Maintenant que 2021 est derrière nous, nous souhaitons attirer votre attention sur toute une série de modifications en matière de TVA qui auront certainement un impact cette année. Dans la lettre d’information TVA publiée cet été, nous avions déjà signalé l'activité intensive du législateur. Depuis lors, des changements importants ont été adoptés sur un certain nombre de points et l'Administration de la TVA a déjà fourni davantage d'explications pour la pratique. Nous énumérons ci-dessous les éléments les plus importants.
Comme déjà annoncé, les nouvelles dispositions en matière de TVA pour les services médicaux sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022. Elles prévoient notamment : (i) un élargissement du champ d'application quant au personnel couvert par l’exonération, de sorte qu’elle ne soit plus limitée aux praticiens réglementés des professions (para)médicales et (ii) une limitation du champ d'application matériel aux prestations médicales poursuivant un but thérapeutique.
L’Administration de la TVA a désormais publié une circulaire détaillée portant sur l'application de ces nouvelles règles, plus particulièrement sur l'interprétation de l'exonération de la TVA pour les praticiens non réglementés et l'exigence de but thérapeutique.
Quant au champ d’application matériel de l’exonération, il est stipulé que l'inscription d'un traitement dans la nomenclature INAMI ou la réalisation d'un traitement sur prescription médicale est une présomption (réfutable) de finalité thérapeutique. Cette présomption permettra, à notre sens, de résoudre de nombreux problèmes pratiques et continue l’application de l’exemption de la TVA pour beaucoup de prestations médicales.
Il nous paraît ici regrettable que la circulaire ne se prononce que sur l'exonération de TVA pour les services médicaux et n'établisse pas de lien avec d'autres exonérations existantes. A titre d’illustration, lorsque les services de médecine de contrôle sont explicitement exclus de l'application de l'exonération de TVA pour les services médicaux, la question se pose de savoir si ces activités ne peuvent pas être qualifiées de services étroitement liés à la sécurité sociale (article 44, § 2, 2° du Code de la TVA). Il en va de même pour l'exploitation d'un établissement de restauration dans un hôpital, explicitement exclu de l’exonération dans la circulaire, alors qu'une tolérance administrative s'applique à cette exploitation selon une décision administrative distincte (non limitée aux hôpitaux : voir la décision n° E.T.130.298 du 12 septembre 2016).
En termes de formalités, la circulaire confirme les concessions déjà communiquées via le site web du SPF Finances notamment concernant les opérations de fin d'année, le moment de l'enregistrement à la TVA et la soumission des déclarations TVA. Il est également important de noter qu'en cas de régularisation négative de la TVA (en faveur de l’Etat), la circulaire permet de calculer l’ajustement sur une base annuelle et ne pas avoir à faire la révision en une seule fois. La circulaire précise en outre qu'en cas de régularisation positive de la TVA (en faveur de l’assujetti), une obligation d'inventaire pèse sur l’assujetti et tout solde positif n'est pas remboursé mais doit être imputé sur de la TVA due à l’Etat. Cette mesure (imputation et non remboursement) vise à limiter l'impact financier au détriment de l'État, comme c'est le cas, par exemple, dans le cadre de la location de biens immobiliers soumise à TVA. Enfin, une concession est prévue concernant l'exigibilité de la TVA lorsque les frais sont perçus par un tiers autorisé (au moment de l'émission de la facture finale).
Dans une précédente lettre d’information, nous avons déjà expliqué le changement important dans le régime TVA pour les appart-hôtels. Alors que l'intention initiale du législateur était d'exonérer de la TVA la location de logements étudiants dans toutes les circonstances, il a maintenant choisi de limiter l’exonération à la location de logements meublés pour une période qui n’excède pas 3 mois. En outre, à la différence d'un hôtel ou d'un motel, la location d'un logement meublé n'est soumise à la TVA que si elle est accompagnée d'un service minimum défini par la loi. Le régime TVA pour les appart-hôtels, qui se caractérisent généralement par une location de plus de 3 mois, est par ailleurs en cours de modification (qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2022).
En même temps, le Gouvernement souhaite s'attaquer à la distorsion de concurrence dans la location privée de logements meublés principalement par des personnes physiques, qui peuvent ou non utiliser une plateforme électronique à cette fin (comme Airbnb). À partir du 1er janvier, ces activités seront exclues du régime de la franchise de TVA pour petites entreprises, de sorte que la location de logements meublés avec service(s) supplémentaire(s) sera en principe soumise à TVA, quel que soit le chiffre d'affaires réalisé. Il est également possible de recourir au régime pour l’économie collaborative et de bénéficier de l’exonération de TVA pour les personnes physiques dont le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 6.390 EUR. Toutefois, pour pouvoir appliquer le régime pour l’économie collaborative, les services doivent être proposés via une plateforme qui a l’agrément d’économie collaborative. Étant donné qu'apparemment, aucune plateforme de location de logements meublés n'est actuellement reconnue en ce sens en Belgique, la condition de plateforme agrémentée ne sera pas imposée durant les six premiers mois de 2022. Pour les prestataires de logements meublés via une plateforme, il est donc important de contrôler si ces plateformes seront reconnues au cours du premier semestre 2022 afin de toujours louer en exonération de TVA dans le cadre du régime pour l’économie collaborative.
Comme déjà annoncé, les assujettis mixtes qui optent pour la déduction de la TVA sur la base de l’affectation réelle devront en principe à l'avenir faire ce choix par voie électronique (via MyMinfin). Une demande écrite accompagnée d'une approbation du contrôle TVA ne sera plus nécessaire.
L'exposé des motifs de la loi introduisant cette modification souligne que la notification électronique doit être effectuée anticipativement, c'est-à-dire avant l’introduction de la première déclaration TVA dans laquelle la règle de l’affectation réelle est appliquée. Dans la situation actuelle, la demande peut, selon la jurisprudence, encore être présentée a posteriori. Il reste à voir si les nouvelles règles à cet égard représenteront un durcissement.
Nous attendons toujours l'arrêté royal qui précisera les modalités de cette notification. Compte tenu des adaptations informatiques nécessaires, en principe, ces nouvelles règles n'entreront en vigueur qu'à partir du 1er janvier 2023. Les contribuables qui appliquent déjà la règle de l’affectation réelle avant cette date seront également tenus d'effectuer la notification électronique avant le 30 juin 2023.
Le législateur a également prévu une adaptation des règles relatives aux demandes de remboursement introduites par des entreprises non établies dans l’UE (conformément à la procédure prévue par la treizième Directive TVA). Une base juridique est prévue pour la soumission de la demande de remboursement par voie électronique. Plus imporant, elle va à l'encontre de la jurisprudence récente de la Cour de cassation selon laquelle les entreprises non établies dans l’UE peuvent encore soumettre leurs demandes de remboursement dans le cadre des règles actuelles avant le 31 décembre de la troisième année suivant l'année au cours de laquelle la cause du remboursement est apparue. Le même délai pour la présentation d'une demande de remboursement par les entreprises établies dans l’UE sera désormais explicitement prévu, à savoir le 30 septembre de l'année suivante.
Aucune date d'entrée en vigueur particulière ne sera prévue pour les modifications des règles relatives au remboursement de la TVA. Ces règles seront donc applicables à partir du dixième jour suivant leur publication au Moniteur belge. Dès lors, les nouvelles règles s'appliqueront en principe aux demandes de remboursement introduites à partir de l'année 2022.
Enfin, eu égard aux règles en matière de remboursement de TVA, précisons encore que les dispositions légales relatives aux règles de retenue de la TVA et à la délégation de pouvoirs ont aussi été précisées, notamment pour établir plus clairement le lien avec les règles du Code judiciaire en matière de saisie.
Pour les prothèses capillaires (perruques), le taux réduit de 6% s'applique à partir du 1er janvier 2022 sur ces prestations à condition qu'elles soient prescrites par un médecin traitant pour soulager une maladie ou une affection chronique ou de longue durée.
Concernant l'application du taux réduit de 6% pour la rénovation de résidences privées, de travaux relatifs à des résidences privées pour personnes handicapées et de travaux relatifs à des complexes résidentiels pour personnes handicapées, l'obligation de délivrer une attestation TVA de 6% signée par le client est remplacée par l’insertion obligatoire d’une déclaration détaillée sur la facture indiquant les éléments justifiant l’application du taux réduit. Il y a toujours une période transitoire à cet égard jusqu'au 30 juin 2022.
Il a également été décidé de prolonger l'application du taux de 6% pour la fourniture de masques buccaux et de gels hydroalcooliques jusqu'au 31 mars 2022.
Enfin, au sujet des taux réduits, référence peut aussi être faite aux évolutions au niveau de l’UE. Sur la base d'une proposition récemment adoptée, une flexibilité encore plus grande est accordée aux États membres pour appliquer des taux réduits. Comme indiqué dans la presse, cette proposition européenne devrait permettre de prolonger la réduction de la TVA pour les projets de démolition et de reconstruction, voire d’en faire une réduction permanente.
5. Autres changements
Comme déjà mentionné, à partir du 1er janvier 2022, l'exonération de TVA pour les associations de partage des frais est limitée aux membres de l'association qui accomplissent des actes exonérés sur la base de l'article 44, § 1 et 2 du Code de la TVA, les exonérations dites d'intérêt public. Par conséquent, l'exonération pour les associations de partage des frais ne s'applique plus aux membres qui effectuent des opérations exonérées sur la base de l'article 44, § 3 du Code de la TVA. Ce dernier point concerne notamment les transactions exonérées concernant les biens immobiliers (ventes, locations) et les services financiers (institutions financières, assureurs, etc.).
A partir du 1er janvier 2022, le régime de taxation forfaitaire pour la perception de la TVA est supprimé pour les contribuables qui commencent leurs activités après cette date. Pour les contribuables qui ont déjà recours à ce régime, il cessera définitivement de s'appliquer le 1er janvier 2028. Le régime forfaitaire pour les agriculteurs reste quant à lui en place mais est adapté, notamment au sujet d’une concession pour les activités secondaires (définies comme telles par le Roi) et pour autant que le chiffre d'affaires généré par ces activités secondaires ne dépasse pas 30% du chiffre d'affaires total.
Une modification législative spécifique a été adoptée afin de prolonger l'exonération de la TVA pour l'importation et la livraison de biens et de services destinés aux forces armées agissant dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune de l'UE. Des adaptations techniques sont également apportées concernant le transfert de biens destinés aux forces armées en provenance d'autres États membres de l'UE. Enfin, une exonération est prévue pour l'importation et la fourniture de biens et services à la Commission européenne ou à une agence ou un organisme reconnu dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19.
L’Administration de la TVA a également publié une circulaire détaillée sur la TVA et les bornes de recharge pour voitures électriques juste avant la fin de l’année 2021. Cette circulaire clarifie, entre autres, la qualification de travaux immobiliers en ce qui concerne la détermination du lieu d'imposition à la TVA et l'application éventuelle du mécanisme d'autoliquidation ; l'application éventuelle du taux réduit de 6% pour l'installation d'une borne de recharge dans un domicile privé ; l'exercice de la déduction de la TVA, plus spécifiquement dans le cas d'une installation au domicile d'un employé (déduction de la TVA au prorata de l'usage professionnel).
La circulaire dont question ci-avant clarifie également, sur la base des lignes directrices du comité de la TVA (au niveau de l’UE), le traitement TVA de la fourniture d'électricité par les opérateurs de points de charge (« CPO ») via des fournisseurs de mobilité (« eMP »). L'Administration de la TVA confirme que tant dans la relation CPO - eMP que dans la relation eMP - consommateur, il y a une prestation de fourniture d'électricité. Des clarifications particulières sont données sur le traitement TVA quant à l'intervention d'eMP dans la fourniture d'électricité à un employé.
Enfin, outre les modifications déjà mentionnées dans cette lettre d’information, divers amendements juridiques prévoient un certain nombre d'adaptations techniques que nous énumérons rapidement ci-après :
Le législateur et l'Administration de la TVA ont été très actifs au cours de l'année 2021, en témoignent les nombreux changements juridiques et les clarifications administratives.
Ce que 2022 pourrait apporter est encore sujet à spéculation, mais nous anticipons l’adoption d'autres changements en matière de TVA. Nous pensons, entre autres, à l'éventuelle prolongation du régime temporaire du taux de 6% en matière de démolition/reconstruction, aux éventuelles initiatives en matière de facturation électronique et/ou d'applications automatiques numériques pour assurer le respect de la législation TVA, etc.
Notez que la présente lettre se limite (principalement) au contexte législatif belge. Il y a également quelques évolutions au niveau européen, comme l'accord susmentionné visant à adapter les règles relatives aux taux réduits de TVA. Là aussi, des évolutions et nouvelles initiatives sont attendues.
L'équipe TVA de Tiberghien continuera à suivre de près tous ces développements et à vous en faire part. A cet égard, n’hésitez pas à nous contacter si vous avez la moindre question au sujet d’un des thèmes abordés dans cette lettre ou toute autre question fiscale.
Finalement, nous voudrions en profiter pour vous souhaiter à tous une bonne et heureuse année !