Le gouvernement luxembourgeois a déposé un projet de loi n°8186 daté du 28 mars 2023 qui introduit certaines modifications à la Loi Générale des Impôts (« Abgabenordnung » du 22 mai 1931). Par la même occasion, le gouvernement soumet au Parlement de nouvelles dispositions principalement en matière de documentation pour les prix transfert et d’obligations comptables.
Si le projet de loi est approuvé, les modifications apportées entreront en vigueur à dater de la publication de la loi au Journal Officiel, sauf pour certaines dispositions qui seront applicables à partir du 1er janvier 2024 ou de l’exercice fiscal 2024.
Les modifications les plus importantes sont résumées ci-après.
Actuellement, le contribuable qui souhaite contester une décision de l’administration fiscale doit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des contributions directes dans un délai de trois mois.
Le projet de loi explicite en détails les conditions qui doivent être réunies pour déposer la réclamation en alignant celles-ci sur les conditions déjà applicables pour les procédures devant le tribunal administratif.
La réclamation devra ainsi être introduite par une demande écrite et elle devra contenir le nom et l’adresse complète du requérant, l’identification claire de la décision contre laquelle la réclamation est dirigée, l’objet de la réclamation, un résumé des faits et des bases légales invoquées et éventuellement la procuration du représentant du contribuable (même si le contribuable peut agir en personne et n’est pas obligé de se faire représenter par un avocat, un comptable ou un auditeur) et la liste des documents sur lesquels le requérant a l’intention de s’appuyer.
Toute réclamation qui ne répondrait pas aux conditions ci-avant sera considérée comme irrecevable.
Actuellement, la décision du directeur de l’administration des contributions directes peut être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter de sa notification. A défaut de décision dans un délai de six mois suivant l’introduction de la réclamation, le contribuable peut déposer son recours devant un tribunal administratif à tout moment et sans limite de temps.
En vertu du nouveau projet de loi, si le directeur de l’administration des contributions directes ne rend pas sa décision dans un délai de six mois, un nouveau délai de douze mois commence à courir au cours duquel le contribuable peut déposer son recours devant le tribunal administratif. Ce délai peut encore être prolongé de six mois complémentaires si le directeur de l’administration des contributions directes ordonne des mesures préparatoires au procès.
Dans le projet de loi, à l’inverse de la situation actuelle, les contribuables disposent donc d’un délai de douze à dix-huit mois pour introduire un recours devant le tribunal administratif en l’absence de réponse du directeur de l’administration des contributions directes
Les sociétés doivent déposer leurs comptes annuels dans un délai d’un mois à dater de leur approbation, au plus tard dans un délai de sept mois après la clôture de l’année financière. Jusqu’à présent, aucune sanction n’était expressément prévue par les textes légaux en cas de retard. Le projet de loi prévoit que les autorités fiscales peuvent ignorer les comptes déposés tardivement. Dans une telle situation, les autorités fiscales peuvent procéder à une taxation d’office en établissant l’imposition en tenant compte de leurs propres calculs.
Une nouvelle procédure est prévue pour les rulings en matière de transfer pricing (les advance pricing agreements ou « APA ») lorsqu’il s’agit de rulings bilatéraux ou multilatéraux conclus dans le cadre d’une convention préventive de double imposition.
Il est notamment prévu que la demande de ruling doit être formulée par écrit auprès du directeur de l’administration fiscale luxembourgeoise, que le ruling bilatéral ou multilatéral sera conclu entre les autorités compétentes des Etats pertinents dans le cadre légal prévu par la convention préventive de double imposition et que les autorités fiscales appliqueront une commission entre 10.000 et 20.000 € en fonction de la complexité de la demande.
Par ailleurs, à partir de l’année fiscale 2024, les entreprises soumises à des règles de transfer pricing devront fournir, sur demande, la documentation requise en matière de transfer pricing aux autorités fiscales luxembourgeoises. Un règlement grand-ducal détaillera la documentation requise.
A priori, cette documentation complémentaire irait au-delà des obligations actuelles des contribuables qui doivent déjà documenter leurs transactions intra-groupes pour justifier leur caractère at arm’s length.
Le projet de loi prévoit également de renforcer l’échange d’informations entre l’administration fiscale, la CSSF (la Commission de Surveillance du Secteur Financier) et le Commissariat aux Assurances.
Cette mesure devrait s’appliquer à dater de la publication de la loi au Journal Officiel.
Le projet de loi introduit des conditions strictes pour contester une imposition fondée sur la procédure de taxation d’office. Le projet de loi propose que cette taxation d’office ne puisse plus être retirée à la demande du contribuable par l’inspecteur fiscal. En outre, le contribuable ne pourra pas la contester si la différence entre la base imposable retenue par la taxation d’office et les revenus réels n’excède pas 10 %.
Cette règle ne s’appliquerait toutefois que si le contribuable n’a pas déposé sa déclaration fiscale. Si la taxation d’office ne concerne que certains éléments de la base imposable, le contribuable aura, dès lors, le droit de déposer une demande de modification ou d’annulation de l’imposition.
Actuellement, les contribuables qui ne respectent pas le délai pour introduire une réclamation fiscale bénéficient d’une certaine clémence en démontrant qu’ils n’ont pas commis de faute en dépassant le délai.
Le projet de loi prévoit de limiter cette clémence aux cas de force majeure.
En conclusion, le projet de loi qui s’annonce comme un projet visant à. moderniser les procédures pour les contribuables vise davantage à restreindre leur protection. Une révision complète de la Loi Générale des Impôts aurait été préférable.
Source: Afschrift, Tax@Legal, mai 2023