VLABEL soumet au droit de vente l’attribution d’un immeuble à titre de dividende

La position n° 19078 du 9 décembre 2019 de VLABEL traite du régime des droits d’enregistrement applicable lors de l'attribution d'un immeuble par une SRL à ses actionnaires, et ce, à la suite de la suppression de la notion de capital dans le nouveau Code des sociétés et associations (CSA). De manière assez étonnante, et contrairement à la position de l’administration fiscale fédérale, VLABEL considère que le droit de vente (10 %) devrait être appliqué lorsque l’attribution d’un immeuble intervient au titre de dividende en nature.


Contexte


Le régime des droits d’enregistrement en matière de prélèvement d’un bien immobilier d’une société est visé par deux dispositions du Code des droits d’enregistrement : l’article 129 qui vise les « sociétés de personnes » comme la SRL et l’article 130 en matière de « sociétés de capitaux » comme la SA. Depuis le 1er janvier 2015, ce régime (précisé dans ses termes mais non dans son principe) est visé aux articles 2.9.1.0.4 et 2.9.1.0.5 du Vlaamse Codex Fiscaliteit pour la Région Flamande (ci-après « VCF »).


Dans les deux cas, le prélèvement est en principe soumis au droit de vente (10% si le bien immeuble est situé en Région flamande ou 12,5% si le bien est situé en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région wallonne).


Certaines exceptions existent toutefois pour la SRL. L’article 129, alinéa 2 du Code des droits d’enregistrement instaure ainsi un « régime d’attente » en application duquel la perception des droits reste limitée au droit fixe général de 50 EUR lorsque le liquidateur procède, dans le cadre de la dissolution de la société à l’attribution du bien immobilier à tous les associés proportionnellement à leur détention d’actions.


Comme son nom l’indique, ce régime n’est que provisoire. On appréciera ensuite si l’attribution de l’immeuble doit être soumise au droit de vente, au droit de partage, ou au droit fixe général, en fonction des circonstances de l’espèce.


Dans le cas d’une SRL, conformément aux articles 129, alinéa 3, 2° du Code des droits d’enregistrement et 2.9.1.0.4, alinéa 2, 2° du VCF, l’attribution peut ainsi rester soumise au droit fixe général lorsque les actionnaires qui se voient attribuer l’immeuble sont ceux qui l’ont apporté à la société ou s’ils peuvent démontrer qu’ils étaient déjà actionnaires de la société lors de l’acquisition de l’immeuble.

Dans ces deux cas toutefois, le régime des droits d’enregistrement dépendra du caractère de droit civil de l’opération juridique en vertu de laquelle le prélèvement intervient. Il n’est donc pas exclu que le droit de vente soit applicable si, par exemple, l’on devait considérer que l’attribution de l’immeuble intervient comme modalité de paiement d’une dette préexistante.


La position n° 19078 du 9 décembre 2019 de VLABEL


Par cette position, VLABEL examine, entre autres, le régime des droits d’enregistrement applicable à l’attribution d’un immeuble qui est imputée, totalement ou partiellement, sur les réserves disponibles de la société, et ce dans les cas où le « régime d’attente » ne s’appliquerait pas, à savoir en cas d'attribution à l'associé unique ou à la suite d'une attribution asymétrique.


Si VLABEL assimile, à juste titre, l'attribution d'un immeuble, comptablement imputée sur les réserves disponibles, à la distribution d’un dividende en nature, la position n° 19078 conclut toutefois, erronément selon nous, qu'une telle distribution de dividendes en nature doit être considérée comme un transfert à titre onéreux dans le cadre de l’application des droits d’enregistrement, de sorte que le droit de vente (ou le droit de partage en cas d’indivision) sera dû en vertu de l'article 2.9.1.0.4, al. 2 du VCF.


VLABEL ne précise malheureusement pas le fondement juridique de cette affirmation.


Il est permis de penser toutefois qu’il applique à la distribution d’un dividende en nature, le régime de la « dation en paiement ». Celle-ci peut être définie comme un contrat conclu entre un créancier et son débiteur, en vertu duquel ce dernier est autorisé à réaliser une prestation autre que celle initialement prévue. Bien que la nature juridique de la dation en paiement soit controversée, il a déjà été admis que le droit de vente pouvait être prélevé en cas de dation en paiement d'un immeuble de la société en vue de l'extinction d'une créance de l'actionnaire à l'égard de la société. Le raisonnement est assez simple et doit être effectué en deux temps. Nous avons tout d’abord une dette qui n’emporte pas le paiement de droits d’enregistrement quelconques. Ensuite, les parties conviennent par un nouveau contrat d’en modaliser le paiement. La dette est éteinte par le transfert d’un immeuble, ce qui revient à considérer que celui-ci a bien été transféré à titre onéreux (l’extinction de la dette) et que le transfert peut donc être soumis au droit de vente.


Réfutation de la position de VLABEL


La distribution d’un dividende, qu’elle intervienne en nature ou non, ne constitue pas un contrat à titre onéreux. C’est ce qu’a notamment décidé la Cour de cassation française dans un arrêt du 12 février 2008 qui y voit un « acte juridique unilatéral ».

C’est également la position de l’administration fiscale fédérale dans une décision du 9 octobre 2007 publiée le 18 février 2020. Selon elle, « la diminution des réserves (paiement du dividende) à concurrence de l’attribution du bien immeuble diffère du remboursement d’une créance existante de l’associé qui reçoit le bien » et « cela ne sera pas considéré comme une dation en paiement ».


Nous ne pouvons que souscrire à cette approche qui se fonde sur un raisonnement juridique parfaitement exact sur le plan civil et en tire les seules conclusions admissibles sur le plan fiscal.


Puisse cette décision inspirer un changement de position de VLABEL.


François Collon

Avocat fiscaliste

Hirsch & Vanhaelst


Source : Linkedin

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