Dans un récent arrêt, la septième chambre de la Cour d’appel de Gand s’est prononcée sur la responsabilité du fondateur dans le cas d’un capital initial manifestement insuffisant (Gand 17 avril 2023, 2022/AR/305 et 2022/AR/326).
Concrètement, l’arrêt consiste en un rejet en appel contre le jugement sensationnel du Tribunal de l’entreprise de Gand, division de Termonde, du 18 octobre 2021[1] en ce qui concerne la responsabilité du professionnel du chiffre qui participe à l’élaboration du plan financier.
Dans le jugement précité du Tribunal de l’entreprise de Gand, division de Termonde, du 18 octobre 2021, les fondateurs d’une SRL qui a entretemps été déclarée en faillite ont été partiellement tenus pour responsables et condamnés en raison d’un « capital de départ » manifestement insuffisant.
Il est toutefois notable dans cet arrêt spécifique que l'un des fondateurs avait partiellement réussi à faire condamner le professionnel du chiffre (en l'occurrence un cabinet comptable) qui l'avait assisté dans l'élaboration de ce plan financier, après l'avoir appelé en garantie, pour « violation de son obligation de conseil ».
Par conséquent, ce jugement de première instance a soulevé de nombreuses questions quant à l'étendue et à la nature de cette obligation de conseil dans le chef du professionnel du chiffre, ainsi qu'à la responsabilité potentielle qui peut en découler. En effet, le jugement de première instance annoté a eu pour effet de mettre à la charge du professionnel du chiffre une partie des dettes impayées de la société en faillite.
Le cabinet comptable en question a fait appel du verdict et un jugement a été rendu depuis.
Dans ce qui suit, nous n'aborderons que brièvement le recours incident contre le rejet intégral de la demande en garantie du cabinet comptable X introduite à son encontre.
En résumé, le cabinet comptable en question soumet les arguments suivants à la Cour d'appel de Gand, y compris une série de nouvelles données concernant son obligation d’information (cf. infra):
Tout d'abord, la Cour d'appel a estimé que le cabinet comptable X pouvait valablement se libérer, grâce à sa clause contractuelle d'exonération, de sa responsabilité quant à l'obligation de contrôle des informations fournies par les fondateurs, notamment le chiffre d'affaires ainsi que le crédit client.
Par ailleurs, pour la première fois en appel, le cabinet comptable X a présenté des documents démontrant qu'il avait respecté son obligation de contrôle et de conseil à l'égard des fondateurs. La Cour prend en compte les nouveaux éléments de preuve suivants présentés par le cabinet comptable X, notamment :
La Cour d’appel de Gand a ensuite jugé que l’obligation de conseil du cabinet comptable X vis-à-vis du fondateur A n’était pas suffisamment prouvée :
Le rapport du réviseur d’entreprises montre que des erreurs de gestion et un suivi insuffisant des liquidités sont en partie à l’origine de la faillite, circonstances qui n'étaient pas prévisibles pour le cabinet comptable X.
En résumé, la Cour d'appel a jugé dans cette affaire que, compte tenu des documents complémentaires, il n'y avait pas suffisamment de preuves d'une erreur dans l’obligation de conseil ayant causé le préjudice. Les fondateurs voulaient à tout prix créer la société malgré les risques de liquidité connus.
Par conséquent, en appel, la Cour a rejeté la demande en garantie des fondateurs A et L à l'encontre du cabinet comptable X comme non fondée et a déclaré le recours incident du cabinet comptable X comme fondé.
[1] Cf. également : Trib. de l’entreprise de Gand, div.. Termonde 18 octobre 2021, TRV-RPS 2022, p. 327, note F. Mertens; TBH 2022, p. 812, note B. De Bock; F. Mertens, “Economische beroepsbeoefenaar krijgt de zwartepiet toegespeeld: aansprakelijkheid van de economische beroepsbeoefenaar inzake het financieel plan” in TAA 2023, n° 79, p. 24-37.