Il y a tout juste un an, la directive européenne en matière de transparence des rémunérations dans les entreprises était publiée au Journal officiel de l’UE. Quel est le degré de transparence en matière de package salarial en Belgique ?
Une nouvelle étude menée par Acerta Consult, expert RH, montre que de plus en plus d’entreprises communiquent ouvertement quant aux rémunérations. Six entreprises sur dix indiquent clairement à leurs travailleurs le salaire qu’ils percevront pour une fonction donnée.
Le sujet est également de plus en plus populaire parmi les collaborateurs : six travailleurs sur dix savent ce que leurs collègues gagnent. Selon Acerta : « Le tabou autour de la rémunération est encore légèrement plus important en Flandre que dans le reste du pays, mais il semble disparaître progressivement ».
Qui gagne combien au sein de l’entreprise ?
Les collaborateurs qui réalisent le même travail perçoivent-ils le même salaire ? Dans de nombreuses entreprises, ces questions étaient encore taboues ces dernières années. Toutefois, selon une étude menée par Acerta, cette situation évolue peu à peu. Un an et demi avant l’entrée en vigueur de la nouvelle directive européenne en matière de transparence des rémunérations, le prestataire de services RH a interrogé les dirigeants d’entreprise et les travailleurs sur le niveau de transparence des rémunérations dans les entreprises belges. Résultat : les rémunérations sont abordées ouvertement dans environ 6 entreprises sur 10. Dans 30 % des cas, cette communication ouverte s’applique à l’ensemble de l’entreprise. Dans 29 % des cas, les collaborateurs ayant les mêmes fonctions savent ce que les uns et les autres gagnent. Dans 42 % des entreprises, les rémunérations des travailleurs ne sont pas encore abordées. C’est en Flandre que la réticence à faire preuve de transparence en matière de rémunération est la plus forte : 53 % des personnes interrogées ne communiquent pas à ce sujet.
Illustration 1 : Communication en matière de package salarial, à gauche : moyenne nationale ; à droite : par région – Enquête Acerta-Indiville 2024 auprès des employeurs
Catherine Langenaeken, experte juridique en matière de rémunération chez Acerta Consult, explique : « En raison du manque général de transparence sur les niveaux de rémunération au sein des organisations, la discrimination salariale et les préjugés sexistes passent inaperçus. C’est pour cette raison que le Parlement européen a mis au point en mai 2023 des directives indiquant aux employeurs comment être suffisamment transparents quant à la manière dont ils fixent les salaires et les augmentations salariales. Ces directives s’appliqueront aux employeurs qui occupent 150 travailleurs ou plus à partir de l’année de travail 2026. D’une part, ces directives exigent une communication transparente avec les collaborateurs (et les candidats). Ainsi, les candidats doivent être informés par leur employeur potentiel du salaire de départ ou de l’échelle salariale, et l’employeur ne peut pas poser de questions sur leurs antécédents salariaux. Par ailleurs, les organisations concernées devront rendre compte de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes aux pouvoirs publics nationaux, et ce, à partir de 2027. L’objectif est d’appliquer enfin le principe “à travail égal, salaire égal”. Si le rapport fait état d’un écart de rémunération supérieur à 5 % qui ne peut être justifié par des critères objectifs et non sexistes, l’écart devra être comblé. En Belgique, l’obligation d’établir un rapport sur l’écart de rémunération s’applique déjà à partir de 50 travailleurs. Il est donc de plus en plus important que les entreprises parlent ouvertement des rémunérations. Non seulement parce que cette communication ouverte est désormais imposée et que des sanctions sont possibles si elle n’est pas appliquée, mais aussi parce qu’elle peut renforcer la relation entre l’entreprise et les travailleurs. Dans un marché du travail toujours tendu, cela peut représenter un atout supplémentaire pour les entreprises, permettant de renforcer l’esprit d’équipe et d’attirer de nouveaux talents. »
Non seulement les entreprises communiquent de plus en plus ouvertement quant à la rémunération de certaines fonctions, mais les collaborateurs parlent également de plus en plus entre eux de ce qu’ils gagnent. Selon l’enquête d’Acerta Consult, six travailleurs sur dix communiquent de manière transparente avec leurs collègues au sujet de leur rémunération. Les 41 % restants vont d’un modeste « je préfère ne pas en parler » à un catégorique « cela ne regarde personne ». L’enquête révèle également que la réticence à parler de rémunération augmente avec l’âge. Parmi les plus de 55 ans, la moitié (50 %) ne parle pas de son salaire avec ses collègues.
Illustration 2 : Communication relative aux packages salariaux – Enquête auprès des travailleurs, Acerta-Indiville, 2024
Catherine Langenaeken ajoute : « Pour que la transparence en matière de rémunération soit possible, l’entreprise doit évidemment disposer d’une politique salariale. L’absence de ce type de politique provoque une grande frustration parmi les collaborateurs. Ils ne savent pas ce qu’ils doivent faire pour mériter leur salaire ou pour espérer obtenir une augmentation salariale, par exemple. Pour de nombreuses entreprises, cependant, l’exercice n’est pas facile. Une rémunération correcte est équitable et conforme au marché. Elle comprend également tous les avantages en espèces ou en nature qu’un travailleur reçoit directement ou indirectement de l’employeur. Les travailleurs souhaitent que leur rémunération leur apporte sécurité et perspectives. L’expérience et les prestations doivent également être prises en compte dans la politique salariale. Les petites entreprises de moins de 50 travailleurs, qui échappent actuellement aux directives européennes, ont également intérêt à élaborer une politique salariale. On peut s’attendre à ce qu’elles doivent aussi répondre à certaines exigences de transparence à l’avenir. »
À propos des chiffres
Les données sont issues de l’enquête miroir annuelle qu’Acerta Consult fait réaliser par le bureau d’enquête Indiville auprès d’un échantillon représentatif composé de plus de 500 employeurs et de 2700 travailleurs. Les données des entreprises ont été pondérées pour être représentatives de la Belgique quant au nombre de travailleurs dans les entreprises actives d’au moins 5 travailleurs. Les données des travailleurs ont également été pondérées afin d’être représentatives de la Belgique en termes de statut, d’âge, de sexe, de langue et de secteur. Les questionnaires ont été remplis entre le 17 et le 31 janvier 2024 par les employeurs et entre le 16 janvier et le 1er février 2024 par les travailleurs. Cette approche permet d’offrir une perspective historique du point de vue des employeurs et des travailleurs.