Sortir un bien immobilier de sa société : la Cour de cassation tranche en faveur de l’administration fiscale

Un bref commentaire du dernier arrêt de la Cour de cassation et un arbre de réflexion, qui devrait aider à la prise de décision.


Historique

Il était habituellement préconisé, lors de l’achat d’un immeuble en société, en particulier si cette société est une société anonyme, de créer une indivision entre cette société et son/ses actionnaire(s).

Cette indivision originaire devait permettre, dans l’hypothèse où l’actionnaire souhaitait récupérer l’immeuble dans son patrimoine privé, d’éviter l’application du droit de vente au profit du droit de partage, moins exorbitant.

Le 22 décembre 2014, l’administration fiscale a, pour la première fois, écarté l’application de ce droit de partage en faisant prévaloir les articles 129 et 130 du Code des droits d’enregistrement (CDE) concernant spécifiquement la sortie d’un bien immobilier au profit de son actionnaire.

Dans la foulée, Vlabel a repris cette position, dans une décision du 26 octobre 2015.

Et donc ?

L’article 130 CDE prévoit que l’acquisition d’immeubles situés en Belgique par un ou plusieurs associés d’une société par actions ou d’une société coopérative est soumise au droit de vente.

La règle ne souffre d’aucune exception et la position de l’administration fiscale, faisant prévaloir cette règle sur le droit de partage, soumet donc au droit de vente toutes les opérations commentées (dès l’instant donc où la société est une société anonyme ou coopérative).

L’article 129 CDE organise, pour les sociétés en nom collectif ou en commandite, les sociétés à responsabilité limitée ou les sociétés agricoles, une règle identique mais avec quelques exceptions :

  • Un régime de report de taxation, lorsque le liquidateur de la société en liquidation remet l’immeuble à tous les associés, en proportion de leur participation au capital de la société ;

Seul le droit fixe général est dû à l’occasion de ce transfert, dans l’attente d’un transfert éventuel entre les associés, qui interviendrait dans un second temps.

  • Et deux exceptions :

* Lorsque l’associé qui récupère l’immeuble est celui qui l’a apporté ou

* Lorsque l’associé qui récupère l’immeuble était associé au moment où la société a acquis cet immeuble avec paiement du droit de vente ;

Dans ces deux cas, le droit de vente n’est pas automatiquement dû : il faut analyser l’opération selon sa nature juridique réelle.

Pour simplifier, on résumera la situation comme suit : l’administration fiscale peut revendiquer le droit de vente sur les opérations commentées, sauf pour l’une ou l’autre opération qui relève des exceptions précitées.

Arrêt de la Cour de cassation

Cette position administrative a été très vigoureusement contestée par les contribuables et la doctrine, sans succès auprès des juridictions de fond, qui validaient le raisonnement administratif.

Le 12 mars 2021, la Cour de cassation a posé une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. Le contribuable remettait en cause les règles de l’article 130 du Code des droits d’enregistrement sur base du principe d’égalité et de non-discrimination.

La Cour constitutionnelle a validé la disposition légale, réfutant les discriminations invoquées à l’encontre de ce dispositif.

Enfin, à l’occasion de son arrêt du 6 janvier 2023, la Cour de cassation a tranché définitivement le débat : elle juge qu’il y a effectivement lieu de faire prévaloir l’article 130 CDE sur l’article 109, 2°, CDE qui concerne le droit de partage.

Cette décision met probablement un terme définitif à ce débat, en validant ainsi la position de l’administration fiscale.

Au demeurant, si ce litige ne porte que sur l’article 130 CDE, ses conséquences valent également pour l’article 129 CDE.

Que faire ?

Tenant compte de ces principes, le contribuable qui envisage de sortir un immeuble acquis par sa société doit, dans un premier temps, préférer une forme sociale relevant de l’article 129 CDE, en écartant donc les sociétés anonymes et coopératives.

Si cette forme sociale préexiste, l’actionnaire a intérêt à transformer la société anonyme en, par exemple, une société à responsabilité limitée, en particulier dans un contexte où les statuts de ces sociétés doivent être adaptés au regard du Code des sociétés et associations.

Si la société est une société à responsabilité limitée, il faut alors, sans attendre, appréhender l’article 129 CDE, pour déterminer si la situation relève de l’une ou l’autre des exceptions.

Ces considérations ne signifient en revanche pas qu’il n’y a aucun intérêt à créer une indivision originaire entre les actionnaires et la société privée à responsabilité limitée, au contraire.

En effet, si les conditions de l’article 129 CDE sont réunies, il sera tenu compte de la nature réelle de l’opération et dans ce contexte, une indivision originaire préexistante permettra l’application du droit de partage.

En d’autres termes, le conseil historique demeure pertinent mais son application suppose un passage préalable par l’article 129 CDE.

Arbre de réflexion

Pour faciliter cette réflexion, vous trouverez ci-dessous un arbre de réflexion synthétisant l’analyse.


Source : Hirsch & Van Haelst, news, mai 2023


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