Indépendamment de mes inclinations politiques, qui me poussent à penser qu’il est essentiel de réorienter la fiscalité sur le travail vers d’autres gisements – y compris une taxation juste des revenus via une globalisation effective des revenus des personnes physiques –, je considère que taxer les comptes d’épargne réglementés est une erreur.
Ces comptes d’épargne fonctionnent avec un taux d’intérêt de base, auquel s’ajoute une prime de fidélité. Tout financier, même vaguement informé, sait que cela a une logique : comme un compte d’épargne est aussi liquide qu’un compte à vue, le taux d’intérêt doit rémunérer, de manière incrémentale, la stabilité des dépôts, d’où la prime de fidélité. Supprimer ce mécanisme pour instaurer un taux global serait incohérent financièrement.
Actuellement, les comptes d’épargne rapportent un peu plus de 1 %, avec une fiscalité qui exonère les premiers 1 020 € d’intérêts, tandis que les montants excédant ce seuil sont soumis à un précompte mobilier de 15 %. C’est un régime préférentiel justifié par plusieurs facteurs, notamment le rôle de stimulation de l’épargne populaire.
Si, comme je l’ai lu, le précompte mobilier devait passer à 30 %, avec une exonération portée à environ 2 000 €, cela signifierait que des dépôts inférieurs ou égaux à 200 000 € (ce qui, je le reconnais, est élevé) ne subiraient pas de taxation. Mais au-delà de ce seuil, les intérêts seraient taxés à 30 %. Cela encouragerait les particuliers fortunés à répartir leur épargne sur plusieurs banques pour éviter la limite des 200 000 €. Résultat : l’État ne gagnerait rien.
En parallèle, il est important de rappeler qu’un précompte sur les intérêts des comptes d’épargne revient indirectement à taxer une épargne déjà mise à mal par l’inflation. Actuellement, le taux d’intérêt des comptes d’épargne est inférieur à l’inflation, ce qui signifie que ces dépôts perdent déjà de leur valeur réelle. Si, en plus, on y ajoute une taxation à 30 %, cela pénalise surtout les personnes qui n’osent pas ou ne peuvent pas prendre de risques supplémentaires avec leur épargne (en investissant en bourse, par exemple). Ce sont donc les épargnants prudents, et non les riches qui seraient les plus touchés.
Mais alors, que faire pour être juste ?
Il serait plus équilibré de taxer à 15 % le taux d’intérêt de base tout en laissant la prime de fidélité exonérée d’impôts. Cette prime, en effet, récompense la stabilité de l’épargne et permet de compenser partiellement l’érosion due à l’inflation, dont l’impact est d’autant plus important que l’épargne reste en compte longtemps (d’où la prime de fidélité). Cette mesure préserverait ainsi l’intérêt des comptes d’épargne tout en favorisant un cadre fiscal à la fois cohérent et équitable. Je sais que ce raisonnement est iconoclaste….