​Si j’étais (encore) banquier, je serais extrêmement attentif au risque de change. Extrêmement.

Mes pérégrinations professionnelles m’ont conduit, en 2008, lors du krach bancaire, à la tête de la Bourse de Bruxelles et au comité de direction de la Bourse de New York. Par la suite, j’ai été numéro deux du plus grand groupe d’assurance belge lors de la crise des dettes souveraines.

J’en ai tiré de nombreuses satisfactions, et encore plus de frustrations, mais une conviction centrale : en finance, il faut penser l’impensable, et les modèles de risque ne sont d’aucune utilité dans les moments de rupture. Il faut de L’INTUITION ÉDUQUÉE.

Ce qui me préoccupe depuis des trimestres, c’est le dollar, monnaie utilisée pour 60 % des échanges internationaux, et donc consubstantielle à l’économie mondiale. Le dollar représente ainsi un risque systémique, qu’on ne peut diversifier.

Et c’est là le problème.

La dette publique américaine est en croissance stratosphérique, et son coût, c’est-à-dire le taux d’intérêt, restera élevé à la suite des nombreuses mesures que Trump annonce. Cette dette publique constitue également un risque systémique, finançable uniquement grâce à ce que de Gaulle appelait le « privilège exorbitant » de pouvoir s’endetter dans sa propre monnaie ad infinitum.

Or, qu’apprend-on ?

Trump envisage d’imposer des droits de douane de 100 % aux pays qui refuseraient le dollar, et la détention de dette publique américaine pourrait devenir une condition au soutien américain à l’OTAN pour ces pays, aggravant ainsi les risques systémiques.

Mais ce n’est pas tout : Trump souhaite un dollar faible, alors qu’une combinaison d’anticipations le renforce, ce qui nuit aux exportations américaines. Or une devise qui se veut le référent mondial doit être faible par son abondance.

Et que constate-t-on ? Le ministre des Finances américain commence à évoquer un réalignement monétaire en faisant référence à Bretton Woods (système de parités fixes qui prévalut entre 1944 et 1971 et, plutôt qu’être un étalon-or, fut un étalon-dollar), avec l’idée évidente d’un dollar déprécié, ce qui rappelle les accords du Plaza de 1985, destinés à orchestrer une dépréciation coordonnée du dollar.

Nul ne peut prévoir l’avenir, mais, comme disait Montherlant, « tout sera bouleversé par les mains hasardeuses du temps ».

Je crois, depuis longtemps, qu’il faut s’attendre à des chocs importants, liés au dollar et à la dette américaine. Et je crains que l’euro ne devienne, jour après jour, plus fragile, alors que la gestion de notre monnaie commune est mise en cause par des partis souverainistes comme l’AfD allemand.

Ha oui, une dernière chose : en 2006, deux ans avant la crise, j’étais au comité de direction d’une des quatre banques belges (orange …). Et le champagne coulait à flot à telle enseigne que le CEO disait : l’argent coule des murs… jusqu’à la faillite deux ans plus tard, et à son licenciement.

A méditer.

Mots clés

Articles recommandés

Retour sur les origines oubliées de l'Union monétaire latine

L'épopée du capitalisme : quand le commerce des épices se transforme en fiasco

​Retour vers le printemps de Prague : la vision de Dubcek