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Prix de transfert: quand le fisc belge tente de revoir un taux d’intérêt intragroupe « at arm’s length »

1. Une affaire aux multiples facettes

Le fisc belge a contesté le caractère « at arm’s length » du taux d’intérêt pratiqué sur un prêt de 800 millions d’euros, octroyé par une société de financement luxembourgeoise (luxco) à une société belge (voir infra).

Le tribunal de première instance de Louvain avait également rejeté l’application des RDT sur les dividendes colossaux reçus par la même société belge en provenance de sa filiale UK, en se fondant sur le principe anti-abus européen (abus de la directive mère-filiale).

Voir à ce sujet le post précédent de l’auteur.


2. Discussion autour du taux du marché

Pour le fisc, le taux pratiqué (7,22%) était exagéré ; le taux de marché aurait dû s’élever à 4,88%.

Il a donc ajouté la différence (montant d’intérêts excessif de 18.812.796 €) à la base imposable de la société belge, sur le fondement des articles 26 et 185, § 2 du CIR (exercice d’imposition 2016).

La société belge, quant à elle, avait produit un rapport de prix de transfert établi par les professeurs Shapiro et Sarin, au moment de la conclusion du contrat de prêt, étayant le taux d’intérêt pratiqué.

L’Inspection Spéciale des Impôts (ISI) n’était toutefois pas satisfaite de ce rapport. Elle a exigé une seconde étude, cette fois-ci confiée à des experts belges.

Cette seconde étude concluait à un taux de marché entre 6,95% et 7,65%, en appliquant la méthode CUP.


3. La charge de la preuve repose sur le fisc

Selon le tribunal, le fait que l’administration parvienne à un autre résultat – via une autre méthode de prix de transfert – ne suffit pas à démontrer que le taux pratiqué était anormal ou non conforme au marché.

Après un raisonnement détaillé de 14 pages, le tribunal reconnaît qu’il y avait un avantage anormal, mais uniquement à hauteur de la différence entre 7,22% et 6,93% (soit 0,29%), le taux de 6,93% étant jugé conforme au marché sur la base du second rapport.


4. Une jurisprudence en construction

Tribunal de Bruxelles, 20 juin 2023 : le redressement est confirmé, car les taux pratiqués s’écartaient de la méthode S&P appliquée par le fisc.

Tribunal d’Anvers, 22 novembre 2023 : le contribuable obtient gain de cause, le fisc n’ayant pas démontré que le taux de 5,4% (Euribor + 4,4%) n’était pas conforme au marché.


Conclusion : une documentation préventive indispensable

Cette jurisprudence récente illustre l’intérêt crucial, pour les groupes, de documenter in tempore non suspecto leurs pratiques de prix de transfert.

Un dossier bien constitué, reposant sur des méthodes reconnues, peut faire toute la différence devant le juge fiscal.

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