Nous assistons tous, pour la plupart médusés et inquiets, à la nouvelle formulation du gouvernement américain. Je l'avais écrit il y a un an : le 22 janvier 2025, nous serons dans un autre monde, après que les ordres présidentiels auront été signés le 21 janvier, au lendemain de l'investiture de Donald Trump, dont le vice-président est déjà écarté, puisque Elon Musk est le co-président.
Et cet autre monde, c'est celui, pour l'Europe occidentale, que nous croyions immobile et intangible depuis les accords de Yalta, qui s'est tellement métamorphosé sans que nous n'ayons perçu l'amplitude des modifications. La Chine s'est imposée, la Russie veut reconquérir son Empire, le modèle économique de l'économie de marché s'est imposé, la nature est soigneusement saccagée, et le monde devient, chaque jour un peu plus, violent. Cette violence est, à mon intuition, le produit dérivé d'une mondialisation qui met tous les humains en concurrence les uns avec les autres.
Et donc, cette violence s'amplifiera jusqu'à ce que certains appellent des pouvoirs forts pour leur donner la (fausse) impression que des solutions simples existent. Et c'est d'ailleurs pour cette raison que les intellectuels s'écartent du débat public parce qu'ils ne s'accommodent pas du chaos du monde.
Alors, tout va changer : la vérité, l'information, les frontières, les flux commerciaux, les ordres sociaux, les régimes politiques. L'Europe entre dans une période de désunion et surtout de déracinement.
Et on va très rapidement comprendre que la recherche de prospérité individuelle ne peut plus être un projet de société parce que le rapport au temps va se briser.
Il existe un moyen de faire face aux tumultes et aux vagues hurlantes qui nous assailliront : le partage au sein de la communauté, les solidarités locales, les assemblées citoyennes, bref, une approche qui part de l'individu vers le groupe, à l'opposé des visions tribales imposées par des sommes d'égoïsmes.
Ma profonde intuition est que nous aurons le choix (certes caricatural) entre un déchaînement sociétal complet correspondant à l’exo-libéralisme promu par Trump ou un régime plus égalitaire, peut-être proche de celui du "socialisme à visage humain" imaginé par Dubček en janvier 1968, lors du Printemps de Prague. Il prônait une libéralisation politique et économique, incluant la liberté d'expression et une décentralisation accrue, tout en maintenant le système socialiste, qui serait alors social démocrate. Je crois que c'est cette seconde voie, témoignant d'une vision social-démocrate, qui s'imposera pour maintenir la cohésion sociale