Le transfert du siège d’une société belge à l’étranger est organisé par une procédure spéciale prévue par le Code (belge) des Sociétés et des Associations, au terme de laquelle la société déplace son siège à l’étranger en préservant la continuité de sa personnalité juridique et, dès lors également, en continuité comptable.
Du point de vue fiscal, les conséquences de ce transfert de siège sont réglées, dans le chef de la société qui émigre, en discontinuité : le Code des Impôts sur les Revenus assimile le transfert de siège à l’étranger à une liquidation de la société. L’article 210, §1, 4° CIR prévoit que les dispositions des articles 208 et 209 CIR qui règlent le régime de la liquidation « sont également applicables (…) en cas de transfert à l’étranger du principal établissement ou du siège de direction ou d'administration ».
En raison de cette fiction légale, les avoirs mondiaux de la société qui émigre sont taxés à l’Impôt des sociétés belge au taux de 25%, en compris les plus-values latentes de la société, comme si la société était liquidée.
Doit-on considérer que le transfert de siège donne lieu à un dividende imposable (boni de liquidation fictif), auquel cas, la société qui émigre serait redevable du précompte mobilier ?
Telle est la position de l’administration centrale qui s’appuie sur le texte de l’article 18, al. 1, 2°ter CIR aux termes duquel les dividendes comprennent « les sommes définies comme dividendes par les articles 186, 187 et 209 en cas de partage total ou partiel de l'avoir social d'une société résidente ou étrangère ou d'acquisition d'actions ou parts propres par une telle société ».
La doctrine majoritaire, tout comme le Service des Décisions Anticipées (!), ne partagent pas ce point de vue considérant, à juste titre, qu’il ne peut être question de liquidation d’une société dès lors que le transfert de siège s’effectue avec maintien de la personnalité morale de la société.
La question a été récemment tranchée par le Tribunal de 1ère instance du Brabant Wallon dans une espèce qui se rapportait à une société belge ayant transféré son siège social vers la France (jugement du 3 février 2023, RG n°21/96/A).
Le tribunal confirme que le transfert de siège ne donne pas lieu à un dividende imposable dans le chef des actionnaires – personnes physiques.
Le tribunal décide que la notion de dividendes visée à l’article 18, al.1, 2°ter CIR doit être lue littéralement en ce sens que cet article renvoie uniquement à l’article 209 CIR en cas de partage total ou partiel de l’avoir social d’une société et ne renvoie pas à la fiction de l’article 210, §1er, 4°CIR.
Le tribunal ne manque pas de souligner que le transfert de siège vers la France a été réalisé en continuité juridique de la personne morale, de sorte qu’il ne peut être question juridiquement d’une dissolution ou d’une liquidation au sens de l’article 209 CIR.
A juste titre, le tribunal relève que le texte l’article 18, al.1, 2°ter CIR est un texte clair de sorte que, conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation, il n’y a ni lieu à l’interpréter, ni à recourir aux travaux préparatoires.
Quant à la retenue d’un précompte mobilier en vertu de l’article 267 CIR, le tribunal rejoint la doctrine et décide que cette retenue n’est pas possible puisque le transfert de siège ne donne pas lieu à « attribution ou mise en paiement des revenus » au sens de cet article et que l’article 210, §1er, 4°CIR « ne peut être assimilé à une fiction fiscale d’attribution ou de mise en paiement ».
Bien que l’Etat belge ait fait appel de cette décision, ce jugement doit être approuvé en ce qu’il confirme que les dispositions de l’article 18, al.1, 2°ter CIR ont vocation à rendre seules imposables les opérations de liquidation et de rachat d’actions par lesquelles la société s’appauvrit et l’actionnaire s’enrichit. A l’inverse, un transfert de siège social ne crée aucun appauvrissement dans le chef de la société ni aucun enrichissement dans le chef des actionnaires. Cette dernière constatation devra bien évidemment toujours être confrontée au filtre des dispositions anti-abus.