Dans son avis 2019/02 – Succursales belges de sociétés de droit étranger : obligations comptables propres , la Commission des Normes Comptables clarifie les obligations comptables incombant aux succursales belges de sociétés de droit étranger, et notamment les aspects liés au plan comptable, à la monnaie fonctionnelle, aux comptes annuels internes, aux documents à déposer à la Centrale des bilans et à l’obligation de conservation des succursales, ainsi qu’à la relation entre une maison mère et sa succursale.
Le présent avis vise à clarifier les obligations comptables incombant aux succursales belges de sociétés de droit étranger.
Cet avis est la deuxième partie d’un avis thématique sur le régime comptable des succursales belges de sociétés de droit étranger qui vise à mettre à jour et à coordonner les avis rendus précédemment sur ce sujet.2
Le présent avis ne traite que de l’application du droit comptable belge aux opérations envisagées à l’exclusion des aspects de droit fiscal3.
Les sociétés de droit étranger ne sont soumises au droit comptable belge « qu’en ce qui concerne les succursales […] qu’[elles] ont établi[e]s en Belgique »4. L’ensemble de leurs succursales est considéré comme une entreprise au sens du droit comptable.5 Elles disposent donc d’une personnalité comptable propre (mais non juridique) distincte de la personnalité comptable (et juridique) de la société de droit étranger (ci-après : la maison mère).
Les succursales belges de sociétés de droit étranger sont dès lors soumises aux exigences du droit commun comptable belge. Elles doivent ainsi se conformer aux dispositions du Code de droit économique (ci-après : CDE) et des arrêtés pris pour son exécution6 et aux dispositions du Code des sociétés (ci-après : C.Soc.)7 et de son arrêté royal d’exécution (ci-après : AR C.Soc.)8.
Elles doivent notamment tenir une comptabilité9 distincte de celle de la société de droit étranger, suivant un plan comptable adapté aux activités des succursales belges et conforme au plan comptable minimum normalisé (ci-après : PCMN)10 et établir un inventaire11. Elles doivent également établir des comptes annuels12 propres aux opérations et à la situation de leurs succursales belges considérées dans leur ensemble comme une seule entreprise. Elles ne doivent toutefois pas déposer ces comptes annuels auprès de la Centrale des bilans.13
De l’avis de la Commission, la faculté offerte aux sociétés en nom collectif et aux sociétés en commandite simple de droit belge de tenir une comptabilité simplifiée14 et de ne pas établir leurs comptes annuels suivant l’AR C.Soc.15lorsque leur chiffre d’affaires du dernier exercice, hors taxe sur la valeur ajoutée, n’excède pas 500.000 euros16, s’applique également aux succursales belges de sociétés qui relèvent du droit d'un autre Etat membre de l’Espace économique européen ayant une forme comparable.17,18
Dans la mesure où les obligations comptables des succursales belges sont en principe les mêmes que celles incombant aux sociétés de droit belge, le présent avis n’analysera que les particularités propres à leur situation.
La succursale belge qui remplit les trois conditions cumulatives suivantes ne doit pas tenir sa comptabilité conformément au PCMN ni établir ses comptes annuels conformément à l’AR C.Soc. :
Selon le Rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 30 décembre 199120 qui introduit cette exemption en droit comptable belge21, celle-ci vise les « succursales où aucune activité industrielle, commerciale ou financière autonome n’est exercée »22.
Selon la Commission, cette disposition d’exception doit être interprétée strictement.
Elle vise en pratique la succursale dont l’activité est entièrement intégrée dans celle de la maison mère et qui ne peut en être dissociée.
Il s’agit notamment des centres de coûts qui recueillent tous les coûts liés au fonctionnement d’un ensemble organisé et dont le produit des prestations ne peut pas être évalué. L’on peut citer à titre d’exemples, les centres de formation, les bureaux de publicité et les secrétariats de direction générale.
La succursale belge qui remplit ces trois conditions peut dès lors tenir une comptabilité entièrement conforme aux directives de sa maison mère et ne doit pas établir de comptes annuels internes conformément aux schémas légaux belges.
Les opérations de la succursale belge doivent être centralisées périodiquement dans les comptes de la maison mère étrangère.
L’intégration des comptes de la succursale dans la comptabilité de la maison mère étrangère pose certains problèmes pratiques en raison de la divergence entre le plan comptable étranger de la maison mère et le plan comptable de la succursale belge qui doit être conforme au PCMN23.
A cet égard, la Commission renvoie à son avis 2010/2024 :
« [Une succursale belge] peut utiliser un plan comptable autre que le PCMN, à condition qu’elle présente à tout moment une balance générale des comptes par la voie d’une table de concordance, établie conformément aux prescriptions de l’arrêté royal du 12 septembre 1983 relatif au PCMN, sans l’imposition d’une ‘relation un à un’.25
Cela signifie que cette table de concordance doit permettre de retrouver systématiquement le compte du PCMN qui correspond à un ou plusieurs comptes d’un autre plan comptable. En outre, pour chaque compte du grand livre du PCMN, un historique doit être disponible comportant une référence directe aux pièces justificatives concernées.26 La table de concordance est tenue en permanence tant au siège de [la succursale] qu'aux [sièges des] services comptables importants de [la succursale], à la disposition de toute personne intéressée.27
En ce qui concerne la langue dans laquelle la comptabilité est tenue, la Commission souhaite souligner que les entreprises doivent respecter les dispositions légales relatives à l’emploi des langues ».
En règle, les succursales belges doivent tenir leur comptabilité29 et établir leurs comptes annuels30 en euros.
L’article 22, alinéa 3, de l’AR C.Soc. prévoit en effet que « les montants des comptes annuels sont exprimés en euros ». En revanche, aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit expressément que la comptabilité doit être tenue en euros. Toutefois, suivant la lecture combinée des articles III.89, § 2, et III.90, § 1er, du CDE, et des articles 22, alinéa 3, et 27 de l’AR C.Soc., le bilan et le compte de résultats se rattachent directement à la comptabilité et aux états comptables qui synthétisent les écritures comptables. Il en a toujours été déduit que l'établissement des comptes annuels en euros impliquait que la comptabilité soit tenue dans la même monnaie.
Aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit toutefois à la succursale belge de tenir sa comptabilité journalière en devises pour autant que les états comptables de synthèse soient établis en euros.31
Si les personnes chargées de la gestion de la succursale belge estiment que la monnaie fonctionnelle de la succursale est une monnaie autre que l’euro, elles peuvent introduire une demande de dérogation après du ministre compétent ou de son délégué afin que la succursale soit autorisée à tenir sa comptabilité et à établir ses comptes annuels dans cette autre monnaie.33
La monnaie fonctionnelle est la monnaie de l’environnement économique principal dans lequel opère la succursale belge. Elle reflète les transactions, les événements et les conditions sous-jacents pertinents pour la succursale. Cette dernière détermine sa monnaie fonctionnelle au moment de l’établissement de ses comptes annuels.
La Commission a listé les facteurs de détermination de la monnaie fonctionnelle dans son avis CNC 117/3.
Dans certains cas exceptionnels, les personnes chargées de la gestion de la succursale belge peuvent estimer, sur base des facteurs indiqués dans l’avis CNC 117/3, que la monnaie fonctionnelle de la succursale est une monnaie autre que l’euro. Dans ces cas, l'établissement des comptes annuels en euros s’avère inadéquat car il impliquerait, par le biais de différences de change ou de conversion, des distorsions importantes par rapport à la réalité économique.
Il s’agit par exemple d’une succursale belge qui exercerait effectivement l’essentiel de ses activités en dehors de la zone euro et dont l'essentiel de ses avoirs, engagements et résultats se situerait dans la zone monétaire en question. Dans ce cas, les préoccupations de cohérence avec la zone euro ne jouent pas ou guère.34
L’on vise également la situation où, pour des motifs de gestion interne, un groupe réunit certains risques de change dans une seule succursale et souhaite que cette dernière établisse ses comptes annuels internes dans une monnaie autre que celle du groupe.
Si la succursale satisfait aux critères de taille prévus par l’article 15 du C.Soc.35, définissant les « petites sociétés », la demande de dérogation doit être introduite auprès du ministre ayant les Classes moyennes dans ses attributions ou de son délégué ; si elle excède ces critères, la succursale doit introduire sa demande de dérogation auprès du ministre qui a les Affaires économiques dans ses attributions ou de son délégué.36
Le ministre compétent ou son délégué octroie la dérogation sur avis motivé de la Commission.37
Les personnes chargées de la gestion de la succursale sont tenues de justifier judicieusement dans la demande de dérogation que la monnaie fonctionnelle est celle qui fournit l’image la plus fidèle des conséquences économiques des opérations sous-jacentes, des événements et des circonstances. L'usage de la monnaie fonctionnelle devra être en premier lieu justifié par les indicateurs primaires, précisés dans l'avis CNC 117/3, et en second lieu, par d’autres éléments repris dans cet avis.
A cet égard, le fait qu'une succursale belge réalise hors de la zone euro l'essentiel de ses achats et la majeure partie de son chiffre d'affaires, n'est pas per se de nature à justifier l'octroi d'une dérogation sauf si ces opérations devaient se dénouer systématiquement dans une autre monnaie que l'euro.38
De plus, il ne suffit pas que la succursale belge exerce la plupart de ses activités hors de la zone euro et que l'essentiel de ses avoirs, engagements et résultats se situe dans cette autre zone monétaire ; la succursale doit encore pouvoir établir que l'essentiel de ses activités est effectivement exercé dans cette autre zone monétaire afin de bénéficier de la dérogation.39
La demande de dérogation doit être accompagnée d'une copie des comptes annuels internes de la succursale relatifs au dernier exercice clôturé, sauf naturellement si la demande concerne le premier exercice de la succursale.
La demande de dérogation doit être introduite avant la clôture de l'exercice pour lequel la dérogation est demandée. Si la demande est introduite tardivement, la Commission conseillera au ministre compétent ou à son délégué de la rejeter.
La Commission est d’avis qu’en principe, les effets d’un changement de monnaie fonctionnelle doivent être comptabilisés de façon prospective en ce qui concerne la conversion des éléments de l'actif et du passif du bilan et des éléments du compte de résultats.
La succursale qui obtient une dérogation au cours de l'exercice, doit dès lors convertir tous les postes existants du bilan et du compte de résultats dans la nouvelle monnaie fonctionnelle sur la base du taux de change applicable à la date à laquelle le changement de la monnaie fonctionnelle a eu lieu.40
La Commission autorise que la conversion ait lieu à la date du bilan d'ouverture et au taux en vigueur à ce moment (le cours de clôture), à condition qu'à cette date les conditions soient remplies pour l'obtention de la dérogation et compte tenu du principe de l'irréversibilité des écritures41.42
Les opérations de l’exercice en cours qui ont déjà été effectuées dans la nouvelle monnaie fonctionnelle avant l’obtention de la dérogation, ne doivent pas être converties ; elles sont enregistrées à leur valeur originaire. En revanche, les opérations qui sont effectuées en euros au cours de l’exercice doivent être converties suivant les règles applicables aux opérations en devises.43
Toute dérogation autorisant la tenue d'une comptabilité et l'établissement de comptes annuels dans une monnaie autre que l'euro, ne sera valable que pour trois exercices successifs.
Par exception, si la demande concerne le premier exercice de la succursale, la dérogation ne sera valable que pour ce seul exercice.
Lorsqu’elle bénéficie d’une dérogation, la succursale doit la mentionner parmi les règles d’évaluation dans l’annexe à ses comptes annuels internes.44
De l’avis de la Commission, cette mention doit également contenir une confirmation par les personnes chargées de la gestion de la succursale que les motifs justifiant la dérogation s’appliquent intégralement aux comptes annuels en question.45
La succursale qui souhaite obtenir une prolongation de la dérogation octroyée, doit soumettre sa demande avant la date de clôture de l'exercice pour lequel la prolongation est demandée.
Dans sa demande, la succursale doit fournir les données permettant de juger si les conditions qui se trouvent à la base de la dérogation accordée sont encore satisfaites. Comme pour toute demande de dérogation, la succursale doit y joindre la copie de ses comptes annuels internes du dernier exercice clôturé.
A cet égard, la Commission souligne l’importance de la mention de la dérogation obtenue dans l’annexe à ses comptes annuels internes (voir supra, point 25). Si une telle mention fait défaut, la Commission conseillera au ministre compétent ou à son délégué de rendre un avis défavorable quant à la prolongation de la dérogation.
Si pendant la période couverte par la dérogation, les personnes chargées de la gestion de la succursale entendent modifier à nouveau la monnaie fonctionnelle, elles doivent introduire une nouvelle demande de dérogation. Cette condition ne s'applique toutefois pas si la nouvelle monnaie fonctionnelle est l'euro.46
Les sociétés de droit étranger ayant une succursale en Belgique qui qualifie également d’établissement belge au sens de l’article 229 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 92) sont assujetties à l’impôt des non-résidents notamment sur les bénéfices produits à l'intervention de leur établissement belge (ci-après : INR-Soc.).47
En principe, le montant net du bénéfice imposable à l’INR-Soc. est déterminé suivant les règles applicables en matière d’impôt des sociétés.48 Le bénéfice imposable de l’établissement belge est donc normalement déterminé au départ de la comptabilité et des comptes annuels internes de la succursale belge.49
Si cette dernière bénéficie d’une dérogation quant à la monnaie fonctionnelle pour la tenue de sa comptabilité et l’établissement de ses comptes annuels, elle doit, pour les besoins de sa déclaration fiscale à l’INR-Soc., convertir sa base imposable annuelle en euros.50
Selon le Service des Décisions Anticipées en matières fiscales (ci-après : SDA) :
« [l’établissement de la déclaration fiscale en euros ne peut toutefois entraîner] des différences de change qui ne trouvent pas leur origine dans les comptes annuels ou la comptabilité de la [succursale].
[…] Par conséquent, le SDA marque son accord sur le fait que la base imposable annuelle soit établie dans toutes ses composantes comme visé à l'article 183 [du] CIR 92, par la conversion de l'unité monétaire étrangère en EUR, de chaque ligne de la déclaration fiscale au même cours de change, c'est-à-dire au cours de clôture de la fin de l'année comptable ou le cours de change moyen annuel de référence. »51.
Comme vu supra, points 4 et 5, la succursale doit établir ses comptes annuels internes conformément aux schémas légaux belges. A l’instar des sociétés de droit belge, le contenu et la forme de leurs comptes annuels sont déterminés « sur la base des critères relatifs au personnel occupé, au chiffre d’affaires annuel et au total du bilan prévus pour les entreprises soumises au Code des sociétés »52.
De l’avis de la Commission, les critères de taille en matière de travailleurs occupés, de chiffre d’affaires annuel et de total du bilan sont appréciés dans le chef de la société de droit étranger dans son ensemble et non sur la seule base individuelle de la succursale belge.53
Pour rappel, la succursale ne doit pas déposer ses comptes annuels internes auprès de la Centrale des bilans.54
Les personnes préposées à la gestion de la succursale doivent arrêter les règles d’évaluation relatives aux comptes annuels internes de la succursale puisqu’elles « sont soumises à la même responsabilité envers les tiers que si elles géraient une société [de droit] belge »55.
L’organe de gestion de la société de droit étranger devra également, en principe, approuver ces règles d’évaluation car elles différeront en règle générale de celles appliquées dans les comptes annuels de la société de droit étranger dans lesquels les comptes internes de la succursale sont incorporés.
Les actifs et les passifs qu’une société de droit étranger affecte à sa succursale belge ne font pas l’objet d’une convention au sens juridique du terme en l’absence d’une personnalité juridique propre à la succursale belge, distincte de celle de la maison mère.
Le droit comptable belge ne définit ni ne prévoit aucun critère d’affectation des actifs et des passifs. En l’absence de dispositions légales ou réglementaires en la matière, il revient à l’organe de gestion de la société de droit étranger de déterminer quels sont les actifs et les passifs qu’il affecte à la succursale belge.
De l’avis de la Commission, l’organe de gestion peut, à cet égard, s’inspirer de l’approche autorisée de l’OCDE dont l’élément central est la localisation des fonctions humaines significatives et l’attribution des risques inhérents à ces fonctions56.
La Commission souligne à cet égard l’importance de la comptabilité dans l’approche autorisée de l’OCDE.57
Elle rappelle également que les principes comptables suivant lesquels toute écriture s’appuie sur une pièce justificative58 et toute pièce justificative doit correspondre à la réalité59, s’appliquent aux écritures relatives aux opérations internes entre la maison mère et sa succursale.60
Par conséquent, si la société de droit étranger (la maison mère) affecte des dettes à sa succursale belge, cette dernière doit les comptabiliser dans ses comptes sur base d’une pièce justificative qui doit permettre d'identifier la personne ou le service dont elle émane.61 De l’avis de la Commission, une telle pièce justificative doit émaner du niveau approprié de pouvoirs au sein de la maison mère et non des seules personnes chargées de la gestion de la succursale. La Commission rappelle également à cet égard que l’inventaire réalisé par l’organe de gestion constitue une telle pièce justificative.
Les actifs affectés sont portés au bilan de la succursale à leur « valeur d’apport », c’est-à-dire à « la valeur attribuée à ces biens lors […] de leur affectation »62.
Cette valeur d’apport ne peut toutefois excéder « la valeur de marché à l’achat des biens en cause, au moment où […] l’affectation a eu lieu ».63 Cette limitation vise à « éviter une surestimation de cette valeur ».64,65
Dès lors que l’affectation d’un actif par la maison mère à sa succursale qualifie comptablement d’apport, se pose la question si une immobilisation incorporelle, qui est affectée à une succursale belge, qualifie ou non d’immobilisation incorporelle acquise d’un tiers.
De l’avis de la Commission, la réponse est négative car bien que comptablement la maison mère et la succursale constituent des entités distinctes, elles forment ensemble une même personne juridique.66 L’affectation d’une immobilisation incorporelle par la maison mère à sa succursale belge conserve ainsi sa nature comptable originaire. Si elle avait été acquise d’un tiers par la maison mère, elle est considérée comme telle dans le chef de la succursale suite à son affectation.
Par conséquent, l’affectation par la maison mère d’une immobilisation incorporelle qu’elle a produite en interne, donne lieu à une application cumulative des articles 39, al. 2, et 60, al. 1er, de l’AR C.Soc.67
L’immobilisation incorporelle affectée est donc comptabilisée dans le chef de la succursale belge à sa valeur d’apport, c’est-à-dire à la valeur attribuée à cette immobilisation lors de son affectation.68 Etant entendu que cette valeur correspond au coût de revient de l’immobilisation sans pouvoir dépasser une estimation prudemment établie de la valeur d’utilisation de cette immobilisation ou de son rendement futur pour la succursale69 ni excéder la valeur de marché à l’achat de cette immobilisation au moment où l’affectation a lieu70.
La Commission souligne à cet égard qu’une telle affectation ne peut en aucun cas entraîner la comptabilisation d’un goodwill qui aurait été développé en interne par la maison mère.
Par ailleurs, la thèse inverse impliquerait, de l’avis de la Commission, une discrimination injustifiée entre les sociétés de droit belge, qui seraient soumises à la limitation de l’article 60, al. 1er, de l’AR C.Soc., et les succursales belges de sociétés de droit étranger qui échapperaient à cette limitation dans la mesure où l’immobilisation serait développée à l’étranger et ensuite affectée à leur succursale belge.
Traditionnellement, la relation entre la maison mère et sa succursale faisait l’objet d’un compte dit « de liaison » qui présente une fonction différente dans le chef de la maison mère et dans celui de sa succursale. Au niveau de la maison mère, le compte de liaison a le caractère d’un compte d’attente alors qu’au niveau de la succursale, il fonctionne comme un compte courant.71
Depuis l’arrêté royal du 18 décembre 2015 transposant la directive 2013/34/UE72, l’intitulé « Compte de liaison » remplace l’intitulé de la rubrique « Capital souscrit » au niveau des comptes annuels internes des succursales belges de sociétés de droit étranger et ce, « pour éviter toute confusion au sujet du contenu de cette rubrique » .73,74
Cet arrêté royal a également modifié la définition de cette rubrique. Elle reprend désormais le « compte de liaison avec le patrimoine [de la maison mère] […], comportant les moyens propres affectés durablement par [la société de droit étranger] à l’activité de ses succursales […] en Belgique ».75
La Commission propose dès lors de remplacer l’appellation traditionnelle de « compte de liaison » par « compte de relation ».
La Commission analyse ci-dessous le traitement comptable des relations existantes entre la maison mère et sa succursale.
Ce traitement comptable reprend pour l’essentiel les principes développés par la Commission dans son avis 2013/13 relatif à l'emploi du compte de liaison76 (que le présent avis remplace), moyennant certaines actualisations et précisions complémentaires.
Le compte de relation présente une fonction différente dans le chef de la maison mère et dans celui de sa succursale.
Dans le chef d’une maison mère belge, le compte de relation présente généralement le caractère d'un compte d'attente.77 Dans sa comptabilité, la maison mère procédera périodiquement à l’inscription des opérations de sa succursale. Ceci implique qu'en principe elle inclura toutes les opérations de la succursale dans sa propre comptabilité et qu'ensuite toutes les opérations entre la maison mère et ses succursales seront éliminées. Après l’inscription périodique au sens susvisé, les comptes annuels de la maison mère ne présenteront plus de compte d'attente.
Dans le cas d'une succursale belge, toutes les opérations enregistrées entre la succursale et sa maison mère étrangère, seront traduites dans les comptes annuels internes de la succursale. En effet, la comptabilité de la succursale ne subira aucune correction du chef des opérations effectuées entre la succursale et sa maison mère étrangère. Dans les comptes de la succursale, le compte de relation fonctionne généralement comme un compte courant et traduit les ressources mises à la disposition de la succursale par la maison mère, soit au titre de financement durable de son infrastructure, soit pour ses besoins courants de trésorerie. Dans la comptabilité de la succursale, le compte de relation peut présenter un solde tant débiteur que créditeur.
Lorsque le compte courant présente un solde créditeur à la date d’inventaire, ce solde est inscrit dans les comptes annuels internes de la succursale, aux comptes 489 Dettes internes envers la maison mère78, 179 Dettes internes envers la maison mère79 et/ou 100 Compte de liaison.
Le compte 100 Compte de liaison enregistre « les moyens propres affectés durablement » par la maison mère à sa succursale80 (voir infra, point 47) et le solde est enregistré aux comptes 489 et 179.
Lorsque le compte courant présente un solde débiteur, notamment lorsque la succursale détient une créance sur sa maison mère, ce solde débiteur constitue un élément d’actif de la succursale.
De l’avis de la Commission, si la créance a pour but de soutenir durablement l’activité de la maison mère, elle est inscrite au compte 2810 Créances internes sur la maison mère.81
Dans le cas contraire, les comptes 416 Créances internes sur la maison mère82 et 2910 Créances internes sur la maison mère83 sont utilisés.
Si à la date d’inventaire il s’avère qu’une position débitrice ainsi qu’une position créditrice entre la succursale et la maison mère sont reprises dans la comptabilité, il y a lieu de les compenser à concurrence du plus petit montant. Par conséquent, à l’issue de cette compensation, une seule position de créance ou de dette existe à concurrence du solde.
Comme vu supra, point 38, depuis l’arrêté royal du 18 décembre 2015 transposant la directive 2013/34/UE, l’intitulé « Compte de liaison » remplace l’intitulé de la rubrique « Capital souscrit » au niveau des comptes annuels internes des succursales belges de sociétés de droit étranger.84
Contrairement à l’ancienne définition de cette rubrique propre aux succursales belges de sociétés de droit étranger85, la nouvelle définition, introduite par l’arrêté royal précité du 18 décembre 2015, ne fait plus, à juste titre, présumer que les fonds propres de la succursale belge comporteraient des résultats réservés ou reportés. Cette rubrique reprend en effet désormais le « compte de liaison avec le patrimoine [de la maison mère] […], comportant les moyens propres affectés durablement par [la société de droit étranger] à l’activité de ses succursales […] en Belgique ».86
Toutefois, la Commission constate qu’en pratique, les succursales ont recours au compte 132 Réserves immunisées et à la rubrique IV.C. Réserves immunisées en vue de satisfaire à la condition d’intangibilité prévue à l’article 190 du CIR 92.
Lors de l’établissement des comptes annuels internes de la succursale, il appartient à l’organe de gestion de la société de droit étranger et aux personnes chargées de la gestion de la succursale belge de déterminer le montant des moyens propres affectés par la société de droit étranger qui sont mis durablement à la disposition de la succursale. Ce montant sera repris sous le compte 100 Compte de liaison.
L’organe de gestion pourrait à cet égard s’inspirer des notions de « capital libre » (free capital), développée par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (ci-après : OCDE)87, et de « dotation en capital mise à disposition de l’établissement par la société étrangère », prévue à l’article 229, § 4, al. 1er, 3e tiret, du CIR 92.
Dans la mesure où la succursale a un besoin de financement supérieur au montant inscrit au compte de liaison, la position créditrice de la succursale qui en résulte donne lieu :
Si la maison mère étrangère prélève un actif qu’elle avait précédemment affecté à sa succursale belge, cette dernière doit comptabiliser le prélèvement par le crédit du compte correspondant à l’actif et par le débit, le cas échéant, du compte de relation ou du compte 100 Compte de liaison.
La succursale réalise son résultat au nom et pour compte de la société de droit étranger.
L’affectation de ce résultat au niveau de la succursale est donc limitée dans la mesure où cette affectation ne peut être effectuée que pour le compte de la maison mère.
Sous l'angle comptable, si la succursale réalise un bénéfice, la Commission recommande l’utilisation des comptes 697 Bénéfice à reporter, créé à cet effet, et 489 Dette interne envers la maison mère ; si la succursale réalise une perte, la Commission recommande l’utilisation des comptes 797 Perte à reporter, créé à cet effet, et 2810 Créance interne sur la maison mère.
De l’avis de la Commission, l’utilisation des comptes 489 et 2810 doit être préféré à l’utilisation du compte 14 Bénéfice (perte) reporté(e) afin d’éviter que des résultats réservés ou reportés soient incorrectement comptabilisés dans les fonds propres de la succursale.
L’emploi du compte 14 Bénéfice (perte) reporté(e) permet toutefois de suivre le résultat réalisé par la succursale. En cas de bénéfice reporté, il représente une dette interne envers la maison mère alors qu’en cas de perte reportée, il représente une créance interne sur la maison mère.
Exemple
Une société de droit étranger établit une succursale en Belgique. Lors de l’établissement de cette succursale, un montant de 1.000 euros est versé sur un compte courant belge. Ce montant est mis durablement à la disposition de la succursale belge.
Écritures dans le chef de la succursale belge
Elle a presté des services au profit de la maison mère pour un montant de 30 euros imputé en interne à la maison mère. Par ailleurs, la succursale a acheté à la maison mère des biens pour un montant de 500 euros. La succursale a vendu ces biens à un tiers pour un montant de 600 euros. Dans un souci de simplicité, on suppose dans le présent exemple que la succursale n'a pas effectué d'autres opérations. Les effets au niveau de la TVA ne sont pas non plus pris en considération.
Écritures en cours d'exercice dans le chef de la succursale belge
Opérations d’inventaire dans le chef de la succursale belge
Compensation entre les positions débitrices et créditrices entre la succursale et la maison mère à concurrence du plus petit montant
Affectation du résultat de la succursale belge
Ni l’organe de gestion de la société de droit étranger ni les personnes chargées de la gestion de la succursale belge ne doivent établir un rapport de gestion propre aux activités de la succursale belge.
Bien que l’article III.90, § 2, du CDE renvoie au C.Soc. en ce qui concerne « la forme, le contenu, le contrôle et le dépôt des comptes annuels et du rapport de gestion », aucune disposition du C.Soc. ne rend applicable aux succursales belges de sociétés de droit étranger l’obligation d’établir un rapport de gestion.88
En revanche, comme vu supra, points 4 et 5, l’article 92, § 2, du C.Soc. rend applicable aux succursales belges l’obligation d’inventaire suivant les critères d’évaluation fixés par l’AR C.Soc. et celle d’établir des comptes annuels dont la forme et le contenu sont déterminés par l’AR C.Soc.89
La société de droit étranger ne doit pas nommer un commissaire pour assurer le seul contrôle des comptes de sa succursale belge, même si cette dernière dépasse les critères de taille pour être qualifiée de « petite société » au sens de l’article 15 du C.Soc. En effet, aucune disposition du C.Soc. ne rend applicable aux succursales belges l’obligation de nommer un commissaire.90
La Commission souligne qu’il appartient à la société de droit étranger d’être en règle avec sa législation nationale en matière de contrôle de ses propres comptes, qui comprennent nécessairement ceux de sa succursale belge.
Par ailleurs, lorsque la succursale se trouve nantie d’un conseil d’entreprise91, il lui incombe de désigner un réviseur d’entreprises pour assumer la mission de contrôle de ses comptes annuels internes (et de son bilan social, voir infra, point 56).92
La société de droit étranger ayant une succursale belge doit établir un bilan social conformément aux dispositions légales et réglementaires belges.93 Ce bilan social se rapporte exclusivement à l’emploi dans l’ensemble des succursales belges considéré comme une seule entreprise.94 La forme abrégée ou complète du bilan social dépendra de la taille de la succursale, calculée sur base individuelle.95
La société de droit étranger doit déposer le bilan social relatif à sa succursale belge auprès de la Centrale des bilans ensemble avec et selon les mêmes modalités que ses comptes annuels statutaires et/ou consolidés96.97
Lorsque la succursale belge se trouve nantie d’un conseil d’entreprise (voir supra, point 54), la société de droit étranger doit désigner un réviseur d’entreprises pour assumer notamment la mission de contrôle du bilan social de sa succursale belge.98
A cet égard, la succursale belge doit transmettre ses comptes annuels propres ainsi que les autres informations économiques et financières requises au Conseil d’entreprise.99
Dans la mesure où la société de droit étranger ayant une succursale belge doit déposer auprès de la Centrale des bilans ses comptes annuels statutaires et/ou consolidés en Belgique100, elle doit également y déposer un document indiquant :
A cet égard, la Commission renvoie à son avis 110-2102 dans lequel elle a estimé que :
« Rien ne permet de penser que lorsque le Parlement a, d’initiative, introduit [l’actuel article 100, § 1er, 5°, du C.Soc.], il ait entendu n'imposer les mentions que celui-ci prescrit, qu'aux seules sociétés de droit belge. Tout plaide au contraire, en droit et en fait, pour que les sociétés [de droit étranger] ayant [une succursale] en Belgique, et qui à ce titre peuvent bénéficier de la garantie des pouvoirs publics (littera a)), peuvent avoir des dettes visées au littera b), et peuvent se voir accorder des subsides en capital ou en intérêts visés au littera c), publient ces renseignements au même titre que les sociétés de droit belge. L'application de cette disposition n'est pas susceptible de soulever de difficultés sous l'angle du bilan étranger du fait que, s'agissant d'un document à déposer en même temps que les comptes annuels, il est distinct de ceux-ci ».
La société de droit étranger doit conserver en Belgique les livres, comptes et pièces justificatives relatifs à ses succursales belges.104 Si ces documents ne sont pas physiquement en Belgique, ils doivent y être directement accessibles et conservés soit en original, soit en copie, conformément aux articles III.86, al. 4, III.87, § 2, al. 2, et III.88, al. 2, du CDE et à l’article 8 de l’arrêté royal portant exécution des articles III.82 à III.95 du CDE.
En revanche, le droit comptable belge ne lui impose pas d’effectuer en Belgique les opérations matérielles d'enregistrement et de traitement des données relatives à ses succursales.105
Rien ne s’oppose dès lors à ce que la société de droit étranger centralise sur une unité d'ordinateur située à l’étranger la comptabilité de la maison mère, de sa succursale belge et de ses autres succursales réparties dans différents Etats, à condition que les livres, comptes et pièces justificatives de la succursale belge soient directement accessibles en Belgique et qu'ils y soient conservés soit en original, soit en copie, conformément aux dispositions légales et réglementaires rappelées ci-avant.
L’article III.86, al. 4, du CDE prévoit que les pièces justificatives doivent être conservées durant sept ans. La Commission est d’avis que ce délai s’applique aux pièces justificatives relatives aux opérations internes entre la maison mère et la succursale belge.
La Commission souligne toutefois que les délais légaux de conservation sont des délais minimaux. Il revient ainsi à l’organe de gestion de la société de droit étranger et aux personnes chargées de la gestion de la succursale belge de développer une politique d’archivage appropriée et le cas échéant, de conserver ces pièces plus longtemps en fonction de leur importance particulière (notamment en cas de litiges).
Lorsque la société de droit étranger ferme sa succursale belge, elle doit, dans les trente jours qui suivent cet événement, rendre public cette fermeture par dépôt au greffe du tribunal de l’entreprise.106
Le C.Soc. ne prescrit aucune autre formalité à cette occasion.
La société de droit étranger ne doit dès lors pas déposer auprès de la Centrale des bilans ses comptes annuels statutaires et/ou consolidés relatifs à la période allant du début de l'exercice social au cours duquel intervient la fermeture jusqu'à la date de fermeture de la succursale.
Les mesures de publicité imposées aux sociétés de droit étranger ayant une succursale belge visent à sauvegarder les droits des tiers qui entrent en relation avec des sociétés de droit étranger par l’intermédiaire de leurs succursales.107L’obligation de dépôt annuel des comptes annuels statutaires et/ou consolidés de la société de droit étranger108 est donc liée à la présence de la succursale en Belgique et n’a plus de raison d’être après la fermeture de la succursale.
62. Lorsqu’une société de droit étranger dispose de plusieurs succursales belges, la fermeture d’une de ses succursales n’aura pas d’incidence sur l’obligation incombant à la société de déposer ses comptes annuels statutaires et/ou consolidés, aussi longtemps que cette société maintient au moins une succursale en Belgique.
63. Lorsque l’organe de gestion de la société de droit étranger a pris la décision de fermer sa succursale belge, les personnes chargées de la gestion de la succursale doivent adapter en conséquence les règles d’évaluation.109
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Le présent avis remplace les avis suivants :
Le présent avis supprime également l’avis CNC 108/6 - Entreprises étrangères de transport aérien.
Source : CNC