de la situation, en prévoyant dans le contrat de travail que l’employeur se réserve le droit de mettre fin au paiement des primes pendant les périodes de suspension du contrat de travail non rémunérées.
Lorsque l’employeur maintient une assurance hospitalisation durant une période de suspension non rémunérée, il s’agira toujours d’un avantage social revêtant le caractère d’un complément à un avantage social exonéré de cotisations de sécurité sociale ordinaires, lequel bénéficie également d’une exonération fiscale. Il en ira de même pour le maintien du paiement des primes dans l’assurance-groupe en cas de suspension du contrat de travail pour incapacité de travail. L’avantage sera également exclu de la notion de rémunération en qualité de complément à un avantage social et sera exonéré des cotisations de sécurité sociale ordinaires[12] et d’impôts[13].
Lorsque le contrat de travail prend fin, quel que soit le motif et que ce soit à l’initiative du travailleur ou de l’employeur, l’obligation de payer la rémunération prend fin et partant également l’obligation de maintenir les avantages en nature, dont l’employeur peut demander la restitution immédiate.
Il arrive cependant fréquemment que l’employeur laisse au travailleur le bénéfice de certains avantages après la rupture du contrat de travail pendant un certain laps de temps, généralement durant toute ou une partie de la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis.
Cela peut être le cas, pour autant que le règlement le permette, pour les primes payées au bénéfice du travailleur dans le cadre d’une assurance groupe ou assurance hospitalisation, que l’employeur continue à payer durant la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis.
Ou encore par exemple en cas de mise à disposition d’un véhicule de société ou d’un logement de fonction, afin de permettre au travailleur concerné de trouver un autre moyen de locomotion ou encore de se trouver un nouveau logement. En cas de désaccord à ce dernier sujet, les juridictions du travail reconnaissent d’ailleurs généralement le droit au travailleur de demeurer dans le logement pendant une durée raisonnable pour lui permettre de trouver un autre logement.
Comme pour les périodes de suspension, il est recommandé, en cas de mise à disposition d’un logement de fonction, de convenir, dans le contrat de travail ou l’avenant y relatif, de la période endéans laquelle le travailleur devra quitter le logement et s’il devra ou non payer un loyer durant cette période.
Se pose également la question de savoir comment traiter (para)fiscalement le maintien de cet avantage au-delà de la fin du contrat de travail, le travailleur concerné n’étant plus au service de son ex-employeur.
Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, il s’agira d’un avantage octroyé en raison de la relation de travail et, par conséquent, de rémunération sur laquelle des cotisations de sécurité sociale sont dues. Celles-ci devront être calculées sur la base de la valeur réelle de l’avantage (par exemple le prix du leasing de la voiture ou le montant du loyer raisonnable pour le logement de fonction si le travailleur est autorisé à y demeurer gratuitement durant une certaine période au-delà de la fin du contrat de travail). Pour ce qui est du traitement fiscal, l’administration fiscale admet l’évaluation forfaitaire de l’avantage comme en cours d’exécution du contrat de travail.
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[1] Ex. Maladie, accident ou hospitalisation d’une personne habitant avec le travailleur, dégâts causés à l’habitation du travailleur par un incendie ou une catastrophe naturelle, citation à comparaître à une audience d’un procès où le travailleur est partie…
[2] Sauf convention individuelle entre l’employeur et le travailleur ou une CCT d’entreprise ou sectorielle contraire (ex. au sein de la CP n°149 où certaines causes de raisons impérieuses donnent droit au maintien de la rémunération à charge de l’employeur pour un nombre de jours limité).
[3] Ex. Un incendie qui a détruit l’entreprise, le retrait de permis temporaire d’un chauffeur de bus….
[4] Même si le travailleur interrompt sa journée de travail pour faire une grève, la règle qu’une journée de travail entamée donne droit à un salaire garanti pour toute la journée ne s’applique pas. Le travailleur non-gréviste conserve son droit à la rémunération, tandis que le droit à la rémunération du travailleur non-gréviste qui arrive sur le lieu de travail mais est empêché de travailler en raison de la grève est controversé, étant entendu qu’il aura droit aux allocations de chômage si la grève est reconnue comme un cas de force majeure.
[5] Pour les employés, la rémunération est maintenue à 100% pendant les 30 premiers jours, tandis que pour les ouvriers, elle n’est maintenue à 100 % que durant les 7 premiers jours. Pour les 23 jours suivants, l’employeur paie à l’ouvrier, à titre d’avance, un montant équivalent à la rémunération normale, qui est ensuite remboursé par l'assureur-loi ou le Fonds des Maladies Professionnelles.
[6] Pour les employés, la rémunération est maintenue à 100% durant les 30 premiers jours, tandis que pour les ouvriers, bénéficiant d’une ancienneté >1 mois, elle n’est maintenue à 100% que durant les 7 premiers jours. Ensuite ils bénéficient d’un salaire garanti dégressif jusqu’au 30ème jour.
[7] Art. 19bis AR du 28/11/1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
[8] Art. 19quater AR du 28/11/1969 précité.
[9] CCT n° 90 du 20 décembre 2007 concernant les avantages non récurrents liés aux résultats
[10] C. trav. Bruxelles 16 mai 1017, RG n°2016/AB/152, www.terralaboris.be.
[11] Au sens de l’article 2 alinéa 3, 1° c) de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs
[12]Les primes seront cependant assujetties à une cotisation de sécurité patronale spéciale de 8,86 %
[13] Les prestations d’une assurance -groupe étant soumises à un impôt forfaitaire dans le chef du travailleur allant de 10 à 33 % en fonction de l’âge du travailleur au moment du paiement et de la continuation ou non d’une activité professionnelle, jusqu’à l’âge de la pension légal.
La Tetracademy est la revue trimestrielle juridique du cabinet d’affaires bruxellois Tetra Law. Cet article en est extrait. Pour plus d’informations ou pour recevoir chaque nouvelle publication, n’hésitez pas à suivre la Tetracademy en envoyant un email à tetracom@tetralaw.com ».