La Cour constitutionnelle poursuit sur sa (mauvaise) lancée de décisions controversées.
Après la validation de l’article 206/3 CIR, elle vient de valider le régime VVPRBIS en ce qu’il exclu les apports de créances issues d’un prêt de l’actionnaire à la société.
Un actionnaire souhaitant capitaliser sa société devra veiller à se rembourser sa créance préalablement pour ensuite apporter les liquidités (au lieu d’apporter la créance en nature) « sous réserve d’abus fiscal » (?), dixit la Cour.
Cette décision ne manquera pas de susciter la controverse ; nous y reviendrons.
Synthèse de l’arrêt n° 4/2025 de la Cour constitutionnelle
Cet arrêt concerne une question préjudicielle relative à l’article 269, §2, du Code des impôts sur les revenus (CIR 1992), introduit par la loi-programme du 28 juin 2013. La Cour constitutionnelle a été saisie pour évaluer la compatibilité de cette disposition avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, qui garantissent le principe d’égalité et de non-discrimination, dans le cadre d’une différence de traitement fiscal entre les apports en numéraire et les apports en nature (créances).
Contexte
Faits de l’affaire : Une société avait bénéficié d’apports en capital sous forme de créances converties en actions. Ces apports en nature ont conduit à l’application d’un taux de précompte mobilier de 30 % au lieu des taux réduits (15 % ou 20 %) réservés aux apports en numéraire. L’administration fiscale a rejeté l’application du taux réduit, considérant que les conditions légales n’étaient pas remplies.
Question posée : La distinction entre apports en numéraire (éligibles au taux réduit) et apports en nature (exclus du taux réduit) est-elle discriminatoire et en violation des principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination ?
Arguments des parties
1.Partie demanderesse (société) :
Les apports de créances (libellés en euros) devraient être traités de la même manière que les apports en numéraire, car ils apportent également des liquidités à la société.
La conversion de créances ne présente pas de risque d’abus comparable à d’autres apports en nature (ex. : biens immobiliers).
L’exclusion systématique des apports de créances du régime du taux réduit est injustifiée et discriminatoire.
2.Conseil des ministres :
La distinction repose sur un critère objectif : seuls les apports en numéraire apportent des capitaux frais nécessaires à la recapitalisation des PME.
Les apports de créances sont susceptibles d’abus, comme la manipulation des écritures comptables.
Le contribuable reste libre de choisir entre un apport en numéraire ou en nature, mais doit accepter les conséquences fiscales associées.
Décision de la Cour
1.Principes généraux :
Le législateur dispose d’une large marge d’appréciation en matière fiscale, notamment pour orienter des comportements économiques et prévenir les abus.
Une différence de traitement peut être justifiée si elle poursuit un objectif légitime et repose sur des critères raisonnables.
2.Motifs :
L’objectif de la mesure est de stimuler l’apport de capitaux frais dans les PME, ce qui contribue à la relance économique.
Les apports en numéraire présentent moins de risques d’abus que les apports en nature.
Le législateur peut légitimement exclure les apports en nature du régime des taux réduits, même si certaines catégories d’apports en nature (comme les créances) présentent un risque moindre.
3.Conclusion :
L’article 269, §2, alinéa 1er, 3°, du CIR 1992, ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
La Cour a jugé que la différence de traitement entre apports en numéraire et apports en nature est justifiée au regard des objectifs poursuivis par le législateur. Elle considère que les mesures fiscales adoptées pour soutenir les PME et prévenir les abus sont conformes aux principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination.