La croissance économique structurellement faible se fait désormais sentir sur le marché du travail. Sans être confronté à une crise aiguë (l’économie continue de croître), il est clair que la dynamique s’essouffle. Au cours des deux dernières années, l’économie belge a tout de même créé environ 42 000 emplois, soit une moyenne de 5 000 par trimestre. Mais entre 2015 et 2022, le rythme de création était trois fois plus rapide (15 000 par trimestre).
En outre, une part importante de ces nouveaux emplois provient du secteur public au sens large : sur les deux dernières années, l’emploi public a crû deux fois plus vite que l’emploi privé (28 000 contre 14 000 postes). D’un point de vue économique, il s’agit d’une évolution préoccupante, compte tenu du poids déjà très élevé de l’État dans l’économie. Dans le secteur privé, plusieurs branches clés enregistrent même un recul de l’emploi : industrie (-19 000 emplois en deux ans), construction (-1 100), ICT (-3 300) et services financiers (-500).
Les indicateurs avancés du marché du travail ne laissent pas entrevoir de redressement rapide. L’intérim — traditionnellement le baromètre le plus sensible — a déjà chuté de plus de 20 % depuis début 2022. Parallèlement, le chômage progresse, le nombre de nouvelles offres d’emploi diminue, et les attentes de recrutement se détériorent dans plusieurs secteurs clés.
Dans ses nouvelles projections, la Banque nationale de Belgique prévoit certes la poursuite des créations d’emplois dans les deux prochaines années, mais à un rythme bien inférieur à celui observé jusqu’ici, ce qui est cohérent avec l’hypothèse d’une croissance économique modérée.
Dans ce contexte moins porteur, la fédération continue pourtant d’afficher l’objectif d’un taux d’emploi de 80 %. Au deuxième trimestre 2025, la Belgique se situait à 73,4 %, ne dépassant que quatre pays européens (Italie, Roumanie, Grèce, Espagne). À titre de comparaison, douze États européens ont déjà atteint ou dépassé 80 %, ce qui montre qu’aucune fatalité structurelle n’empêche la Belgique d’y parvenir.
En 2024, 72 % des 20-64 ans travaillaient. S’y ajoutaient 4 % de chômeurs, 7 % d’invalides, 3 % en recherche ou disponibles pour un emploi et 5 % déjà pensionnés avant 65 ans. Les étudiants représentaient 5 % et les personnes au foyer 4 %. En Flandre, les chiffres sont nettement meilleurs : 77 % en emploi, et 5 % déjà pensionnés. Sans départs anticipés à la retraite, la Flandre afficherait déjà plus de 80 % de taux d’emploi.
Les mesures fédérales en cours
Pour relever le défi, le gouvernement fédéral agit sur plusieurs fronts :
Ces démarches vont dans la bonne direction, mais il est hautement improbable qu’elles suffisent à hisser le taux d’emploi à 80 %. Il faudra des efforts supplémentaires : développer massivement la formation continue, accroître la flexibilité réelle, et rendre le travail plus attractif financièrement.
Même avec ces efforts, la Belgique doit affronter une mutation démographique profonde. Le vieillissement de la population active, la coexistence de plusieurs générations et surtout le ralentissement de l’augmentation de la population active annoncent une rareté durable de la main-d’œuvre. Dans les décennies à venir, il n’y aura tout simplement pas assez de nouveaux entrants pour maintenir le rythme de croissance de l’emploi connu jusqu’ici.
Cela signifie que la pénurie de main-d’œuvre va s’aggraver, indépendamment des cycles économiques. Les entreprises devront apprendre à croître sans augmenter proportionnellement leurs effectifs, en misant sur l’automatisation, la digitalisation et l’intelligence artificielle. Le business as usual deviendra de plus en plus difficile.
Conséquence : l’équilibre des forces entre employeurs et travailleurs continuera d’évoluer en faveur des salariés et candidats. Les entreprises doivent en tenir compte dans leur politique RH, car la capacité de négociation accrue des travailleurs, déjà observée ces dernières années, ne s’inversera pas de sitôt.